Tel Hansel jetant des cailloux blancs pour indiquer une direction, le « Guide suprême du patriotisme » ne cesse d’en jeter.
« Nous avons déjà séparé le bon grain de l’ivraie. Nous souhaitons que quel que soit celui qui a beaucoup de voix ou peu de voix, du peu naîtra l’abondance. Et puis, personne ne gagne à tous les coups», dixit, le président Nkurunziza, après son vote à Buye, en commune Mwumba de la province Ngozi.
« Que personne n’ose truquer ces élections, à moins qu’il veuille être soumis au pire châtiment! Que personne n’ose perturber ces élections, à moins qu’il veuille être soumis au pire châtiment! », dixit encore le primus inter pares, lors du dernier meeting du candidat du parti Cndd-Fdd sur le terrain de l’ETS Kamenge, au quartier Gihosha (nord de la mairie de Bujumbura).
Une semaine plus tôt, dans la commune Matana en province Bururi, le locataire du Palais Ntare House avait posé le premier jalon : « La façon dont vous avez voté en 2005, 2010 et 2015, diffère de la manière dont vous allez voter cette année. » Une déclaration qui a suscité beaucoup de spéculations, à l’instar de celle de Bugendana, jeudi 7 juin 2018, où le primus inter pares a entretenu le flou autour de son avenir présidentiel. Dimanche 26 janvier 2020, l’explication la plus simple s’est avérée la bonne.
Et pourtant… Des élections à huis-clos, pas d’affichage des listes électorales, interdiction de prendre des photos dans les bureaux de vote pour les observateurs et les mandataires, harcèlement intensif des candidats et mandataires politiques du Cnl et son corollaire la violence politique, érigés en stratégie électorale, relèvent d’une dynamique aux antipodes de cette volonté présidentielle d’un triple scrutin crédible et apaisé. Mais provoquer une crise pour demeurer le maître du jeu est une chose, tirer sa révérence dans le chaos pour laisser à la postérité l’image d’un président des crises en est une autre.
Pour la première fois en 15 ans de règne, un alignement des planètes s’observe : l’intérêt supérieur de la nation rejoint l’ambition présidentielle de cultiver l’image d’un homme de paix. Du commerce de la bouche durant l’exercice de son dernier mandat à la réalité sur le départ. N’étant plus dans la course, son intérêt personnel tourne désormais le dos à celui du système « DD » à condition de vouloir sortir par la grande porte de l’histoire.
Du reste, son rang de « Guide suprême du patriotisme » et sa présidence du Conseil des sages du Cndd-Fdd lui permettraient de disposer d’un levier politique influant, lui conférant le statut d’interlocuteur principal de son successeur.
Le « phénomène Rwasa », rouleau compresseur auquel rien ne semble résister, paraît avoir atteint sa masse critique. Dans ces conditions, la crédibilité des élections couplées du 20 mai implique la prise en compte – tout au moins un des trois scrutins – de l’aspiration populaire de ces marées humaines drainées par les meetings du candidat du Cnl. L’enjeu est de ne pas donner prise aux accusations de »hold-up électoral », premier acte de violences post-électorales.
« Un compromis à l’africaine », à l’instar de celui qui a prévalu chez le grand voisin de l’ouest, jeudi 10 janvier 2019, pourrait s’esquisser à l’annonce des résultats provisoires, mardi 26 mai. La cohabitation deviendrait une fenêtre d’opportunité si la grande muette intervenait en armée républicaine pour veiller au respect du verdict des urnes.
Guibert Mbonimpa