Certains habitants de la zone Gihosha, commune Ntahangwa, craignent pour leur sécurité. Des travaux de fabrication de briques, d’extraction de matériel de construction dans la rivière Nyabagere menacent leurs maisons.
Zone Gihosha, commune Ntahangwa, au nord de Bujumbura. Des maisons flambant neuf bordent la route menant vers Kumatafari. De nouveaux chantiers aussi. Le quartier se métamorphose. Des boutiques, de petits commerces … ici et là.
Néanmoins, la localité cache une autre réalité. Les gens sont inquiets. A proximité de ces maisons, de part et d’autre de la rivière Nyabagere, une briqueterie. « Des exploitations anarchiques, illégales et dangereuses », décrie Kabura, un habitant du quartier.
De loin, on voit des hommes, des jeunes s’activer. Et des écoliers et des élèves en vacances qui cherchent un peu d’argent pour se procurer des cahiers, des stylos, confie Arnaud, un d’entre eux.
Plus on s’approche du site, plus les adultes nous tournent le dos. Ils ramassent rapidement leurs houes et machettes, puis s’éclipsent. Ils semblent fuir la caméra. Après des centaines de mètres, certains s’arrêtent, d’autres se glissent dans le ravin. Mais ils observent de loin.
Sur ce site improvisé de fabrication de briques, s’observe un ravin d’une trentaine de mètres. Plusieurs trous creusés. Des tas de terres ici et là. De la boue prête à passer au moule. De nombreux fours installés. Certains atteignent une dizaine de mètres de haut. Des milliers de briques de différentes dimensions exposées au soleil. Suite à ces activités, les berges menacent vers les habitations.
Certains administratifs indexés
Dans cette localité, les habitants dénoncent une complicité de certains administratifs. « Qu’ils arrêtent de jouer avec nos vies, nos maisons. Comment expliquer cette situation alors que nous avons des chefs de quartiers, des administratifs des sous-collines? Cela signifie que ces exploitants sont couverts par eux », lâche un homme rencontré sur place. Il précise que même le chef de zone habite dans les environs : « Il est au courant mais les travaux continuent. » Espérance Manirakiza, une femme du quartier Muyaga, est dépassée : « Quand je suis arrivée ici, j’ai vraiment eu peur à cause de ce ravin. Nos maisons ne vont pas résister longtemps avec la saison pluvieuse. »
Ledit ravin menace sa maison. Les fabricants de briques ne se soucient pas des habitations environnantes. Une situation aggravée, précise-t-elle, par ceux qui extraient du matériel de construction (sable, moellon, etc) dans la Nyabagere. Ainsi, les rives deviennent très fragiles. « Ils continuent à creuser au vu et au su des administratifs. Avec la corruption, nous sommes sacrifiés».
Des inquiétudes partagées par Sifa Congera, responsable collinaire à Muyaga : « J’ai vraiment peur. Ma maison est menacée. Avec la saison pluvieuse, il y a risque d’écroulement. » Elle ne doute pas que ces exploitations sont couvertes par certains administratifs : « La fabrication de ces briques ne se fait pas la nuit. Quand on dénonce cela, on se moque de toi. On te menace. On te dit que ce n’est pas ta propriété.»
Elle estime qu’il est temps que les hautes autorités prennent en main cette question : « Nous demandons l’arrêt immédiat de ces exploitations et de l’extraction du sable et du moellon dans la Nyabagere. C’est le seul moyen de nous protéger. » En outre, Mme Congera propose la canalisation de cette rivière comme c’est le cas dans la partie Kamenge. Et de hausser le ton : « Où allons-nous mettre nos enfants après la destruction de nos maisons ? »
Du côté de l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE), le constat est aussi amer. « Nous avions entendu que ces exploitations ont été interdites. Mais elles se poursuivent », déplore Pamphile Ndaboroheye, responsable de l’OBPE en mairie de Bujumbura. Il affirme que ces travaux sont dangereux pour les riverains de la Nyabagere. Entre autres causes, le non-respect de la loi, l’inconscience de la population, le manque des moyens humains et matériels suffisants de l’OBPE pour intervenir à temps. « La population n’est pas suffisamment sensibilisée sur les dangers de telles exploitations anarchiques». M.Ndaboroheye trouve qu’il est urgent de travailler en synergie pour arrêter ces travaux.
Une idée partagée par Tharcisse Ndayizeye, expert en environnement, qui propose une identification de ceux qui exposent les autres, prétextant que cela ne se fait pas dans leur propriété. « Il doit y avoir une responsabilité collégiale et collective pour décourager ces exploitants irresponsables».
L’administration zonale promet une solution urgente
« Ces travaux de fabrication des briques sont en train de se dérouler illégalement. Nous, les administratifs de la zone Gihosha, nous ne sommes pas au courant », affirme Floribert Sibomana, chef de zone. Et de reconnaître aussitôt qu’il en a été informé : « Le jour où j’ai été informé, j’y ai fait une descente. Je leur ai interdit et ordonné que les trous creusés soient de nouveau remplis de terre. » Et ce pour protéger les rives de la rivière Nyabagere. M.Sibomana est conscient que ces exploitations fragilisent les rives de la Nyabagere. Il signale que des glissements y sont fréquents et de larges fissures existent tout autour de cette rivière.
Interrogé sur la complicité de certains administratifs dans ces exploitations anarchiques, il esquive : « En ce qui me concerne, je ne suis pas au courant. Peut-être qu’il peut y avoir l’un ou l’autre qui se cache derrière ces fabricants de briques. » Il soutient que même les deux chefs de quartiers- Muyaga & Nyabagere ne sont pas au courant.
Néanmoins, il reconnaît la dangerosité de ces travaux. Et de promettre leur arrêt immédiat : « Nous allons sortir un écrit, cette fois-ci pour interdire définitivement tous les travaux qui s’y font.»