Vendredi 22 novembre 2024

Société

Débat social au Burundi : « Ni fleurs ni couronnes »

02/09/2014 2

Des fleurs aux morts ou un peu d’argent pour la famille dans le deuil. Une femme demande aux Burundais de faire un choix « utile ». Christine Ntahe, appelée aussi la « maman dimanche », c’est cette retraitée, ancienne animatrice vedette de la RTNB qui ne veut pas déposer les armes.

TombeDepuis des années, avec sa maigre pension, elle se bat pour nourrir tous les dimanches des gamins de la rue. Mais, depuis peu,  elle s’est découverte un autre combat. Cette fois, contre les fleurs ! Non, pas les fleurs de votre jardin. Mais ces gerbes de fleurs qui s’amoncellent sur les tombes lors de nos funérailles.
Christine a été marquée par une scène. L’enterrement d’une amie. « Des amis, des collègues qui n’étaient jamais venus la visiter à l’hôpital étaient là. Avec des dizaines de couronnes de fleurs, pour plus de 300.000 Fbu. Sa tombe disparaissait sous les fleurs. Mais après l’enterrement, lorsque nous sommes rentrés à la maison de la défunte, ses enfants n’avaient rien à manger ! Le loyer du mois n’était pas payé… »

Et ce cas a poussé Christine Ntahe à s’interroger : « Des fleurs achetées des centaines de milliers de FBU étaient en train de se dessécher sur la tombe de leur maman sous le soleil de Mpanda et les enfants avaient faim. Cet argent aurait pu aider ses enfants à tenir quelques jours ! »

Christine Ntahe n’a pas tout à fait tort. Déjà en Europe, sur certains faire-part, on mentionne même expressément «  ni fleurs ni couronne ».
Parfois, la famille du défunt invite ceux qui veulent vraiment rendre un dernier hommage à verser une somme sur un compte pour soutenir une cause chère au disparu. «  Souvent, la mort intervient après plusieurs mois d’hospitalisation qui ont coûté cher à la famille et avec tous les frais funéraires, les familles sont à bout. Cet argent que l’on met dans l’achat des fleurs pourrait soutenir les familles éplorées » insiste encore l’ancienne animatrice.

Christine Ntahe espère que les Burundais vont prendre conscience de ces dépenses que l’on pourrait éviter. Inlassablement, elle conscientise les familles, les associations, les jeunes, elle veut même impliquer l’Institution d’Ubushingantahe, dont elle fait partie et l’inviter à se prononcer.

Christine Ntahe : "Cet argent que l’on met dans l’achat des fleurs pourrait soutenir les familles éplorées" ©Iwacu
Christine Ntahe : « Cet argent que l’on met dans l’achat des fleurs pourrait soutenir les familles éplorées » ©Iwacu

Pourquoi se « laver les mains » après l’enterrement ?

Révoltée par toutes ces dépenses liées à la mort, « Maman Dimanche » va même plus loin. Elle s’insurge contre la cérémonie de « gukaraba », littéralement « se laver les mains », une courte réception qui se tient juste après l’enterrement.
A ses yeux, le prétendu « respect de la tradition » ne tient pas : «  Dans le temps, les gens devaient effectivement « gukaraba », parce qu’ils creusaient la tombe avec les houes et déblayaient avec les mains. Après l’enterrement, ils se lavaient les mains autour d’un verre. Aujourd’hui, tout le travail est assuré par les pompes funèbres. Pour elle, cette cérémonie de se « laver les mains » est donc une aberration. »

Certes, avec la crise les gens ne boivent plus la bière lors de cette cérémonie, mais il y a encore tout de même des frais à supporter : location de la salle, limonades, eau , et tout ceci pour écouter en une minute la date de la levée de deuil partielle. « Cette date pourrait être dite lors de l’oraison funèbre au cimetière. Il ne faut pas tenir à des traditions dépassées, il faut minimiser les coûts, avec la crise, les gens sont pauvres » martèle-encore Christine Ntahe.

Attention, Christine Ntahe n’a rien contre les fleurs offertes aux défunts, même si ce n’est pas une tradition burundaise ! Mais elle estime qu’avec la pauvreté galopante, ce geste pourrait être assuré par quelques proches. Juste quelques couronnes. « Les autres pourraient remettre à la famille éprouvée la somme destinée à l’achat des fleurs. Ce serait plus utile ». Christine Ntahe espère au moins ouvrir le débat …

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2 réactions
  1. Ignace NIYONZIMA

    Je me demande pourquoi cette femme à travers son organisation Bon Geste n’a pas encore bénéficier d’un appui de l’Unicef ou d’autres organisations internationales qui oeuvrent dans le domaine de la protection des enfants alors que tout le monde loue ses activités. C’est honteux de voir qu’elle est obligée d’utiliser sa maigre pension comme l’a bien dit le journaliste pour offrir un repas aux enfants de la rue.

  2. Nzobandora

    100% d’accord et ça fait un moment que je trouvé aussi cela NO SENS.
    Ça fait un moment qu’on ne serve plus de boissons lors des deuils (même chez les aisés) et on devrait faire la même chose pour les couronnes et gukaraba.

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