« Ne pas se moquer, ne pas déplorer, ne pas détester, mais comprendre », dixit Spinoza. « Udashoboye guhenura umusozi urawegamira » (« Si tu ne peux pas faire tomber un colosse, tu prends appui sur lui »). Lors de la 13e édition du Flambeau de la paix sous le thème « Notre pays avant tout », lancée mardi 10 septembre jusqu’au vendredi 20 septembre 2019.
Dans la capitale économique, la mairie, en collaboration avec des jeunes, a organisé une soirée de gala, jeudi 19 septembre, à la Place de l’Indépendance. Dress code et foulard blanc noué au poignet ou agité au rythme d’une danse entraînante, chansons et slams célébrant la paix ont agrémenté la soirée.
De jeunes gens aux talents reconnus se voient ainsi sollicités pour construire des faits alternatifs, mettant la réalité parfois crue et cruelle sous une cloche de mots. Sans pour autant être encartés au Cndd-Fdd ou cautionner le rétrécissement des libertés publiques – à commencer par les libertés d’expression, de réunion et de manifestation – et de l’espace démocratique.
Ces nouvelles recrues dans la fabrique des faits alternatifs – sans attache idéologique – sont un effet de l’« impuissance apprise », un concept inventé par le psychologue américain Martin Seligman. « Quoique je fasse, je ne peux rien faire pour changer la donne. » Ainsi pas d’ouverture d’une lucarne dans le mur de la sclérose politique et sociale : pas d’espaces de délibérations démocratiques irrigués par la culture de la contradiction, pépinière d’un personnel politique qui a à cœur de doter le pays d’institutions fortes et d’une société civile dynamique et progressiste.
Ces apôtres du business as usual transforment le plomb de l’événementiel en or politique. Au point de devenir des piliers de l’ère post-vérité made in Bujumbura, l’appel aux émotions – toucher la fibre patriotique – et aux opinions étant prioritaire. Le primat de l’émotion sur les faits.
Le Palais Ntare House leur ouvre ses portes : « Mi casa es su casa » (« Ma maison est votre maison »). A coups de posts, cette « collaboration » s’affiche sur les réseaux sociaux. Ils frayent avec le gotha politique de Bujumbura, tantôt le maire, tantôt un ministre ou le locataire du Palais Ntare House.
Une nouvelle forme de mercenariat est à l’œuvre avec comme cheville ouvrière les jeunes citadins les plus en vue. C’est du win-win : le storytelling politique sur « le pays ruisselant de lait et de miel » où règne la paix s’avère être une arme de distraction massive tandis que ses conteurs déployant l’étendue de leur savoir-faire, deviennent incontournables.
Guibert Mbonimpa