Samedi 23 novembre 2024

Politique

Ngozi-Nyamurenza, affrontements entre des militants du CNDD-FDD et du CNL

18/11/2019 Commentaires fermés sur Ngozi-Nyamurenza, affrontements entre des militants du CNDD-FDD et du CNL
Ngozi-Nyamurenza,  affrontements entre des militants du CNDD-FDD et  du CNL
Un groupe d'Imbonerakure, munis de gourdins, avaient bloqué la route aux Inyankamugayo au niveau de la colline Shoza.

Des affrontements ont éclaté, dimanche 10 novembre en commune Nyamurenza de la province Ngozi, entre des militants du CNL et du Cndd-Fdd, à l’occasion de l’inauguration de la permanence communale du CNL. Les deux parties se rejettent les torts. Les agressions seraient suivies d’une « chasse sélective » à l’endroit des CNL.

L’inauguration n’aura pas eu lieu. Dieudonné Niyonzima, administrateur communal de Nyamurenza, l’annulera tard dans l’après-midi, vers 14h, pour des « raisons de sécurité ». Le patron national du CNL déjà sur place, n’aura pas le temps de prononcer son discours. Une annulation après de longues heures…

Selon les témoignages recueillis, des affrontements ont commencé tôt, dans l’avant-midi, sur les points d’entrée entre Nyamurenza et les communes voisines. « Des Imbonerakure y avaient été dépêchés pour bloquer les Inyankamugayo en provenance de ces communes », confie un militant du CNL.

A l’origine, lors d’une réunion, vendredi 8 novembre, l’administrateur de la commune Nyamurenza avait interdit formellement, la participation à ces cérémonies de tout autre militant du CNL non natif de cette commune. Excepté les responsables provinciaux du parti à Ngozi.

Un des responsables communaux du CNL, présent dans la réunion, rapporte les propos de Dieudonné Niyonzima: « Les cérémonies ne concernent que vous et vous seuls, les militants du CNL de la commune Nyamurenza. La participation de tout autre invité requiert la permission du gouverneur ».

D’après lui, Saleh Bizimana, le représentant du parti d’Agathon Rwasa à Nyamurenza, avait répliqué que le parti n’a pas la latitude de bloquer ceux qui voudraient venir prendre part aux cérémonies. « Nous ne sommes pas en mesure de les arrêter. Bloquer les routes revient à l’administration et à la police ».

Le viol de « l’interdit »

Les principales agressions ont eu lieu sur les collines Shoza et Jimbi. Des sources concordantes parlent de centaines d’Inyankamugayo en provenance de la commune Kiremba qui ont été bloqués au niveau de la colline Shoza, après la traversée de la vallée séparant Nyamurenza et Kiremba.

C’était vers 8h30, se rappelle un habitant de Shoza, que des Imbonerakure, tous munis de gourdins et sous la houlette du chef de la colline, ont tenté de faire barrière à la foule. Fiers d’eux-mêmes, quoique minoritaires face à la foule, ils ont signifié à ces Inyankamugayo : « Suite à la décision de l’administration de Nyamurenza, vous ne pouvez pas traverser ». De quoi énerver ces derniers.

Fâchés, ces militants du CNL en ont arrêté deux. Le chef de colline y compris. Dans l’entretemps le reste des Imbonerakure avait déjà pris le large. Les deux hommes du parti au pouvoir arrêtés auraient été tabassés avant d’être remis à l’administrateur de la commune Kiremba, arrivé sur les lieux quelques minutes après l’incident. Il les a emmenés recevoir des soins médicaux.

Selon un responsable local du CNL, un échec cuisant du plan de l’administration à la base et des militants du parti de l’aigle qui a augmenté leur hostilité. « Alors que la procession continuait après ce contretemps, de l’autre côté, les Imbonerakure juraient entre les dents ». Un jeune homme de la localité qui a assisté à la scène s’étonne d’un  »excès de zèle » de certains Imbonerakure. « Au vu de leur effectif, c’était une pure folie de prétendre les empêcher de continuer »…

Le « fiasco » des Imbonerakure à Shoza a causé une grande frustration, raconte une source locale. Après l’annulation des cérémonies, les militants du CNL qui étaient venus de Gashikanwa tombent dans une embuscade à Jimbi, sur leur chemin de retour. C’était vers 15h30 au niveau de Rutanga, se rappelle notre source.

Un scénario similaire à celui de Shoza, quelques heures plutôt. Incapables d’affronter le groupe des Inyankamugayo, ces hommes optent pour une autre stratégie : lancer des pierres dans la foule. Un certain Eric, un Imbonerakure natif de la colline Ngoma selon les témoignages, lancera une pierre qui va blesser Désiré Niyonzima, l’un des Inyankamugayo. Révolté, le groupe des CNL se met à la poursuite des jeunes militants du Cndd-Fdd qui prennent la fuite, terrorisés par l’effectif des CNL.

D’après nos sources à Jimbi, parmi les attaquants se trouvaient outre Eric, le président des Imbonerakure en commune Gashikanwa, un certain Jaguar, Mashorwe, Bagosora, Damien et Nimbona, Gafunderi, Macumi, Pascal Nduwayezu et Buregeya.

Le passage à tabac de « Jaguar » et la répression

Pour certains habitants de Nyamurenza, l’administration et le Cndd-Fdd avaient peur d’un grand rassemblement des CNL.

Dans la fuite et la poursuite, Jaguar sera arrêté et tabassé par des Inyankamugayo avant d’être acheminé à la position de police de la colline Ngoma. C’est là que le commissaire régional rencontrera et arrêtera Manassé Vyizigiro, Prosper Nduwimana, Moïse Haragirimana, Athanase Nyabenda et un certain Hayarwarugira, tous des militants du CNL. Ils sont emprisonnés au cachot de la commune Nyamurenza.

La situation restera tendue, dans différents coins de la commune, jusque vers le soir où l’intervention d’autres Imbonerakure conduits par Jean Bosco Ndayishimiye, le président des Imbonerakure en province Ngozi, arrivera. Nos sources parlent d’une trentaine d’Imbonerakure qui aurait traversé la frontière Ngozi-Nyamurenza. « Ces Imbonerakure devaient tendre des embuscades, attaquer les Inyankamugayo sur leur chemin de retour de Nyamurenza », assure un habitant de la colline Rurama.

Interrogé, Jean Bosco Ndayishimiye réfute catégoriquement cette accusation et renverse la situation : « J’ai été plutôt bloqué et malmené par des Inyankamugayo alors que je me rendais au centre de santé de Gitare pour voir l’un des Imbonerakure qui venait d’être tabassé. »

C’est à travers l’une des embuscades que la vie d’un certain Nestor Ntunzwenimana sera fauchée. Rentrant tout seul sur sa moto de retour des cérémonies, rapportent les témoignages, cet Inyankamugayo de la colline Ngoma en commune Gashikanwa est bloqué par des Imbonerakure de la colline Shoza (commune Nyamurenza).

Après l’avoir battu à mort, des coups de machette parfois, ses bourreaux l’abandonnent, évanoui, au bord d’une route. « Ils pensaient sans doute qu’il était déjà mort », estime un proche à lui. Nestor Ntunzwenimana est retrouvé gisant là-bas, le lendemain, sans connaissance. Il sera dépêché à l’hôpital de Ngozi où il va rendre son âme. Ses copartisans dénoncent l’inaction de l’administration, de la police et de la justice face à ce cas d’exécution extrajudiciaire. « C’est une façon de légitimer le crime ».

Des arrestations en cascade

Dieudonné Niyonzima, l’administrateur qui avait interdit la participation à l’inauguration de la permanence aux Inyankamugayo non natifs de Nyamurenza.

A la suite de différentes échauffourées de dimanche à Nyamurenza, il y a eu une véritable chasse aux CNL, y compris dans les communes voisines dès lundi 11 novembre, s’accordent des sources à Ngozi. Saleh Bizimana, responsable du CNL en commune Nyamurenza, est arrêté au chef-lieu communal vers 15h30. Il va subir un interrogatoire devant un OPJ de Nyamurenza avant d’être transféré au cachot du commissariat de police de Ngozi.

Le représentant communal du CNL à Gashikanwa est aussi interpellé dans l’après-midi de lundi. Christian Niteretse est arrêté puis emprisonné au cachot de la commune Gashikanwa avec 4 autres militants du CNL de cette commune, au sortir d’une réunion du gouverneur de Ngozi.

Hormis ces détenus, nos sources de la commune Kiremba confient que plusieurs militants du CNL sont en cachette. « Accusés d’avoir agressé les Imbonerakure, ils savent qu’ils sont recherchés ». Dans toutes ces communes (Gashikanwa, Nyamurenza et Kiremba) la peur est toujours totale depuis les incidents.

Signalons que 13 autres militants du CNL (dont le responsable communal de ce parti) ont été arrêtés dimanche dans la commune de Marangara (la même province de Ngozi). Ce jour-là, des « malfaiteurs » avaient attaqué pendant la nuit le domicile de la veuve d’un certain Evariste Nyabenda. Selon les témoignages, un Inyankamugayo de la colline Burenza de cette commune qui venait de succomber aux coups lui infligés par des Imbonerakure. D’après nos sources, ces prévenus sont les militants du CNL qui avaient participé aux funérailles du défunt.

Joint par téléphone, l’administrateur de la commune Nyamurenza n’a pas voulu répondre aux questions d’Iwacu. Interrogé, Dieudonné Niyonzima n’a résumé ses propos qu’en une phrase : « Je suis en train d’animer des réunions de pacification. »

« La préservation de la sécurité est fondamentale pour tous »

Les responsables du parti CNL en province Ngozi se disent préoccupés par la sécurité des Inyankamugayo de cette province. La sécurité est une question cruciale pour tous, ont rappelé mercredi le représentant et le secrétaire provinciaux de ce parti dans une lettre conjointement signée et adressée au gouverneur de la province.

A travers cette correspondance dont les copies ont été envoyées aux ministres de l'Intérieur, de la Justice et au patron national du CNL, ils dénoncent un acharnement politique aux CNL. Au-delà de plus d'une trentaine des militants incarcérés, deux viennent de succomber aux coups reçus tandis que plusieurs ont pris fuite suite aux vagues d'arrestations.

Benjamin Hitimana et Jonas Nahimana (les deux signataires) fustigent une l'intolérance politique aux allures inquiétantes au moment où le multipartisme est constitutionnel. « Nous devrions cohabiter pacifiquement, dans le respect de la liberté, tel que prévu par la Constitution et les autres textes légaux ».

Selon eux, les activités du CNL sont souvent perturbées, interdites par l'administration à la base sans motifs convaincants. Ils s'en tiennent notamment aux exigences liées à l'emplacement des permanences, à la privation de la liberté de circulation aux membres du CNL (cas de Nyamurenza), etc.

Ces responsables du CNL demandent à l'administration et aux forces de l'ordre d'assurer le respect de la liberté d'opinion à toutes les composantes politiques. Ils insistent sur la non-ingérence dans l'organisation et le fonctionnement des partis.

Benjamin Hitimana et Jonas Nahimana exigent la libération de tous les Inyankamugayo, incarcérés suite à leur opinion politique. Les bourreaux à l'origine des crimes commis à l'endroit des Inyankamugayo devraient être aussi arrêtés et répondre de leurs actes.

Toute autre doléance est adressée aux militants du parti au pouvoir. Ils doivent se soucier de la bonne cohabitation entre les partis et "arrêter les montages".

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Réactions

Albert Nduwimana : « Le CNL a attaqué une population paisible »

Le gouverneur de la province Ngozi nie toute information faisant état d'affrontements entre militants du CNL et du Cndd-Fdd. S'exprimant sur Isanganiro mercredi 13 novembre, Albert Nduwimana a indiqué qu'il n'y a pas eu de confrontation. Les militants du CNL ont attaqué une population paisible, accuse-t-il. Il explique que les victimes ne s'observent que d'un seul côté. « S'il y avait eu de confrontation entre une bande organisée et les militants du CNL, les victimes seraient des deux côtés ». Il rapporte près de 10 victimes à Nyamurenza, 3 à Gashikanwa et 1 victime de Kiremba.

Le gouverneur de Ngozi dénonce la violation de la loi dans ces activités du CNL. Il parle d'une « clause » sortie d'une réunion des politiques avec l'administration communale de Nyamurenza. « Elle stipule que s'il s'agit d'une activité communale, elle intéresse les gens de la même commune ». Néanmoins, les militants du CNL de Gashikanwa et Kiremba sont entrés par force, commettant des forfaits sur leur passage. Et de rappeler au respect de la loi. « Quand il y a une clause dans la réunion, cela devient comme une loi ».

Térence Manirambona : « La libre circulation de tout citoyen »

« Tout est parti de la décision de l'administrateur communal de Nyamurenza d'interdire les Inyankamugayo des communes voisines d'accompagner leurs confrères dans l'inauguration », accuse Térence Manirambona, porte-parole du CNL.

Une mesure, pour ce politicien, sans aucune base légale. Ce représentant du peuple tient à rappeler que tout citoyen a le plein droit de circuler librement partout dans son pays. Il s'interroge s'il y avait un état d'urgence décrété dans la province Ngozi pour empêcher les gens d'une commune, une colline de fouler le pied sur une autre. « Rien ne peut expliquer qu'on prive ce droit aux citoyens si en vérité il y a la paix et la sécurité ».

Le porte-parole du CNL dénonce des « arrestations en cascade et injustes » des militants de son parti. Il indique que plus d'une trentaine parmi les militants du CNL dans les communes de Nyamurenza, Kiremba et Marangara sont derrière les verrous dans différentes prisons de la province Ngozi depuis dimanche. Et les arrestations se poursuivent.

A ses yeux, l'intolérance politique arrive à son paroxysme. Térence Manirambona s'indigne que des malfaiteurs, pourtant attrapés avec matraques, à l'origine même de décès, ne soient pas inquiétés. Les différentes autorités compétentes doivent mettre tout le paquet pour assurer le pluralisme politique constitutionnalisé.

Jean Gaston Kwizera : «Personne ne pouvait oser leur barrer la route »

Le président du Cndd-Fdd à Nyamurenza, soutient que ces Inyankamugayo s'étaient plutôt « décidés à maltraiter tout militant du Cndd-Fdd rencontré sur leur passage ». Jean Gaston Kwizera parle de 7 Imbonerakure blessés à la colline Shoza. D'après lui, les participants à ces cérémonies avaient sur eux des matraques et machettes comme s'ils se préparaient pour un combat.

Et il dément l'accusation de blocage par des Imbonerakure : « Outre le fait qu'ils ont été conscientisés par rapport à la tolérance politique, personne ne pouvait être en mesure de leur faire blocage. Ils étaient tellement nombreux. Même le commissaire et l'administrateur communaux ont échoué ».

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