Vendredi 22 novembre 2024

Société

Ntahangwa : l’enfer des déplacés de Mubone

06/03/2020 Commentaires fermés sur Ntahangwa : l’enfer des déplacés de Mubone
Ntahangwa : l’enfer des déplacés de Mubone
Des ‘’ nids’’ dans lesquels passent la nuit certains déplacés.

Des conditions précaires d’hygiène, des difficultés d’accès aux soins de santé, etc. Plus de 800 familles vivent un vrai calvaire au site de Mubone, zone Buterere, commune Ntahangwa. Des morts déjà. Reportage.

Buterere, au nord de Bujumbura, quartier Mubone riverain d’une grande étendue rizicole traversée par la rivière Kinyankonge. Des montagnes d’immondices attirent d’innombrables sortes d’insectes tels des moustiques, des mouches… Des asticots aussi. Non loin de ces dépotoirs, des étables y sont érigés. On y garde des vaches et des chèvres. Différents types d’arbustes dominent les anciens bureaux de la commune Mutimbuzi. C’est dans cet endroit qu’est installé le site de Mubone.

Mardi, vers 11h. Certains déplacés dorment dans les anciens bureaux de la commune. « Il s’agit surtout de ceux des quartiers de Buterere qui viennent d’y passer trois mois », confie Innocent Nzeyimana, le responsable du site. D’autres, dont la majorité vient de Kinama, dorment à la belle étoile ou sur les trottoirs des maisons environnantes.
Des centaines de maisons de fortune y sont installées. Presque des ‘’nids’’, des ‘’poulaillers’’ faits de moustiquaires, de sachets, de morceaux d’habits usés, etc. Juste des abris pour les petits enfants, témoigne un déplacé sur place. Quelques tentes y sont également installées. « Elles restent insuffisantes », raconte Innocent Nzeyimana, responsable du site.

Ce site abrite 810 ménages. Certaines familles sont installées depuis décembre 2019 en provenance des différents quartiers de Buterere. D’autres y sont récemment arrivés de Kinama.

Daniel Rushimantwari habitait le quartier Kinyankonge. Ce père de quatre enfants indique qu’ils vivent dans des conditions déplorables : « Depuis mon arrivée ici, nous dormons à plus de huit personnes dans une petite chambrette. Les hommes à part, et les femmes dans une autre partie».

Très difficile de trouver de quoi mettre sous la dent. Il assure que l’assistance alimentaire reste très insuffisante. « En cas d’aide, chaque famille reçoit 10 kg de riz et 5 kg de haricot. On se débrouille pour avoir de l’huile, du charbon, etc». Et l’assistance n’est pas régulière. Néanmoins, il reconnaît que des savons, des pagnes et des serviettes hygiéniques ont été récemment octroyés par la Première dame. Y compris le lait pour les nourrissons. Pour Radjabu Ndikumana, un déplacé originaire de Kinama, « vu les besoins, les aides restent très minimes ».

A Mubone, les déplacés gardent de mauvais souvenirs des intempéries. M.Ndikumana n’a rien pu sauver de sa maison : « C’était autour de 2h du matin. J’ai entendu des gens crier au secours. Et quand je me suis réveillé, toute ma maison était inondée. J’ai réussi à sortir ma famille avant que ma maison s’effondre. » Ses ustensiles, son matériel de couchage, ses habits… ont été emportés par les courants d’eau.

Mme Nahimana, 52 ans, demande à l’Etat et aux bienfaiteurs de leur octroyer des tôles pour reconstruire leurs maisons. Pour les locataires, il faut leur donner de l’argent pour aller louer des maisons ailleurs ou retourner sur leurs collines d’origine.

Des menaces sanitaires

En moins de deux semaines, Innocent Nzeyimana fait le bilan de deux personnes mortes. Le cas le plus récent remonte à mardi. Marie Nibogora, 30 ans, est morte après une nuit hospitalisée au dispensaire privé « AGAPE ». Ce responsable indique aussi qu’un enfant du nom de Janvier Igiraneza, 10 ans, nous a quittés, il y a une semaine. « Dans la soirée de mardi, neuf autres personnes, dont six adultes et trois enfants, ont été évacuées vers ce centre de santé ». Selon M. Nzeyimana, ces personnes ont la diarrhée ou présentent des signes de malaria. Mercredi matin, six nouveaux cas de diarrhée ont été détectés.

Dans ce site, l’hygiène laisse à désirer. Il ne compte qu’un seul robinet d’eau. Et des coupures d’alimentation en eau sont très fréquentes. Une situation empirée par le manque criant des lieux d’aisances. Le responsable du site indique qu’il n’y a que 12 toilettes en mauvais état. Ce qui augmente des risques d’épidémie de choléra. Les plus vulnérables sont les nouveau-nés, les enfants et les personnes âgées. « Nous avons besoin de matériel de couchage, de moustiquaires pour nous protéger contre le froid et les moustiques », lance Radjabu Ndikumana. De petites bestioles connues sous le nom de Nairobi fly ont créé la panique dans ce site. Beaucoup de déplacés ont des tâches sur leurs corps.

Quid de la sécurité ?

Quelques tentes installées dans le site de Mubone

Les déplacés de Mubone dénoncent une ingérence de certains administratifs. « A notre arrivée, nous avions mis en place des équipes de sécurité. Mais, aujourd’hui, le chef de quartier Mubone menace d’amener ses hommes pour assurer notre sécurité », se plaint M.Nzeyimana, responsable du site. Il craint une infiltration et une installation d’autres familles non affectées par les intempéries. « Et ce, en vue de bénéficier d’une assistance destinée aux déplacés». Ce responsable redoute un agenda caché du chef de quartier. Il signale que même l’aide octroyée par la Première dame a failli provoquer des confrontations. Il demande un appui des autorités au niveau zonal ou communal pour que cette aide soit donnée aux vrais nécessiteux.

Contacté, Ernest Nduwimana, chef de zone Buterere, indique que la spéculation est trop forte dans des sites de déplacés : « Le responsable d’un site n’est pas au-dessus de l’administration. Au contraire, c’est le chef de quartier qui doit suivre au quotidien ce qui se passe dans le site.» Ce qui implique aussi la gestion des aides. D’après lui, si un incident se produit dans ce site, c’est le chef de quartier qui devra faire un rapport.

M.Nduwimana précise que 99% des déplacés de Mubone étaient des locataires. « Si le site perdure, même d’autres personnes, des sans-abris, vont continuer à affluer vers là espérant être assistés ». Pour lui, le plus urgent c’est de le démanteler, d’aider les occupants à retourner chez eux ou trouver d’autres habitations.
Réagissant sur la détérioration des conditions de vie dans ce site, il déplore les morts déjà enregistrés. Il conseille aux déplacés de penser à retourner chez eux.

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