L’historien et spécialiste du fait religieux estime que les croisades de prière présidentielles servent un but de légitimation religieuse du politique.
Depuis 2005, le religieux inonde abondamment les discours politiques et imprègne fortement les institutions politiques. Cela n’est-il pas une entorse à la laïcité contenue dans l’article 1 de la Constitution ?
Ce n’est pas seulement la politique qui est devenue très religieuse, c’est toute la société et même le monde qui le sont devenus. Nous vivons ce qu’un sociologue américain, Peter Berg, appelle le réenchantement du monde.
Au Burundi, nous ne saurions échapper à cette règle-là. Mais j’ai comme l’impression que c’est à partir de la crise de 1993 que les choses ont commencé à changer. C’est là que la société a commencé à tendre vers plus de religiosité. Vous vous êtes, par exemple, déjà rendus compte que lors des fêtes ou de toutes sortes de cérémonie sociale, un nouveau personnage a fait son apparition : le serviteur de Dieu. Que ce soit chez les protestants ou les catholiques, le même phénomène s’observe. Et c’est d’autant plus intéressant que quand les boissons tarissent, on fait appel au serviteur de Dieu pour faire la prière clôturant la fête.
Une religiosité qui s’observe aussi les dimanches quand on voit les églises pleines. Vu que nous nous bousculons pour entrer à l’église, je me demande si nous sommes réellement guidés par l’amour chrétien. Si oui, il n’y aurait plus de conflit majeur dans notre pays.
Peut-on alors dire que l’imprégnation du religieux dans les hautes sphères du pouvoir s’est greffée sur un contexte social déjà lui-même marqué par le religieux ?
Tout à fait, mais il faut singulariser ce phénomène parce que nos dirigeants viennent du maquis. Personnellement, j’ai dirigé une étude intitulée : « La religion du maquis, le cas du Palipehutu Fnl.» Un maquisard est confronté tout le temps à la mort pouvant lui être infligée, notamment par les soldats de l’armée gouvernementale. Et quand on vit avec la mort en permanence, on a tendance à s’en remettre à Dieu.
En plus, comme le maquisard tue aussi, il a besoin de se donner bonne conscience, de se dire que ses mains ne sont pas tâchées de sang.
Et la prière devient la recette parfaite pour soulager sa conscience….
Avant la prière, le maquisard doit avoir la conviction que la guerre qu’il mène est juste. Tout maquisard est un ‘’libérateur’’. Et comme il se livre à une guerre juste, Dieu est à ses côtés et l’aide à conquérir ‘’une terre promise’’. C’est Dieu qui légitime cette guerre juste, c’est Dieu qui légitime cette conquête. Dieu intervient également à un double niveau : d’abord pour apporter une protection. Une des fonctions de la religion est de protéger contre le mal d’où qu’il vienne. La religion remplit alors le rôle d’assurance et de réassurance.
L’autre aspect de cette intervention est celui de la légitimation de l’action guerrière qui est menée.
Au Fnl Palipehutu, un jour par semaine était consacré à la prière. Et ce jour-là, le pasteur exhortait les combattants à ne pas faire la guerre. Ce qu’ils respectaient scrupuleusement. Ils pouvaient à la place s’occuper de la lessive, faire l’entretien de leurs armes, etc. Ils avaient aussi des moments de jeûne.
Cet état des choses peut être étendu aux ex-combattants du Cndd-Fdd. Cela étant dit, cela reste étonnant aujourd’hui de voir autant de hautes personnalités de l’Etat (président, vice-président, ministres et toute une cohorte de hauts fonctionnaires) prendre part à des croisades de prière.
Ce qui nous ramène à la question de la laïcité…
Personnellement, je suis étonné qu’on en parle encore car la prière est partout. Dieu est sur toutes les lèvres, on prête serment au nom de Dieu, etc. Cette situation ne m’offusque guère car j’analyse cela comme des faits sociaux. Et mon analyse est que nos dirigeants actuels sont marqués au fer rouge par le maquis. Ainsi, leur engouement pour le religieux s’explique mieux. Un jour, un haut responsable de l’Etat a pris la parole lors d’une cérémonie d’ordination sacerdotale. Pendant tout son discours, il s’est exprimé avec des versets bibliques à l’appui. J’ai attendu une parole politique de sa part, en vain. Si nos gouvernants ne font donc pas attention, il pourrait y avoir une confusion entre le politique et le religieux.
N’est-ce pas déjà le cas ?
C’est déjà le cas, mais cela pourrait être pire. Disons qu’actuellement, on est encore dans le domaine du supportable. C’est pourquoi je demande à ceux qui nous dirigent de faire du politique. « A César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu », disait le nazaréen.
Le contexte social que vous décrivez comme marqué par le religieux ne justifie-t-il pas la religiosité institutionnalisée ?
Absolument pas. C’est juste un contexte. Le contexte et la causalité sont deux choses différentes. A mon avis, la grande raison de cette religiosité des princes qui nous gouvernent est à chercher dans l’ancienne vie maquisarde qu’ils ont connue.
Quid des croisades de prière régulièrement organisées par le couple présidentiel ?
Elles visent un but de légitimation religieuse du politique. Lorsqu’un politique légitime son pouvoir par le religieux, il croit qu’on lui fera plus confiance parce qu’il s’agit d’un homme de Dieu. Je pense que cela serait leur rendre service que de leur dire que ce n’est pas nécessairement ainsi qu’ils acquéront la confiance du peuple. Evidemment, si nos gouvernants s’adonnaient tant au religieux pour eux-mêmes, pour se protéger contre l’adversité, contre les coups d’Etat, contre tout ce qui pourrait leur arriver de mal, d’accord. Mais si c’est pour légitimer leur pouvoir, je ne crois pas que cela puisse arriver à quelque chose.
Quel est le parallèle qu’on peut faire entre les régimes qui ont gouverné le pays avant 2005 et ceux d’aujourd’hui sur le rapport à la laïcité ?
Les régimes d’avant 2005 affichaient une laïcité sans complexe. Personnellement, quand j’étais directeur des archives d’histoire sous le régime Bagaza, je n’avais jamais vu de prière avant les réunions ni avant les assemblées. Et c’est la même chose avec les régimes qui ont suivi. Il faut attendre l’arrivée au pouvoir du Cndd-Fdd pour observer ces changements majeurs.
Propos recueillis par Alphonse Yikeze
Un chinois célèbre dit une fois.
Pourquoi portez vous des noms européens, priez des dieux européens ou moyen orientaux?
N aviez vous pas de dieux typiquement locaux?
Commentaire déplacé peut être, mais vrai sous un certain angle.
Quelques africains, pour des raisins évidentes trouvent des filiations moyen orientales
Comnentaires intéressants. Mais jamais oublier que politique et religieux ont en commun » la rencontre »: aller vers l’autre.
Si la politique peut se servir de la religion pour plus de rencontre et d’ouverture vers l’autre, le politique n’hesitera pas à s’en servir pour plus de ralliement à la cause politique. De même, si la religion peut prrmettre un rapprochement entre les politiques et la population dont ils sont censé servir, inculquer le sens du service, pas de souci. Le danger reste cependant la tendance à ne pas établir des limites entre les deux.
Voici ci-dessous un extrait du chapître 2, livre 5 intitulé »La religion en général et la religion chrétienne en particulier » du message que Notre Seigneur Jésus-Christ a révélé à la Vénérable Soeur Marie Lataste, religieuse et mystique française (1822-1847) à propos de la religion:
Un autre jour, il s’exprima ainsi : « Il est nécessaire à l’homme d’avoir une religion et d’avoir la vraie religion. L’homme sans religion n’est pas un homme. Qu’est-ce qu’être un homme? C’est être vivant avec un corps et une âme raisonnable, et accomplir les devoirs qui sont inhérents à cette existence par rapport à toutes choses.
« Or, quels sont les premiers devoirs que l’homme a à remplir? Ce sont les devoirs vis-à-vis de Celui de qui il a tout reçu, l’existence, la vie, le mouvement, la raison. Ce sont les devoirs vis-à-vis son créateur, son bienfaiteur et son Dieu. Ne pas rendre à Dieu les devoirs qu’on lui doit, c’est se séparer de lui, c’est n’être plus uni à lui, c’est l’offenser. L’homme est fait pourtant pour vivre uni à Dieu, pour lui appartenir, pour le servir. Ne pas agir ainsi, c’est manquer sa fin, c’est n’être pas homme, c’est devenir l’être le plus vil, le plus bas qu’on puisse trouver, c’est l’ingratitude la plus noire et la plus flétrissante envers Dieu.
« Quels sont les seconds devoirs de l’homme? Les devoirs envers lui-même. Or, un homme sans religion ne remplit pas ses devoirs envers lui-même. Il ne se rend pas Dieu propice, il n’attire pas sur lui ses bénédictions, il ne travaille point pour l’éternité, il n’embellit pas son âme de vertus, il ne résiste point à ses passions, il ne marche pas dans la voie du salut, il marche vers l’éternelle damnation. Un homme sans religion n’est pas un homme, car il ne vit point pour perfectionner sa vie, mais pour la détruire à jamais.
« Quels sont les troisièmes devoirs de l’homme? Les devoirs envers ses semblables. Or, un homme sans religion, comment s’acquittera-t-il de ses devoirs par rapport à la société? Seront-ils dictés par la charité? Non. Par la justice? Non. Il trompera, il travaillera avec égoïsme et se séparera de ses frères. Un homme sans religion n’est pas un homme; car l’homme est fait pour vivre en société, et l’homme sans religion, loin d’entretenir et de vivifier la société, travaille à sa perte. Oui, ma fille; et vainement parmi les hommes se persuade-t-on qu’un homme sans religion a de la probité, qu’il est juste, honnête, charitable, bon; il n’en est rien, la religion seule donne force à ces vertus. Là où il n’y a point de religion, il n’y a en général que duplicité, égoïsme, mensonge.
« La religion, ma fille, est seule le véritable lien de la société, non-seulement visible, mais encore invisible. Elle est le lien entre Dieu comme je vis en société avec mon Père en l’unité du Saint-Esprit. Elle est le lien entre l’homme et les anges, ministres de Dieu pour le service et le bonheur de l’homme. Elle est le lien entre l’homme et l’homme sur la terre, et cette société se continuera dans l’éternité, et ces trois sociétés n’en feront plus qu’une, la société du Créateur avec ses créatures.
« Pour opérer cette société, il faut la religion : la religion seule en effet peut l’opérer; de là vous pouvez juger combien elle est nécessaire.
« Vous allez encore mieux comprendre sa nécessité par ce que Dieu opère dans les hommes par rapport à la religion. Il ne veut pas seulement que la religion consiste dans l’accomplissement des devoirs fixés par lui-même. Il a voulu faire de la religion une inclination, un mouvement du cœur, une habitude de l’âme qui pousse l’homme à accomplir ses devoirs de religion. Cette habitude, cette inclination, cette vertu de religion est donnée à toute âme avec la grâce sanctifiante, elle lui facilite l’accomplissement de ses devoirs, elle demeure en elle autant que la grâce sanctifiante, croissant, diminuant ou disparaissant avec elle, pour revenir croître et grandir encore avec le retour, l’accroissement et le développement de cette même grâce. »
Bien dit Pr Bugwabari c’est le maquis qui est à la base de tout ça !! » dukora dusenga , dusenga dukora « » !! Tueries sur les routes et ailleurs, coruption ; vol etc j’ai l »impression que chanter » Imana Imana .. » tout le temps ne change rien dans notre pays !!!
@Mambo
« j’ai l”impression que chanter ” Imana Imana ..” tout le temps ne change rien dans notre pays !!! »
Bravo! Vous venez de faire une découverte! Mais Jambo (ici plus bas) l’a compris bien avant-vous!
« Lorsqu’un politique légitime son pouvoir par le religieux, il croit qu’on lui fera plus confiance parce qu’il s’agit d’un homme de Dieu. »
Cette analyse est juste. Un actuel très haut dirigeant burundais a affirmé avoir eu une rencontre en face à face avec Dieu (oubliant ou ignorant que la Bible qu’il cite si souvent réfute ce genre de rencontre; personne ne pouvant voir Dieu et vivre (Exode 33:20).
« Mais j’ai comme l’impression que c’est à partir de la crise de 1993 que les choses ont commencé à changer. C’est là que la société a commencé à tendre vers plus de religiosité »
C’est probablement plus tôt que 1993. Une bonne partie de la population burundaise a commencé à se tourner vers la religion (protestante en particulier) avec l’émergence de la pandémie du VIH. La guerre de qui débute en 1993 a exacerbé le phénomène. Le politicien trouve ainsi un contexte dans lequel il peut facilement faire passer ses discours et dire à la population ce qu’elle veut entendre sans nécessairement qu’elle doive demander des comptes plus tard. Ne sommes-nous pas déjà formatés pour croire que la promesse de Dieu finira par s’accomplir?
Ainsi, nous avons par exemple entendu en janvier 2013 le Ministre de l’intérieur affirmer que l’incendie qui a ravagé le marché central de Bujumbura était de l’émanation de la volonté de Dieu.
Une ancienne première vice-présidente du Sénat Burundais (Persille Mwidogo) jurait par tous les saints que Dieu lui avait révélé que Nkurunziza le seul président du Burundi (à vie) et selon elle, cette révélation avait eu lieu en 2015 et en 2020.
La prépondérance de Dieu dans le discours et l’exercice-même du pouvoir vise entre autre à chercher un échappatoire lorsque les promesses électorales ne sont pas tenues – ce qui est généralement le cas.
« Personnellement, quand j’étais directeur des archives d’histoire sous le régime Bagaza, je n’avais jamais vu de prière avant les réunions ni avant les assemblées. »
Avant le régime Bagaza, on voyait des militaires en tenue de combat, armes à la main, faire une haie d’honneur à l’intérieur des églises à l’occasion de certaines fêtes (telles que celle du 1er mai ou 1er juillet). Le politique n’a jamais été loin du religieux. C’était peut-être un peu plus discret avant l’arrivée du CNDD au pouvoir.
Cependant, il y en a un qui a dit que la religion c’est l’opium du peuple !
Un autre a dit sans prendre des gants : Quand j’entends parler de religion, je prends ma mitraillette.
Pendant 300 ans, il y avait l’abomination qu’est l’esclavage et la religion chrétienne était une religion d’Etat aux USA.
Question qui fâche: Est ce que la religion améliore la nature humaine?