Des affrontements ont éclaté, dimanche 10 novembre en commune Nyamurenza de la province Ngozi, entre des militants du CNL et du Cndd-Fdd, à l’occasion de l’inauguration de la permanence communale du CNL. Les deux parties se rejettent les torts. Les agressions seraient suivies d’une « chasse sélective » à l’endroit des CNL.
L’inauguration n’aura pas eu lieu. Dieudonné Niyonzima, administrateur communal de Nyamurenza, l’annulera tard dans l’après-midi, vers 14h, pour des « raisons de sécurité ». Le patron national du CNL déjà sur place, n’aura pas le temps de prononcer son discours. Une annulation après de longues heures…
Selon les témoignages recueillis, des affrontements ont commencé tôt, dans l’avant-midi, sur les points d’entrée entre Nyamurenza et les communes voisines. « Des Imbonerakure y avaient été dépêchés pour bloquer les Inyankamugayo en provenance de ces communes », confie un militant du CNL.
A l’origine, lors d’une réunion, vendredi 8 novembre, l’administrateur de la commune Nyamurenza avait interdit formellement, la participation à ces cérémonies de tout autre militant du CNL non natif de cette commune. Excepté les responsables provinciaux du parti à Ngozi.
Un des responsables communaux du CNL, présent dans la réunion, rapporte les propos de Dieudonné Niyonzima: « Les cérémonies ne concernent que vous et vous seuls, les militants du CNL de la commune Nyamurenza. La participation de tout autre invité requiert la permission du gouverneur ».
D’après lui, Saleh Bizimana, le représentant du parti d’Agathon Rwasa à Nyamurenza, avait répliqué que le parti n’a pas la latitude de bloquer ceux qui voudraient venir prendre part aux cérémonies. « Nous ne sommes pas en mesure de les arrêter. Bloquer les routes revient à l’administration et à la police ».
Le viol de « l’interdit »
Les principales agressions ont eu lieu sur les collines Shoza et Jimbi. Des sources concordantes parlent de centaines d’Inyankamugayo en provenance de la commune Kiremba qui ont été bloqués au niveau de la colline Shoza, après la traversée de la vallée séparant Nyamurenza et Kiremba.
C’était vers 8h30, se rappelle un habitant de Shoza, que des Imbonerakure, tous munis de gourdins et sous la houlette du chef de la colline, ont tenté de faire barrière à la foule. Fiers d’eux-mêmes, quoique minoritaires face à la foule, ils ont signifié à ces Inyankamugayo : « Suite à la décision de l’administration de Nyamurenza, vous ne pouvez pas traverser ». De quoi énerver ces derniers.
Fâchés, ces militants du CNL en ont arrêté deux. Le chef de colline y compris. Dans l’entretemps le reste des Imbonerakure avait déjà pris le large. Les deux hommes du parti au pouvoir arrêtés auraient été tabassés avant d’être remis à l’administrateur de la commune Kiremba, arrivé sur les lieux quelques minutes après l’incident. Il les a emmenés recevoir des soins médicaux.
Selon un responsable local du CNL, un échec cuisant du plan de l’administration à la base et des militants du parti de l’aigle qui a augmenté leur hostilité. « Alors que la procession continuait après ce contretemps, de l’autre côté, les Imbonerakure juraient entre les dents ». Un jeune homme de la localité qui a assisté à la scène s’étonne d’un »excès de zèle » de certains Imbonerakure. « Au vu de leur effectif, c’était une pure folie de prétendre les empêcher de continuer »…
Le « fiasco » des Imbonerakure à Shoza a causé une grande frustration, raconte une source locale. Après l’annulation des cérémonies, les militants du CNL qui étaient venus de Gashikanwa tombent dans une embuscade à Jimbi, sur leur chemin de retour. C’était vers 15h30 au niveau de Rutanga, se rappelle notre source.
Un scénario similaire à celui de Shoza, quelques heures plutôt. Incapables d’affronter le groupe des Inyankamugayo, ces hommes optent pour une autre stratégie : lancer des pierres dans la foule. Un certain Eric, un Imbonerakure natif de la colline Ngoma selon les témoignages, lancera une pierre qui va blesser Désiré Niyonzima, l’un des Inyankamugayo. Révolté, le groupe des CNL se met à la poursuite des jeunes militants du Cndd-Fdd qui prennent la fuite, terrorisés par l’effectif des CNL.
D’après nos sources à Jimbi, parmi les attaquants se trouvaient outre Eric, le président des Imbonerakure en commune Gashikanwa, un certain Jaguar, Mashorwe, Bagosora, Damien et Nimbona, Gafunderi, Macumi, Pascal Nduwayezu et Buregeya.
Le passage à tabac de « Jaguar » et la répression
Dans la fuite et la poursuite, Jaguar sera arrêté et tabassé par des Inyankamugayo avant d’être acheminé à la position de police de la colline Ngoma. C’est là que le commissaire régional rencontrera et arrêtera Manassé Vyizigiro, Prosper Nduwimana, Moïse Haragirimana, Athanase Nyabenda et un certain Hayarwarugira, tous des militants du CNL. Ils sont emprisonnés au cachot de la commune Nyamurenza.
La situation restera tendue, dans différents coins de la commune, jusque vers le soir où l’intervention d’autres Imbonerakure conduits par Jean Bosco Ndayishimiye, le président des Imbonerakure en province Ngozi, arrivera. Nos sources parlent d’une trentaine d’Imbonerakure qui aurait traversé la frontière Ngozi-Nyamurenza. « Ces Imbonerakure devaient tendre des embuscades, attaquer les Inyankamugayo sur leur chemin de retour de Nyamurenza », assure un habitant de la colline Rurama.
Interrogé, Jean Bosco Ndayishimiye réfute catégoriquement cette accusation et renverse la situation : « J’ai été plutôt bloqué et malmené par des Inyankamugayo alors que je me rendais au centre de santé de Gitare pour voir l’un des Imbonerakure qui venait d’être tabassé. »
C’est à travers l’une des embuscades que la vie d’un certain Nestor Ntunzwenimana sera fauchée. Rentrant tout seul sur sa moto de retour des cérémonies, rapportent les témoignages, cet Inyankamugayo de la colline Ngoma en commune Gashikanwa est bloqué par des Imbonerakure de la colline Shoza (commune Nyamurenza).
Après l’avoir battu à mort, des coups de machette parfois, ses bourreaux l’abandonnent, évanoui, au bord d’une route. « Ils pensaient sans doute qu’il était déjà mort », estime un proche à lui. Nestor Ntunzwenimana est retrouvé gisant là-bas, le lendemain, sans connaissance. Il sera dépêché à l’hôpital de Ngozi où il va rendre son âme. Ses copartisans dénoncent l’inaction de l’administration, de la police et de la justice face à ce cas d’exécution extrajudiciaire. « C’est une façon de légitimer le crime ».
Des arrestations en cascade
A la suite de différentes échauffourées de dimanche à Nyamurenza, il y a eu une véritable chasse aux CNL, y compris dans les communes voisines dès lundi 11 novembre, s’accordent des sources à Ngozi. Saleh Bizimana, responsable du CNL en commune Nyamurenza, est arrêté au chef-lieu communal vers 15h30. Il va subir un interrogatoire devant un OPJ de Nyamurenza avant d’être transféré au cachot du commissariat de police de Ngozi.
Le représentant communal du CNL à Gashikanwa est aussi interpellé dans l’après-midi de lundi. Christian Niteretse est arrêté puis emprisonné au cachot de la commune Gashikanwa avec 4 autres militants du CNL de cette commune, au sortir d’une réunion du gouverneur de Ngozi.
Hormis ces détenus, nos sources de la commune Kiremba confient que plusieurs militants du CNL sont en cachette. « Accusés d’avoir agressé les Imbonerakure, ils savent qu’ils sont recherchés ». Dans toutes ces communes (Gashikanwa, Nyamurenza et Kiremba) la peur est toujours totale depuis les incidents.
Signalons que 13 autres militants du CNL (dont le responsable communal de ce parti) ont été arrêtés dimanche dans la commune de Marangara (la même province de Ngozi). Ce jour-là, des « malfaiteurs » avaient attaqué pendant la nuit le domicile de la veuve d’un certain Evariste Nyabenda. Selon les témoignages, un Inyankamugayo de la colline Burenza de cette commune qui venait de succomber aux coups lui infligés par des Imbonerakure. D’après nos sources, ces prévenus sont les militants du CNL qui avaient participé aux funérailles du défunt.
Joint par téléphone, l’administrateur de la commune Nyamurenza n’a pas voulu répondre aux questions d’Iwacu. Interrogé, Dieudonné Niyonzima n’a résumé ses propos qu’en une phrase : « Je suis en train d’animer des réunions de pacification. »