Jeudi 21 novembre 2024

Editorial

« No justice for the poor »

24/03/2023 5

Dans un procès de flagrance tenu ce 21 mars, un certain Alphée Ninyibuka, représentant le parti Cndd-Fdd sur la colline Mutambara, commune Rumonge, est poursuivi pour « outrage à une personnalité dépositaire de l’autorité publique ».

Il s’est opposé à la décision du gouverneur de Rumonge d’arrêter le chef de colline Mutambara. Il a été condamné à une peine de cinq mois et doit verser une amende de cinq millions de nos francs. M. Ninyibuka a plaidé non coupable, arguant qu’il n’avait pas l’intention de nuire, mais voulait défendre les intérêts du parti au pouvoir en tant que son représentant. « Nul n’est censé ignorer la loi », a rétorqué le ministère public.

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de
presse Iwacu

A Ruyigi, une méconnaissance de la loi et des procédures judiciaires sont à la base de l’emprisonnement de la plupart des prisonniers, surtout ceux du milieu rural, les vulnérables et les indigents. « Il est rare de gagner le procès sans un avocat, car la partie accusatrice, surtout le ministère public, pèse de tout son poids sur le tribunal et l’accusé. » Ils souhaitent une assistance judiciaire généralisée.

« La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation », stipule l’article 6 de la Déclaration de 1789. L’adage fréquemment évoqué dans les cours et tribunaux burundais « nul n’est censé ignorer la loi  » me pousse à m’interroger si on tient réellement compte des droits des justiciables. Connaître l’ensemble d’articles législatifs et réglementaires en vigueur au Burundi relève de la théorie.

Mieux : presque tous les textes sont rédigés en Français que la plupart des Burundais ne comprennent pas. Par ailleurs, très peu ont accès aux textes de loi. La qualification de l’infraction est aussi compliquée : « Outrage à une personnalité dépositaire de l’autorité publique ».

C’est quoi pour ce citoyen de Mutambara ? On ne peut pas le dire en Kirundi et garder le même sens ?
 » Il faut que toute loi soit claire, uniforme et précise : l’interpréter, c’est presque toujours la corrompre », nous conseille Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique.

La population burundaise a une faible maîtrise des questions des droits de l’homme et, partant, de la procédure judiciaire. Or, peu de justiciables peuvent faire recours à un avocat, par ignorance ou faute d’honoraires.

En consultant le barème de référence des honoraires des avocats du barreau de Bujumbura, ce n’est pas donné pour un simple citoyen. « En matière civile, pour les affaires non évaluables en argent, les honoraires minima vont de 50 mille francs de frais de consultation, 600 mille BIF dans le tribunal de résidence, un million au Tribunal de Grande Instance jusqu’ à 2 millions de francs en pourvoi en cassation… »

Somme toute, la population surtout vulnérable a besoin d’une aide légale et d’une assistance judiciaire pour les procédures judiciaires. Le gouvernement est encouragé à collaborer avec des partenaires qui peuvent appuyer le système judiciaire en vue de payer les avocats qui assisteront les personnes démunies et autres prisonniers indigents. Ceci me rappelle une chanson reggae en vogue dans ma jeunesse : « No justice for the poor. »

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. James

    @Leandre,
    Je suis d’accord avec le titre de ton article, mais je dois dire que tu as choisi un très mauvais exemple pour illustration.

    Pensez-y : un chef collinaire relève de l’administration du territoire dont le gouverneur est le plus haut responsable au niveau provincial. Un représentant d’un parti politique, au pouvoir ou pas, n’a pas la prérogative de s’ingérer dans le processus de prise de décision par les autorités administratives.

    Au fait, les imbonerakure, les représentants du parti CNDD-FDD sont habitués à faire la loi en lieu et place des instances légales et habilités.

    Aujourd’hui, on observe un petit chargement qui vise à remettre de l’ordre et le pouvoir dans les mains de ce qui doivent l’exercer.

    En qualité de qui un représentant d’un parti politique peut-il s’opposer à une décision d’un gouverneur ? Que la décision soit injuste, illégale ou pas, un représentant du parti n’a rien à dire.

    Le chef collinaire peut saisir d’autres instances, ou refuser de quitter, mais le parti n’a pas à dire.
    Bref, je ne suis pas avocat, et je n’ai même pas besoin de comprendre ce que « Outrage à une personnalité dépositaire de l’autorité publique », tout ce que je sais, c’est que M. Ninyibuka s’est mêlé dans des affaires qui ne sont pas les siennes ce qui ressemble à un outrage.

    Ne soutenons pas le désordre non plus.

  2. Maningo Jean claude

    Plus de 90% des gens qui croupissent dans les prisons sont des citoyens lambdas, des indigents sans défense. Ils tremblent devant les accusations, comptant sur la clémence des juges pour se retrouvés par après sous les verrous. Il faut que le gouvernement et ses partenaires trouvent des voies et moyens pour qu’il y ait une assistance généralisée.

  3. Muda

    Nul n’est censé ignorer la loi?

    Ma compréhension de cet adage est la suivante: Très peu de gens connaissent vraiment la loi. Même les avocats se voient souvent obligés de se documenter pour une meilleure compréhension de certains articles de loi lors de la commission d’un délit ou d’un crime. Toutefois, quand un citoyen enfreint la loi et qu’un agent du ministère public intervient pour l’arrêter, le citoyen peut, par ignorance ou par ruse, protester en disant:  »Je ne savais pas que c’était interdit ». C’est alors que l’agent du ministère public lui oppose cet adage:  » Nul n’est censé ignorer la loi ».

  4. Pitié

    La culture burundaise est ainsi faite: il y a les dominants et les dominés. Quand un puissant décide de te mettre en prison, il le fait et toute la machine institutionnel l’y aide injustement.
    Même quand on commet ou plutôt quand on est accusé des mêmes crimes, le traitement n’est pas le même. Une journaliste accusée d’espionnage va vite en prison, un superpuissant accusé de corruption, des malversations économiques, de tentative de coup d’Etat, etc. va dans son palais royal tranquille.

  5. Jamahaar

    Avec ces honoraires des avocats, le citoyen lambda est deja exclu et a perdu le proces d’avance avant meme d’avoir plaide sa cause devant les courts et tribunaux.En plus de l’ignorance du jargon et des arcanes de la Justice qui devaient etre accessibles pour tout le monde, le justiciabale du monde rural se voit prive de ses droits et plus tard de ses biens, non pas parce qu’il est coupable de delit, mais a cause de son statut et ses moyens financiers tres limites.Pour des raisons d’equite et de presomption d’innocence, il faut effectivement plaider pour une assistance legale publique generale garatuite pour que les moins nantis ne soient pas victimes de l’injustice du plus offrant a cause de leur ignorance et leur incapacite de payer les frais des avocat pour les defendre.

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