15 août 1988- 15 août 2018, trente ans viennent de passer après la crise sanglante qui a endeuillé les communes de Ntega (Kirundo) et Marangara(Ngozi). Hélas, à ce jour, la lumière n’est pas faite sur ces événements tragiques.
Des questions sans réponse demeurent, notamment les responsabilités. Qui a fait quoi, pourquoi et comment ? Dans une enquête menée par le journal Iwacu, il y a cinq ans, deux versions se transmettent entre générations : une affirme que des » extrémistes Hutu’’ se sont déchaînés, froidement sur des ’’innocents Tutsi’’.
Une autre version raconte que les Tutsi voulaient liquider les Hutu comme ils l’ont fait en 1972 : « Nous avons pris les devants pour nous défendre, plutôt que mourir bras croisés.» La fameuse formule «provocation-réaction-répression», est évoquée.
Dans son livre «Mémoires d’un diplomate, Entre tourments et espoir», l’ambassadeur Cyprien Mbonimpa, alors chef de la diplomatie burundaise parle d’ «une masse de paysans hutu excités, certains par la drogue, qui déferlent sur les collines environnantes pour massacrer leurs concitoyens tutsi ou forcer d’autres Hutu à les suivre dans leurs actes de destruction».
Par ailleurs, il pointe du doigt le Rwanda, d’en être responsable, de près ou de loin : «Il est clair que l’organisation des massacres de Ntega et Marangara est le fruit du travail de sape qui a été orchestré par des groupuscules extrémistes Hutu basés à l’extérieur et qui ont bénéficié d’un appui multiforme du gouvernement de Habyarimana.» Ce que balaient d’un revers de main les intellectuels Hutu signataires de la lettre ouverte adressée au président Buyoya, le 22 août 1988. «L’armée a provoqué des tensions ; la même armée a amené la répression dans les campagnes».
L’opinion reste non informée, voire intoxiquée. Les Hutu disent ne pas comprendre l’utilisation d’ «armes de destruction massive dont le napalm» pour réprimer des gens drogués munis de machettes, de gourdins et de lances. Certains parlent de 30 mille tués alors que le gouvernement d’alors reconnaît 5 mille. Deux vérités s’affrontent sur les drames qui ont frappé les communes Ntega et Marangara. La Commission Vérité et Réconciliation a le devoir d’éclairer les Burundais.
Trente ans ce n’est pas long. La plupart des hauts dignitaires et acteurs politiques de cette époque sont encore en vie. Cet organe peut récolter les témoignages d’une grande partie de la population qui a assisté aux massacres. C’est un devoir de mémoire. Et seule la vérité nous affranchira.