Les domaines dans lesquels se trouvent le lycée Saint Gabriel et le lycée de l’Amitié (Collège Saint Albert) ont été restitués à l’Etat. Une mise en application de deux décisions Cntb/P/001/2015 et Cntb/P/882/2014. Certains usagers sont stupéfaits.
En compagnie du ministre en chargé des Infrastructures, des commissaires de la Commission nationale des terres et autres biens (Cntb) et ses représentants communaux et zonaux se sont donné rendez-vous, jeudi 12 août 2021, à Ngagara, commune Ntahangwa au nord de Bujumbura.
« Un terrain de 5 hectares abritant le lycée de l’Amitié, ancien collège Saint Albert pour les enfants réfugiés rwandais, est remis à l’Etat » a déclaré Godefroid Ntahondi, chef de la délégation de la Cntb.
Selon lui, la décision date de 2015 et concerne aussi le terrain de 2,6 hectares abritant le lycée Central Saint Gabriel. Ce dernier est situé au Quartier VII tandis que le premier est dans le Quartier VI.
Ces décisions étant applicables dans l’immédiat, M. Ntahondi a ainsi annoncé que toutes les activités y sont suspendues jusqu’à la réception d’une nouvelle permission du ministère concerné.
Il faut noter qu’en plus de ces écoles, le terrain du quartier VI abrite aussi une église et des antennes de la société de télécommunication Econet.
Revenant sur l’historique de ces terrains remis à l’Etat, Godefroid Ntahondi a signalé que les deux terrains avaient été octroyés à l’association des réfugiés rwandais en 1971. Les écoles étaient construites par le HCR à l’époque. « Après le départ des réfugiés rwandais en 1994, des acquéreurs illégaux se sont appropriés ces terrains». Ainsi, a-t-il souligné, après des enquêtes, la Cntb a décidé de les remettre au gouvernement du Burundi.
Les usagers désemparés
Avec cette restitution, certains de ceux qui y exerçaient des activités ne savent pas à quel saint se vouer. Salvator Nsavyimana, représentant légal du lycée Saint Gabriel, demande à l’Etat de leur permettre de continuer à préparer la prochaine rentrée scolaire : « Il ne reste qu’un mois. Nous savons que c’est une propriété de l’Etat, que nous sommes des locataires. »
Il rappelle d’ailleurs que le 30 juillet 2014, ils avaient reçu l’autorisation de la Cntb pour continuer à exercer leurs activités. « Et ce, après que la justice allait mettre les cadenas sur les portes du lycée Saint Gabriel». Et en 2018, le ministère des Travaux publics leur a exigé le paiement d’un loyer.
Malheureusement, un prix consensuel n’a pas été facile. Le gouvernement l’a fixé à plus de 2,6 millions BIF. « De notre côté, n’ayant pas d’autres sources de recettes que le minerval, nous avons proposé qu’il soit fixé au moins à 1 million BIF».
Comme motivation, on avait demandé à l’Etat de prendre en compte les investissements faits en matière d’infrastructures pour fixer le loyer. Selon M. Nsavyimana, seule la clôture a coûté plus de 80 millions BIF. « Depuis 25 ans, nous n’avons fait aucune autre activité que celle d’éduquer les enfants du pays».
De son côté, Espérance Niyonzima, présidente du comité de gestion du lycée de l’Amitié, dit qu’elle n’a pas été informée sur le dossier. « Nous avons signé un contrat de bail avec le ministère en charge des Infrastructures. Depuis 2017, nous payons le loyer à l’Etat chaque mois. Je suis surprise par la présence du ministère des Infrastructures alors qu’il y a un contrat qui nous lie », a-t-elle réagi, devant la presse, jeudi 12 août. Elle espère pouvoir poursuivre leurs activités, malgré cette restitution.
Le gouvernement temporise
Présent à Ngagara, Déogratias Nsanganiyumwami, ministre des Infrastructures, des Equipements et des Logements sociaux a indiqué que les portes sont ouvertes pour quiconque qui se sent lésé : « Nous ne sommes pas ici pour prendre des décisions aujourd’hui. C’est pour la réception, pour avoir les titres de propriété. Même les usagers reconnaissent que ces terrains sont pour l’Etat. »
Face aux lamentations des uns et des autres, il leur a promis qu’une issue favorable sera trouvée : « Personne ne devrait s’inquiéter. Le gouvernement est là pour garantir le droit à tout citoyen. » Pour lui, le plus important est qu’il y ait la bonne gestion de la chose publique, le respect de la loi, une justice équitable et le rétablissement dans leurs droits des uns et des autres sans distinction. « Soyez les bienvenus. Qu’on s’asseye ensemble pour analyser ce que dit la loi et trouver une solution consensuelle », a-t-il tranquillisé.
Les anciens réfugiés rwandais s’expriment
L’histoire commence en 1965. « C’est l’Etat du Burundi qui nous a octroyé cette propriété de 5 Ha », raconte un des fondateurs de l’établissement regroupés dans l’Association des Amis du Collège Saint Albert (ADACA). « Comme notre association n’avait pas de personnalité juridique lui permettant d’ouvrir une école secondaire vu la loi en vigueur à cette époque, nous avons fait appel à Monseigneur André Makarakiza, à l’époque Evêque du Diocèse de Ngozi, d’être le représentant légal de l’établissement. Nous remercions beaucoup Mgr Makarakiza et le gouvernement d’avoir soutenu l’école dans des moments difficiles car les élèves avaient été chassés du Congo à cause de la guerre des Mulélistes de 1963-1964».
Au sein de la propriété, il y avait 4 hangars et un garage. « C’étaient des bâtiments de l’Office des cités africaines (OCAF) qui avaient été utilisés pour la construction des maisons du quartier Ngagara. La communauté rwandaise s’est mobilisée, avec l’aide du HCR et d’autres bienfaiteurs, pour aménager les lieux».
En ce qui concerne les termes du contrat de cette cession, d’après cet ancien réfugié rwandais, les fondateurs de l’école avaient spécifié que leur mission est le développement de l’éducation des enfants suivant les programmes du ministère de l’Education nationale. « En cas de cessation des activités, nous devions remettre nos biens à une autre association qui a une mission semblable».
Les activités de l’établissement se développent. « Après des années, le Collège Saint Albert a demandé au Diocèse de Ngozi de lui céder la représentation légale de l’école. Mgr André Makarakiza nous a octroyé une attestation de cession (quitus)».
Avec la libération du Rwanda en 1994, la plupart des membres de la communauté rwandaise, dont le représentant légal de l’établissement, retournent chez eux. « Le Collège Saint Albert a continué ses activités d’éduquer les enfants burundais et rwandais sous la supervision du comité de l’Association pour la promotion de l’enseignement au Lycée de l’Amitié (APELA). Jusqu’à ce jour, l’établissement à un statut juridique reconnu par l’Etat burundais». Selon lui, l’association du départ a évolué dans le temps au fur et à mesure que l’école se développait.
« L’ADACA a évolué en l’APACA (Association des Parents et Amis du Collège Saint Albert) puis en l’APELA lorsqu’il est devenu le Lycée de l’Amitié».
Ce membre fondateur indique qu’ils ont eu vent de ce projet de la Cntb depuis 2014. « En collaboration avec l’APELA qui est au Burundi, nous avons montré que le Collège Saint Albert n’a pas dérogé de sa mission et qu’il est toujours basé au Burundi, même si certains de ses fondateurs sont rentrés au Rwanda. Nous pensions avoir été convaincants».
L’Etat revient à la charge en 2017. « L’établissement devrait payer les loyers à l’Etat. Au cas contraire, on menaçait d’octroyer la propriété aux autres. Nous avons été contraints d’accepter en entendant d’être rétablis dans nos droits. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Ça ne devait pas se passer comme ça car les bénéficiaires de ce terrain sont toujours là et la mission est toujours la même».
Pour ces anciens réfugiés rwandais, le Collège Saint Albert est un symbole de la consolidation des relations burundo-rwandaises, même s’il y a eu quelques frictions. « Nous espérons qu’il y aura un dégel. Le Collège Saint Albert a une longue histoire. Ce souvenir ne doit pas s’effacer de cette manière».
Abbé Lambert Niciteretse : « Il existe un contrat de cession gratuite entre l’Etat et le Diocèse de Ngozi »
Pour le diocèse de Ngozi, le terrain sur lequel se trouve le lycée de l’Amitié lui appartient. Des preuves existent. Rencontre avec Abbé Lambert Niciteretse qui a représenté ce diocèse, lors de cette descente de la Cntb, à Ngagara.
Pourquoi étiez-vous présent ce jour-là ?
Ce n’était pas par hasard que j’étais là. J’avais été mandaté d’urgence par le diocèse de Ngozi. Parce que je suis originaire du diocèse de Ngozi. Et le diocèse avait appris que la Cntb allait remettre ce terrain entre les mains de l’Etat. Il m’a envoyé pour annoncer que ce terrain lui avait été cédé par le gouvernement du Burundi. Il est considéré comme étant toujours entre les mains du diocèse de Ngozi.
Comment ?
Pour rappel, au moment où le représentant de la Cntb était en train de remettre ce terrain à l’Etat du Burundi, j’ai signalé qu’il y a un contrat de cession gratuite qui existe et qui est déjà connu par la direction des titres fonciers. Et à ce jour, les commissaires de la Cntb avaient une copie de ce contrat, même s’ils ne l’ont pas évoqué.
Quel est son contenu ?
C’est un contrat du 12 mai 1971. Ses termes sont formulés de la manière suivante : ‘’Il est établi que le gouvernement de la République du Burundi représenté par le ministre de l’Agriculture et de l’élevage, Albin Nyamoya, cède gratuitement au diocèse de Ngozi, représenté par l’Abbé Herménégilde Twagirumukiza, Rwandais, un terrain d’une superficie de 5 hectares’’. Il y a aussi des clauses qui montrent les conditions d’usage. Etant prêtre, Abbé Twagirumukiza agissait au nom de l’Eglise. C’est lui qui devait aussi diriger ce collège qui accueillait les enfants réfugiés rwandais.
Quelques-unes de ces conditions
Parmi celles-là, il est stipulé que ‘’ le terrain cédé devra servir exclusivement aux besoins du collège.’’ Là, c’était l’article premier des conditions spéciales. Il est aussi indiqué que ce terrain devrait servir exclusivement pour cet objet. Et que s’il y a un manquement, cela entraînerait la résiliation.
Donc, depuis le 12 mai 1971 jusqu’au 12 août 2021, le terrain était considéré comme appartenant au diocèse de Ngozi. Parce que ce contrat n’était pas encore résilié.
Pour vous, le contrat est alors toujours valable?
Les conditions de résiliation sont inscrites dans le contrat lui-même. S’il y a résiliation, les deux parties se conviennent et sont informées sur les motivations. Jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas un acte de la part du gouvernement qui signifie cette résiliation. Jeudi dernier, nous sommes donc intervenus pour rappeler l’aspect historique de ce terrain.
Est-ce possible qu’un diocèse ait un terrain dans un autre diocèse ?
L’Eglise n’a pas de frontière. Celui qui agissait à ce moment était un prêtre. Il le faisait au nom de l’Eglise. Et l’Abbé Twagirumukiza habitait la paroisse de Ngagara.
Des Rwandais disent que ce terrain leur aurait été accordé en 1965 par l’Etat. Qu’en dites-vous ?
Moi, j’ai évoqué ce document officiel. Des précisions qui concernent les précédents de ce terrain seront effectivement fournies à l’autorité compétente, comme cela nous a été promis par le ministre en chargé des Infrastructures.
Etes-vous optimiste que vous aurez gain de cause ?
Nous, nous n’avons pas un procès à intenter contre l’Etat. Nous avons donné une information utile relative à ce terrain. Comme le ministre lui-même l’a dit, nous allons lui fournir les données et les documents nécessaires. Il reviendra à l’autorité compétente d’agir en tenant compte de toutes ces informations. Car, les documents sont toujours importants.
« Le collège Saint Albert de Bujumbura, un Monument de la Solidarité Humaine »
C’est le titre du livre écrit par Club Solidarité Saint Albert aux Editions IZUBA. Le collège Saint Albert a été fondée par des étudiants rwandais en exil, en Belgique et au Congo Léopoldville (actuel RDC) pour venir en aide à leurs frères et sœurs abandonnées à leur sort, suite aux pogroms anti-tutsi perpétrés au Rwanda dans les années 60. L’école commence à Katobwe au Sud-Kivu dans l’actuelle République Démocratique du Congo, le 15 novembre 1963. Mais c’est à Bujumbura qu’elle prend vraiment racine pour devenir, par la suite, l’un des meilleurs établissements scolaires du Burundi. Selon un de ses pères fondateurs, le collège Saint Albert sera de tout temps un monument de la solidarité humaine.
Avec l’aide des exilés à Bujumbura regroupés dans l’Association des Parents et Amis du Collège Saint-Albert (APACA), et grâce à la
bienveillance du gouvernement du Burundi qui fournit des locaux et lui accorde le statut d’école libre non subsidiée (habilitée à délivrer des diplômes homologués par l’État), le collège ouvre ses portes à un grand nombre de jeunes des camps de réfugiés. Il fête sa première promotion de diplômés en 1969. En 1984, il compte, au total, 590 diplômés, dont la plupart poursuivent des études universitaires au Burundi ou à l’étranger.
Ca inquiète seulement Iwacu.
Y a t il un juriste qui peut m’expliquer la plus value, une meilleure compétence et la limitation de cette CNTB?
Les membres ne sont même pas des juristes formés.
Qu-EST ce que ça donne alors dans un des pays les plus corrompus au monde?
Ces propriétés saisies seront attribuées A qui? Wait and see
Nous espérons que ces propriétés resteront dans les domaines de l’Etat. Je te conseille d’espérer car l’espoir fait vivre!