Dimanche 22 décembre 2024

Économie

Nyabihanga et Kayokwe : les agriculteurs remontés contre l’Anagessa

17/06/2024 4
Nyabihanga et Kayokwe : les agriculteurs remontés contre l’Anagessa
Les agriculteurs de la commune Nyabihanga demandent au gouvernement de résoudre la question du retard dans le paiement pour leur production

L’Agence nationale de Gestion du stock de sécurité alimentaire, Anagessa a débuté la collecte du surplus de maïs auprès des agriculteurs depuis le 19 février 2024.  Parmi les défis figure le retard de paiement pour les quantités reçues.  Les agriculteurs des communes Kayokwe et Nyabihanga n’en reviennent pas

Après l’annonce sur la collecte du maïs, les agriculteurs se sont bousculés pour amener leur production vers l’Anagessa. Malheureusement, il s’est avéré que cette agence fait face à plusieurs défis. Il s’agit notamment de l’insuffisance des équipements nécessaires, à savoir les hangars, les sacs, l’humidimètre et les fonds pour payer les agriculteurs qui amènent leur production. Dans les communes Nyabihanga et Kayokwe de la province de Mwaro, au centre du pays, les agriculteurs sont déboussolés.

La population de la commune Kayokwe se plaint par exemple de la gestion de la récolte par l’Etat. Pour elle, le gouvernement est devenu commerçant alors qu’il n’a pas les moyens nécessaires pour le faire.

La population ne comprend pas pourquoi le gouvernement ne permet pas aux commerçants d’acheter leurs maïs.« Ce n’est plus un secret. L’Anagessa ne dispose pas de fonds suffisants pour payer toute la production de maïs. C’est pour cette raison que l’Etat devrait plutôt favoriser la libre circulation des marchandises, à commencer par le maïs. Car, les commerçants sont capables d’acheter le kilo au même prix que celui que l’Etat donne aux agriculteurs. Avec les commerçants, tu donnes ta récolte et tu rentres avec l’argent pour résoudre d’autres problèmes. Ce qui n’est pas le cas avec Anagessa », fait-elle observer.

Même son de cloche chez un autre producteur de maïs de cette commune. Il indique avoir attendu presque un mois pour avoir son argent.  Il a vendu sa récolte avec un objectif de s’acheter une propriété où cultiver afin d’augmenter la production. Et voilà que l’argent lui est parvenu quand un autre l’avait déjà achetée.  « C’est frustrant de vendre tes produits et d’attendre plus d’un mois pour être payé. Je suis toujours sous le choc », se désole-t-il.

Les autres agriculteurs ne voient pas d’un bon œil le monopole attribué à l’Anagessa. « Celle-ci devrait se montrer à la hauteur de ses tâches. Aussi, il n’y a aucune raison de nous empêcher de vendre notre production à n’importe quel autre commerçant et quand nous voulons. On ne peut pas acheter des produits sans argent », insiste un cultivateur de la commune Kayokwe très fâché.

Courir des risques oui mais ….

Face à cette situation, certains producteurs refusent de vendre chez l’Anagassa et préfèrent aller clandestinement chez les commerçants même si ces derniers leur proposent de vils prix. Chez Anagessa, le prix d’un kilo est de 1 700 BIF tandis que chez les commerçants c’est moins de 1 500 BIF. « Nous bravons l’interdiction de l’administration et nous encourons des risques.  Mais au moins, celui qui amène sa quantité de maïs rentre avec son argent pour satisfaire d’autres besoins », témoigne un commerçant au marché de Kibumbu.

Jérémie Ndayishimiye de la colline Saswe demande au gouvernement de prévoir à temps l’argent nécessaire à donner aux producteurs. Cela permettrait de combattre les commerçants spéculateurs qui achètent à bas prix.

Emmanuel Nduwimana, conseiller chargé des questions de développement et des statistiques à la commune Kayokwe salue la bonne production de maïs qu’on a eue cette année. Il se base sur les quantités déjà collectées et stockées dans les hangars de l’Anagessa. Il fait savoir que même les hangars disponibles ont été débordés. « Concernant les lamentations des agriculteurs, je leur dis de patienter. Je suis aussi agriculteur et donc je suis également concerné. Le gouvernement est à l’œuvre », tranquillise-t-il.

Il fait savoir que le travail de collecte de la production de maïs va bon train. Il reconnait que les agriculteurs ne reçoivent pas leur argent à temps. Il les appelle plutôt à patienter car, dit-il, la vision du gouvernement est de soutenir les producteurs par un prix digne.

Les jetons ne s’échangent pas avec d’autres produits

Toujours dans la commune Nyabihanga, certains agriculteurs déplorent aussi le retard des frais pour les quantités vendues. Ils rentrent avec des jetons. Certains décident de retourner avec leurs graines de maïs. « Nous donnons notre production et on nous donne en retour des jetons comme si on peut les échanger avec d’autres produits sur le marché », se désole un agriculteur de la colline Mirama, commune Nyabihanga.

Josaphat Hakiza, un agriculteur de la colline Kibungere fait la même observation. Pour lui, il est inconcevable que l’Etat achète sans argent. Il s’interroge sur les vraies motivations. « Pourquoi commencer à acheter sans avoir le capital nécessaire ? Notre production n’est pas à donner par crédit. Nous avons besoin d’argent pour nous procurer ce dont nous avons besoin ». Et de demander au gouvernement de résoudre ce problème.

D’après Pasteur Ndikumana, chef de la zone Kibungere, la production de maïs a été bonne sur cette colline. « Les agriculteurs qui ont vendu leur récolte ont pu subvenir à leurs besoins. Ce qui a boosté la production c’est la disponibilité de l’engrais Fomi à temps ».  Il s’est néanmoins refusé de commentaire sur les plaintes et les griefs des agriculteurs contre l’Anagessa qui achète à crédit.

Anastase Nkamicanye, secrétaire exécutif permanent de la commune Nyabihanga tranquillise les producteurs

Selon Anastase Nkamicanye, secrétaire exécutif permanant de la commune Nyabihanga, cette commune a eu une grande production des céréales comme le maïs. Il se base sur de grandes quantités vendues et d’autres conservées dans des stocks de l’Anagessa. Il indique que plus de 200 tonnes de maïs ont été collectées même s’il dit ne pas disposer des chiffres actualisés.

Cet administratif reconnaît les lamentations de sa population qui déplore vendre leur production à crédit. « C’est vrai que les agriculteurs amènent leur production et qu’ils doivent attendre le décaissement. Ils doivent patienter car le gouvernement est à l’œuvre. Notre souhait est que le payement se fasse le plus tôt possible », souligne-t-il.

Il estime que personne ne doit être découragé car le payement doit se faire. Il rappelle que vendre chez les commerçants locaux est interdit. Il fait un clin d’œil aux agriculteurs pour ne pas vendre leurs récoltes à bas prix.

Anastase Nkamicanye appelle plutôt la population à ne pas vendre toute la production afin d’éviter des problèmes. Il explique qu’elle risque de les acheter sur un prix élevé chez les commerçants. Pour lui, il faut mettre seulement le surplus sur le marché pour se procurer ce dont on a besoin.

La situation des agriculteurs de Kayokwe n’est pas loin de celle vécue par les agriculteurs de Nyabihanga. Ils craignent aussi la pourriture du maïs dans les hangars de stockage.

Mise en garde

Dans une rencontre avec tous les intervenants dans la collecte de la production du mais à Ngozi, le 5 juin 2024, le Premier ministre Gervais Ndirakobuca a mis en garde contre tous les acteurs impliqués dans la vente et achat du maïs. « On ne peut pas continuer à acheter la production qui va pourrir dans les stocks alors que les citoyens en ont besoin », a-t-il insisté.

Il avait instruit l’Anagessa de rendre disponibles tous les moyens nécessaires pour éviter la catastrophe. Il a demandé au ministère ayant l’agriculture dans ses attributions de mettre à la disposition de cette agence les insecticides nécessaires. Il a alors suspendu la collecte jusqu’au 10 juin.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement tente cette aventure controversée dans la régulation des prix pour des produits non stratégiques. Depuis sa création en 2019, ce projet cumule des échecs. La conservation des denrées alimentaires pose problème. Il a été constaté une insuffisance des hangars et un manque de suivi des stocks. Ce qui a occasionné la pourriture d’une bonne partie des stocks de maïs en 2022.

Des photos qui ont circulé sur les réseaux sociaux faisaient froid dans le dos.  Dans la foulée, le 27 octobre 2023, le directeur général de l’Anagessa de l’époque, Evariste Manirambona, a été suspendu. Le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage de l’époque, Sanctus Niragira, avait fait savoir que « cette mesure résulte du manquement professionnel entraînant des pertes énormes au sein de l’agence ».

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Bogoza

    Si l Anagessa est une compagnie performante ou viable,
    Libéralisez l’achat du maïs.
    Quel intérêt l’Etat burundais gagne t il?

    • Barekebavuge

      Laissez l’Anagessa faire la compétition avec les autres pays

      • Barekebavuge

        Pardon, lisez les autres commerçants

    • Stan Siyomana

      @Bogoza
      Le secteur prive/les commercants sauraient comment se faire un profit, l’Etat aussi pourrait se faire un profit si la difference entre le prix auquel le mais va etre revendu plus tard et le prix propose aujourd’hui a l’agriculteur tient bien compte du salaire des agents de l’ANAGESSA et du prix du stockage et d’une certaine marge de profit. Mais en general l’Etat est la pour rendre des services a la population et non pour se faire beaucoup de profits sur le dos de ladite population.
      Je crois qu’avec les changements climatiques, il devient de plus en plus difficile de prevoir les recoltes, l’ANAGESSA doit etre bien geree/utilisee pour que le pays puisse avoir une securite alimentaire.
      Munda harara inzara hakavyukamwo inzigo.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Que la compétition politique soit ouverte

Il y a deux mois, Iwacu a réalisé une analyse de l’ambiance politique avant les élections de 2020 et celles à venir en 2025. Il apparaît que la voix de l’opposition est presque éteinte. Il n’y a vraiment pas de (…)

Online Users

Total 1 744 users online