Dans la foulée de l’arrestation et détention de Béatrice Barengayabo, mardi 7 janvier, au commissariat de police en commune Nyabihanga, pour une propagande à connotation ethnique auprès d’élèves, Iwacu est allé à la rencontre de certains de ces derniers. Témoignages.
Tout remonte au 21 décembre dernier. La direction communale de l’enseignement à Nyabihanga convoque une réunion pour le 28 décembre. A travers un communiqué qui annonce le jour de la proclamation des résultats du 1er trimestre, elle en profite pour annoncer cette rencontre qui devrait se tenir dans les quatre zones de Nyabihanga, ce samedi-là, à partir de 9h.
Justificatif : Nécessité d’améliorer les résultats et de maintenir la 1ère place dans la direction provinciale de l’enseignement de Mwaro et se battre pour la décrocher au niveau national. La réunion s’inscrit dans le cadre de plusieurs réunions d’auto-évaluation.
«Tous les élèves de la 7e jusqu’aux finalistes doivent y participer», insiste la direction. Les animateurs sont des éducateurs natifs de chaque zone. Selon elle, chaque zone va analyser sa place dans le classement communal et donner des conseils.
Les directeurs sont appelés à rappeler ce rendez-vous à leurs élèves, le jour de la proclamation. Ils devraient aussi scrupuleusement vérifier la présence de tout le monde, lors de la réunion.
La volte-face de la réunion
Samedi 28 décembre, l’agenda de la réunion changera sans aucun avis ou consultation des participants. «Nous étions sidérés d’entendre ce que l’on nous enseignait », affirment des élèves qui ont pris part à cette réunion. « On s’attendait à des conseils, à des stratégies pour améliorer le niveau de réussite. Mais, les conférenciers ont tenu des propos terrifiants, racistes, haineux. Une véritable campagne électorale pleine de diffamations», raconte I.K., un élève natif de la zone Muyange.
D’après lui, après un début marqué par de belles chansons religieuses, une prière et l’hymne national. L’essentiel des propos tournait autour de «l’exclusion de l’intelligentsia hutue » dans l’appareil décisionnaire burundais. « Un des animateurs nous a dit que les Hutu n’avaient pas la chance d’étudier, de réussir au concours national, etc.» Et il indexait la province Bururi d’avoir été la plus privilégiée. « Il nous disait c’est là que se trouvaient toutes les écoles ».
Dans la zone Nyabihanga, les mêmes propos. Les participants disent qu’à un certain moment, la réunion a été suspendue. « Il y avait trop de questions. Et nous étions frustrés parce que c’était vraiment de l’intoxication, de la propagande », confie un jeune de l’Ecofo Nyabihanga, avant d’ajouter : «On nous enseignait qu’Agathon Rwasa, le patron du CNL, veut remettre en selle les Tutsi.» Selon eux, le patron du CNL serait le candidat des Tutsi : «Il faut voter pour le parti qui a construit pour vous les écoles. Si vous y êtes aujourd’hui, c’est grâce au Cndd-Fdd ».
Selon des témoignages, Béatrice Barengayabo, enseignante à l’ECOFO Nyabihanga, aurait dénoncé ces propos qu’elle considérait comme une politisation excessive des jeunes scolarisés. Elle aurait été arrêtée, soupçonnée d’avoir partagé des sons de la réunion. Des habitants de Nyabihanga soutiennent que cette enseignante était dans son rôle. «En tant qu’éducatrice, elle ne pouvait pas prendre à la légère cette instrumentalisation ethnique».
Quant à Fabien Mahera, représentant provincial du CNL à Mwaro, il estime que Béatrice Barengayabo est victime de son appartenance politique. Elle était membre du CNL. Il demande une libération immédiate. Pour rappel, il y a plus d’une semaine, Adrien Ntunzwenimana, administrateur communal de Nyabihanga, avançait que « les enquêtes doivent avoir lieu pour déterminer si Béatrice Barengayabo est coupable ou pas ». Cette dernière croupit toujours en prison au commissariat provincial de Mwaro.