Pour l’ancien président de l’Uprona, qui a voté la nouvelle loi "compte tenu de son expérience personnelle, ces amendes lourdes incitent les journalistes à réfléchir deux fois avant de publier ou de diffuser une information." Le nouveau y voit par contre une volonté ferme d’intimider et de mater le quatrième pouvoir.
<quote>[La nouvelle loi de la presse adoptée à l’Assemblée : tout journaliste devra avoir un diplôme de niveau licence, au moins->http://iwacu-burundi.org/spip.php?article5230]</quote>
<doc7692|left>"Nous déplorons la façon dont la plénière s’est déroulée. Aucune de nos propositions n’a été retenue", note Charles Nditije, président de l’Union pour le Progrès Nationale – Uprona. Rappelant que "le travail de la commission a été remarquable", avec un accent sur "le nettoyage de tous les manquements pour une liberté de la presse véritable’, M. Nditije note aussi que tout ce qui avait été proposé au niveau de la commission avait suivi une démarche consensuelle entre les professionnels des médias, la société civile et la population.
Ainsi, pour lui, l’article 10 laisse court à l’arbitraire en intimant l’ordre au journaliste de dévoiler ses sources quant aux infractions relatives à la sécurité de l’Etat, à l’ordre public, aux secrets de la défense,… Le même article dans la loi de 2003, amendée, sur la presse stipulait qu’ils ne sont pas tenus de divulguer leurs sources. Cela montrait réellement que la presse est libre pour servir l’intérêt public. Désormais, il trouve que les sources auront du mal à donner des informations de premières main et dignes de foi, "par peur d’être poursuivi ou emprisonné. Personne n’aura plus confiance aux journalistes", ajoute-t-il.
M. Nditije précise que ce n’est pas en exigeant des sommes énormes que la déontologie sera respectée, soulignant d’ailleurs que sur les 72 articles de la nouvelle loi, 20 (30%) concernent des sanctions : "Demander 3, 8 ou 10 millions de Fbu à un journaliste comme amende est excessif, avec son salaire qui n’est pas aussi élevé."
Pour comparaison, dans le code pénal de 2009, les injures étaient punies d’une amende de 10 à 100 mille Fbu alors que dans la nouvelle loi de la presse cette infraction va de 3 à 8 millions d’amende.
Et d’y voir, de la part du Cndd-Fdd, "la volonté ferme et manifeste d’intimider et de mater les journalistes alors que l’on devrait privilégier les échanges, les critiques, les observations et les rappels à l’ordre administratifs."
Quant aux manquements, précise-t-il, "ils sont dus à un manque de professionnalisme, d’expérience ou de formation. Cette dernière doit être plus élevée pour offrir une information de bonne qualité, pour être compétitif sur le sol burundais et dans l’East African Community. Mais ils ne se corrigent pas par de amendes."
Et d’encourager les journalistes à continuer de se battre pour montrer les erreurs que contient cette loi, et faire preuve de professionnalisme pour éviter de payer ces lourdes amendes.
Sur la pique des journalistes appelant à rehausser le niveau intellectuel des élus du peuple en compensation de celle exigées du monde médiatique, M. Nditije rappelle qu’au sein du gouvernement dans le projet de la loi fondamentale de 2005, ils avaient exigé aux parlementaires d’avoir le niveau des humanités. Mais, pas nécessairement la licence. Un juge, selon Charles Nditije, un administrateur, un enseignant, quelqu’un qui a de l’autorité morale, une audience auprès de la population, peut drainer plus de voix et être mieux écouté qu’un professeur d’université : "Un minimum de formation pour comprendre les lois et les interpréter est exigé. Les humanités, avec de l’expérience, peuvent suffire à un individu pour interpréter et voter une loi" explique-t-il.
L’ancien président de l’Uprona lui aussi explique pourquoi il a voté cette loi : "Je l’ai fait suivant ma conscience et mon expérience personnelle. En tant que député, je suis libre de voter ou pas une loi et les journalistes ont déjà publié et diffusé de fausses informations à mon endroit », fait savoir Bonaventure Niyoyankana, le seul député de l’Uprona qui ait voté cette loi.
Appelant les journalistes à être professionnels à assumer leurs actions, "ils doivent aussi savoir que les lourdes amendes sont une balise et une manière de les impulser à réfléchir deux fois avant de publier ou de diffuser une information."
Et il est catégorique : "J’ai pris mes responsabilités, comme je l’ai toujours fait. Je dois balancer le poids des arguments et si la loi retournait à l’Assemblée Nationale, je la voterais encore un fois sans hésiter. »