Certains quartiers de la commune Ntahangwa, au nord de Bujumbura peuvent passer plusieurs jours, semaines sans aucune goutte d’eau potable. Les habitants craignent pour leur santé. Le ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines assure que cela est impossible.
« Ici, nous n’avons pas d’eau, que ce soit dans les robinets publics ou dans les ménages. Pour en avoir, nous devons aller dans les quartiers Gikizi ou Heha », témoigne Anitha, une habitante du quartier Mirango I, zone Kamenge, commune Ntahangwa. Cette situation vient de passer plusieurs semaines. Elle confie que seules quelques parcelles sont alimentées probablement par des sources d’eau se trouvant dans les montagnes. Même là, cette mère de cinq enfants signale qu’ils ne sont pas régulièrement approvisionnés.
Aujourd’hui, elle précise que pour un bidon de 20 litres, on doit débourser 100BIF. Et quand on utilise un taxi-vélos, détaille-t-elle, tu dois donner 500BIF pour un seul bidon.
Pour une seule journée, elle indique qu’elle dépense entre 6.500BIF et 7.000BIF. Pour d’autres services liés à l’hygiène, les habitants se rabattent sur les eaux souterraines. « Beaucoup de familles ont creusé des puits. Et on y puise de l’eau qui n’est pas propre. Mais, on l’utilise pour le lavage des ustensiles de cuisine, les toilettes, etc ».
Pour ceux qui n’ont pas assez d’espace dans leurs parcelles pour creuser ces puits, ils doivent donner 50BIF pour puiser.
Mirango n’est pas le seul à souffrir au nord de Bujumbura. La pénurie est très prononcée dans les quartiers Taba, Nyabagere, Winterekwa et Muyaga (partie Gisandema). Les gens recourent à l’eau des rivières.
Dans le quartier Taba, cellule V, la situation est déplorable. « Aucune goutte d’eau depuis bientôt deux semaines, les robinets sont à sec. L’eau potable est aussi rare que l’or », décrit A.B., un habitant de la localité. Ce père de six enfants indique que leur santé est en danger : « Nous craignons pour notre santé, et celle de nos familles. Il y a un risque élevé de résurgence des cas de maladies des mains sales, si cette question n’est pas résolue sous peu. Malheureusement, le constat est que la réponse n’est pas pour demain. Aujourd’hui, au lieu de se concentrer sur l’eau, voilà que la Regideso sert du carburant. Une mission qu’elle remplit difficilement. »
Ce taximan fait savoir que pour avoir de l’eau à boire, on doit payer : « Chaque jour, j’utilise 10 bidons de 20 litres chacun. Cela équivaut à 5.000BIF par jour. » Or, souligne-t-il, dans les conditions normales, cet argent était utilisé pour satisfaire d’autres besoins. Il ne doute pas qu’avec le début de l’année scolaire, le coût de l’eau va monter.
Pour ceux qui ont des revenus, ils sont obligés de payer les taxis-vélos. Ce n’est pas aisé pour les taxi-vélos parce qu’ils garent les vélos à quelques 300 mètres. Ils viennent à pied prendre les bidons dans nos maisons. De retour ils garent les vélos au même endroit. Ils apportent les bidons dans les mains ou sur la tête. On est alors obligé d’y ajouter 1.000 BIF pour le transport », confie Ildefonse Kubwimana, un autre habitant de ce quartier.
Pour ceux qui n’ont pas d’argent, déplore-t-il, ils utilisent l’eau de la rivière Nyabagere pour la cuisson, le nettoyage, la lessive. Les enfants en boivent avec le risque d’attraper les maladies des mains sales.
D’après lui, il y a une autre catégorie de gens qui est obligée de parcourir de longues distances (environ 3km) pour transporter de l’eau sur la tête, les vélos ne circulant pas dans le quartier.
Le gouvernement n’y croit pas
« Je ne peux pas accepter l’idée qu’il y a certains quartiers à Bujumbura qui peuvent passer toute une semaine sans eau. En vérité, cela n’est pas possible », a déclaré Léonidas Sindayigaya, porte-parole du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des mines.
C’était à Muramvya, lors d’une émission des porte-paroles des institutions publiques. Il reconnaît qu’il peut y avoir des pannes techniques, mais une semaine ne peut pas s’écouler sans eau potable dans un quartier de Bujumbura.
Néanmoins, il concède des lacunes dans ce domaine : « Nous savons que la production n’est pas encore suffisante, mais nous continuons à chercher d’autres sources d’eau pour augmenter la production. »
En attendant une solution durable, M. Sindayigaya a rappelé le numéro de téléphone du directeur général de la Regideso pour l’informer en cas de coupure d’eau potable.
Des réponses qui ne convainquent pas les habitants du nord de Bujumbura. « Cela montre qu’il n’est pas au courant de ce qui se passe dans nos quartiers. C’est révoltant. C’est se moquer de nous. Qu’il nous serve de l’eau et pas de numéro de téléphone », rétorque Anitha, une habitante de Mirango I, choquée. Elle ne comprend pas comment dans une ville comme Bujumbura, riveraine du lac Tanganyika, certains quartiers peuvent manquer d’eau sur une longue période. Et A.B. d’enfoncer le clou : « Il a raté l’occasion de se taire. Il a menti. Car, je sais très bien qu’ils sont au courant de notre situation. »