« Le paysan africain qui ne connaît que l’éternel recommencement du temps »… Non ! M. Sarkozy se trompait dans son discours de Dakar. Pourtant ces propos méprisants, ce sont parfois nos dirigeants qui les vérifient. Ainsi, dans notre pays, le Burundi, le gouvernement impose à la nation l’énième répétition d’une crise sans fin. Par Alexis Sinduhije, Président
En repoussant sans considération les propositions politiques de l’ADC-Ikibiri, le Président Nkurunziza sait très bien qu’il ne laisse aucune option à l’opposition. Se taire ? Mais comment appelle-t-on une démocratie sans opposition ? Une démocrature. C’est-à-dire une dictature. Malgré le faible écho de notre pays dans le monde, la communauté internationale le sait. Mais le Président semble également attendre l’opposition sur un terrain qu’il connaît bien : la guerre. Car son refus de tout dialogue résonne comme un appel à la reprise du conflit, et nul doute que, chez certains, cette provocation trouvera un écho. Seulement, tout cela n’est pas un jeu. La violence se solde toujours par les pleurs des mamans ayant perdu leurs enfants. Un échec immense. Nous ne voulons pas cela. C’est pourquoi il est urgent d’interpeller les bailleurs de fonds du Burundi et de leur demander de constater la faillite démocratique du pays, déjà largement entachée par l’échec des élections et désormais verrouillée par l’aveuglement martial du pouvoir.
» Notre lutte n’entend pas les mots Hutu ou Tutsi «
Cependant, le MSD est un parti nouveau sur la scène politique. Notre dogme est le débat, la démocratie et la promotion du progrès. Nous ne serons jamais un parti de guerriers car nous croyons que le génie humain, c’est son intelligence. M. Nkurunziza ne doit pas compter sur nous pour jouer avec lui et son armée dans les maquis de la Rukoko ou de la Kibira. Notre terrain, c’est le dialogue et le respect de chaque citoyen, quel qu’il soit. Notre lutte n’entend pas les mots Hutu ou Tutsi, seulement l’unité du pays, ce pourquoi nous pouvons revendiquer sans contradiction la double paternité de Louis Rwagasore et Melchior Ndadaye. C’est aussi en leur nom, et en celui de tous les fils et filles du pays qui n’aspirent qu’à la paix, que nous reformulons au gouvernement les conditions d’un dialogue, soit le rétablissement immédiat de la liberté d’expression politique sur le sol national, de la sécurité physique et économique des militants de tous les partis et syndicats.
Cependant, le gouvernement brandit le calendrier électoral pour justifier d’une extinction de la vie politique durant les cinq ans qui nous séparent des prochaines élections.
Réduire le rôle des conseillers communaux
Pour notre pays aux blessures ouvertes, cinq ans c’est trop. Et comme l’a remarqué dans son rapport la Mission d’Observation Électorale de l’Union Européenne, le groupage de tous les scrutins est l’une des causes de la fracture actuelle. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement qu’il réduise le mandat des conseillers communaux actuels à 2 ans afin de découpler ce vote des élections nationales, comme il se pratique dans toutes les démocraties évoluées. De ce fait, le gouvernement créerait un espace politique nouveau et prouverait son attachement aux règles démocratiques. Car les citoyens doivent le savoir, la dérive actuelle du pouvoir dans un régime policier et sans justice réelle sera un jour dénoncée par le concert des nations qui commenceront par réduire leur aide et assistance à un régime ne respectant pas les fondamentaux de liberté. Les premières victimes en seront le peuple, car le gouvernement actuel conforte le pays dans la dépendance des nations occidentales, sans promouvoir un autre modèle.
La récession, inévitable, sera encore plus terrible car le pays est encore et toujours dans la misère. Alors il sera temps pour le peuple de se relever et de brandir l’arme d’une nation fière de sa terre, aspirant aux libertés et au progrès. Comme les printemps arabes nous l’ont montré, la révolte sociale sera l’arme des collines et la houe de la société nouvelle que nous souhaitons pour le pays. La kalachnikov n’est pas un avenir. M. Nkurunziza veut en découdre avec les fils du pays ? Nous voulons les épargner. Nous ne parlons plus le même langage.
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