Jacques Pitteloud, Ambassadeur de Suisse au Burundi avec résidence à Naïrobi a effectué une visite à Bujumbura pour préparer la visite du Président Nkurunziza en Suisse dans quelques semaines. A l’aéroport international de Bujumbura, avant son départ, M. Pitteloud a accordé un entretien à Iwacu.
Qu’est-ce que le Burundi peut attendre de la visite de notre président en Suisse ?
Une discussion de fond entre amis sur des conditions futures de la coopération entre les deux pays et sur l’appréciation de la situation que la Suisse porte sur la situation dans la région des grands lacs et notamment sur le Burundi. De notre côté, il est très intéressant d’entendre l’analyse faite par le président sur ce qui est en train de se passer dans toute la région.
Comment la Suisse perçoit la situation burundaise ?
Cela dépend toujours du regard sur le long terme et le court terme. Sur le long terme il y a indéniablement, depuis les accords d’Arusha, une avancée extrêmement positive. Il y a par exemple la création de nouvelles institutions qui vont appuyer la démocratie burundaise. On peut penser à l’Ombudsman, à la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, et au fait que pour la première fois, un mandat démocratiquement élu a été mené à bien. Et on peut penser à beaucoup d’autre processus qui vont dans la bonne direction. Si on regarde dans le court terme, depuis les événements de 2010, un certain nombre d’événements nous inquiète : un retour d’une violence qui n’a rien à voir avec la violence que ce pays a connue auparavant, mais une violence qui doit s’arrêter. Une violence dans laquelle tout le monde doit mettre du sien pour qu’elle s’arrête. Il y a donc là un vrai effort à faire.
Et par rapport aux autres pays de la région des grands lacs comment percevez-vous la situation burundaise?
Le Burundi se distingue par une liberté d’expression, une liberté d’opinion qui est quand même assez impressionnante, et par une stabilité qui a été menacée par les événements de ces derniers mois Il y a une volonté d’aller dans la direction du développement, de passer de la consolidation de la paix à la phase du développement. C’est un énorme défi. Le Burundi fait face à des défis immenses comme cette démographie inquiétante vu de la taille exiguë du pays, mais il fait des efforts considérables et ces efforts méritent d’être salués.
A cause de l’insécurité, des assassinats, après Gatumba, aujourd’hui il y a une certaine peur au sein de la population. Quel est le message que vous délivrez aux dirigeants burundais ?
Le message que nous faisons passer au monde politique burundais, c’est un message qui s’adresse d’abord à l’opposition extraparlementaire. Ce message dit clairement que la communauté internationale et la Suisse en particulier refusent toute approche qui chercherait à obtenir par la violence ce que l’approche pacifique n’a pas pu obtenir. Donc, nous invitons l’opposition extraparlementaire à revenir dans le champ politique, à revenir pour préparer les élections. Quand on a perdu les élections, on se prépare à gagner les prochaines. Cela nécessite aussi des garanties de sécurité.
Est-ce que ces efforts ne doivent pas être faits des deux côtés, du côté de l’opposition mais aussi des autorités ?
Oui. Nous entretenons un dialogue fructueux avec les autorités burundaise pour les rendre attentives au fait que leur légitimité étant incontestée par la communauté internationale, ils peuvent se permettre d’avoir une attitude relativement détendue par rapport à l’opposition et éviter certaines réactions excessives d’usage de la force qui desservent la cause du Burundi à l’étranger et dans la communauté des donateurs. Les exécutions extrajudiciaires et la torture doivent cesser et ses auteurs doivent être poursuivis en justice.
Un message pour les Burundais ?
D’abord bravo pour le développement pacifique ; un développement discipliné, organisé que nous avons vu ces dernières années. Un autre message c’est que la Suisse fait partie des pays qui n’abandonneront pas le Burundi. Nous sommes là depuis longtemps et nous resterons plus longtemps. Nous ne sommes pas le principal partenaire mais nous sommes un ami fidèle pour le Burundi et nous le resterons.