Les autorités municipales comptent délocaliser les sites de déplacés victimes des inondations en dehors de Bujumbura. Très inquiets, ces derniers dénoncent une décision unilatérale.
Cette opération concerne les occupants de deux sites installés en commune Ntahangwa, au nord de Bujumbura. Il s’agit de Mubone, zone Buterere et Uwinterekwa dans la zone Gihosha.
« Selon le maire de la ville, bientôt, nous allons être déplacés vers un autre endroit », confie Innocent Nzeyimana, responsable du site de Mubone. Il parle d’une décision prise sans consentement, sans avoir eu l’occasion d’exprimer leurs souhaits.
Désemparé, ce père de famille trouve cette mesure inopportune. « Le problème d’abri ne se pose plus dans notre site. Des tentes sont là de la part des bienfaiteurs.» Il ajoute que bientôt, les élèves vont commencer les examens : « Est-ce que nos enfants vont abandonner l’école ? Comment l’administration va gérer cette question ? ».
Dans ce même site, un autre sinistré des intempéries originaire du quartier Mugaruro rappelle que la majorité des occupants ne vit que de l’agriculture. Leurs champs ne sont pas loin de leurs parcelles. Logé dans ce site, ce déplacé affirme qu’il parvient à entretenir leurs ‘’domaines ‘’ en attendant la saison sèche pour réhabiliter ou reconstruire leurs maisons anéanties par les vents et courants d’eau.
A Uwinterekwa, ce sont les mêmes lamentations. Kabura, un des déplacés de cette localité ne doute pas que cette décision va empirer leur situation. D’après lui, la plupart d’entre eux exerce de petits métiers dans la ville de Bujumbura : taxi-vélos, commerçants, veilleurs, etc. Malgré que leurs maisons aient été partiellement ou totalement détruites par les pluies, d’autres y possèdent des parcelles. « Au lieu de nous conduire dans un autre endroit, il faut plutôt qu’ils nous aident à construire de nouvelles maisons.» Cet homme, la cinquantaine, se demande pourquoi ces autorités ne dévoilent pas cette nouvelle destination.
« Le malheur ne vient jamais seul »
Que ce soit à Mubone, ou à Uwinterekwa, les sinistrés sont désemparés. Ils ne savent plus à quel saint se vouer. « On dirait le chemin de la Croix. Quand cette catastrophe s’est abattue sur moi, j’ai perdu la tête. Après, les autorités ont trouvé où nous caser. Nous avons poussé un ouf de soulagement », raconte, déboussolé, un père de famille déplacé d’Uwinterekwa. Avant de poursuivre : « Et voilà, le même calvaire commence. Nous sommes des nomades. Le malheur ne vient jamais seul.»
Vivant d’un petit commerce dans un des quartiers de Bujumbura, il parvient aujourd’hui à avoir de quoi nourrir sa famille. Il doute de sa survie après la délocalisation. Ses trois enfants seront contraints d’abandonner l’école.
Radjabu Ndikumana, un autre déplacé de Mubone dit que ces délocalisations répétitives risquent de l’épuiser. Lui et sa famille ont récemment été installés dans ce site. Ils croyaient enfin trouver un lieu de repos avant de pouvoir reconstruire une autre maison.
«Avec les inondations de décembre 2019, ma maison, les ustensiles, le matériel de couchage, … tout a été balayé. » Heureusement, il n’y a pas eu de pertes humaines.
M.Ndikumana, propriétaire de la maison anéantie, va trouver refuge dans une famille amie. Ce qui ne va pas durer. Il laisse ses enfants au banc de l’école dans cette famille et regagne le site de Mubone. « Et voilà, je venais d’avoir une tente pour m’abriter et on annonce la délocalisation vers un endroit inconnu. »
Les autorités sont catégoriques
« Ces sites doivent être délocalisés. Leurs occupants doivent être mis dans un endroit en dehors de la ville », tranche Antoine Ntemako, directeur général de la Police de la protection civile. S’exprimant sur les ondes de la radio Isanganiro, ce mardi 23 mars, il souligne que ces déplacés sont désœuvrés. « La fainéantise s’y installe de plus en plus. »
Il signale par ailleurs que des irréguliers ou d’autres personnes viennent s’installer dans ces sites sans qu’elles aient été touchées par ces intempéries. Cette autorité trouve qu’il est vraiment imprudent de laisser ces personnes dans cette vie en promiscuité avec les ravages que le coronavirus fait dans le monde.
Freddy Mbonimpa, le maire de la ville de Bujumbura corrobore. Pour lui, la délocalisation est une nécessité. Alors qu’il avait annoncé cette opération pour mercredi 25 mars, le maire de la ville indique que c’est le Conseil national de la sécurité (CNS) qui s’en occupe. « C’est cette organe qui peut donner toute la lumière sur ce processus.» Iwacu a essayé de joindre le secrétaire permanent du CNS, en vain.
Pour Ernest Nduwimana, Chef de zone Buterere, cette décision est vraiment salutaire. « Quand un tel nombre de gens est rassemblé dans un même lieu, dans de telles conditions, c’est très risquant. L’hygiène y est précaire.» Il ajoute que l’administration zonale avait déjà fait cette proposition. Cet administratif avoue que la gestion d’un site des déplacés donne du fil à retordre. Par ailleurs, il estime qu’avec la pandémie de coronavirus, il est presqu’urgent qu’ils soient casés ailleurs.
Il précise que le site de Mubone abrite plus de 700 ménages venant des quartiers Mugaruro, Buterere et Kinyankonge et certains quartiers de la zone Kinama. Interrogé sur le lieu de délocalisation, il signale que la question est en train d’être géré au niveau du Conseil national de sécurité.