Un millier de caféiculteurs de la province Ngozi qui vendent le café cerise à la Sogestal ne sont pas encore payés, depuis la récolte de février dernier. Iwacu est allé à la rencontre de ces caféiculteurs déçus.
Plus de 1.000 caféiculteurs sont concernés. La plupart ne vivent que de la culture du café. Ils ont des familles à nourrir. Leurs enfants sont renvoyés de l’école. Les dettes s’accumulent… Ce sont des caféiculteurs fâchés, découragés, rencontrés dans la commune et province Ngozi lundi 24 septembre.
Ils ont récolté le café cerise au mois de février. Ils l’ont vendu à la Société de gestion des stations de lavage de Ngozi (Sogestal) depuis avril. Le paiement se fait, normalement, en deux périodes, selon la quantité vendue par chacun. Le prix est fixé à 500 BIF le kilo. Le premier paiement devrait être fait au plus tard fin juin. Le 2ème fin août. A ce jour, les deux périodes ne sont pas encore payées.
Colline Minago, zone Mivo de la commune de Ngozi, des cultivateurs désespérés. Une même phrase sort de leurs bouches : « Nous avons faim. »
Anthère a vendu le café pour une valeur de 100 mille BIF. Il a six enfants scolarisés. Il misait sur cette somme pour la rentrée scolaire. Faute de moyens, il n’a pas pu acheter tout le matériel scolaire nécessaire. «Pire, j’ai dû vendre un terrain pour pouvoir payer des frais hospitaliers, il y a quelques semaines », confie ce caféiculteur, déçu.
Venant, un autre caféiculteur de la zone Camugani, a vendu 500 kg de café cerise. La Sogestal lui doit 250 mille BIF. Il affirme que cette somme peut faire vivre sa famille pendant plusieurs mois.
Elève dans un lycée à régime d’internat, son enfant allait être renvoyé faute de minerval. Il a dû vendre une vache. « C’est très dommage. Du jamais vu. »
Plusieurs autres caféiculteurs affirment être en détresse. Certains commencent à vendre leurs billets de créance à 300 voire 200 BIF le kilo. « Nous préférons perdre que mourir de faim. »
La caféiculture en danger ?
Ces caféiculteurs se disent très découragés de continuer à cultiver le café. Ils pensent à d’autres cultures telles la banane, le maïs ou planter des eucalyptus. Deux options se présentent désormais, d’après eux : abandonner la culture du café ou changer de client. « La Sogestal devrait fermer. Elle ne nous sert plus à rien ! »
Le représentant des caféiculteurs dans la zone Mivo, Antoine Nzayomaze, indique que ce retard de paiement par la Sogestal s’observe depuis l’an dernier. Ce qui est étonnant, selon lui, seuls les caféiculteurs qui fournissent la Sogestal se plaignent. « Même les employés des stations de lavage, à un moment donné, ont fait une grève. Ils n’étaient pas payés. »
La saison culturale approche. Les caféiculteurs ont déjà commencé à défricher. C’était le moment d’acheter du fumier et des engrais chimiques pour semer, dans quelques jours. Mais ils n’ont pas d’argent. « Ils risquent de perdre leur temps à cultiver, car la plupart ne seront pas capables d’acheter les engrais », déplore M. Ndayomaze.
D’après lui, les cultivateurs aimaient bien la culture du café. Mais ils sont d’ores et déjà découragés. Ils risquent de jeter l’éponge. Et la caféiculture, pourtant première source de devises au Burundi, pourrait disparaître.
La Sogestal sur la liste noire des banques
Un arriéré de crédits bancaires de plus d’un milliard BIF de la Sogestal, serait la cause de tous les maux des caféiculteurs. D’après le chef de service de production de cette société, Déo Ndayisaba, la Sogestal a des arriérés bancaires de 1,200 milliards BIF. Elle n’a donc plus droit au crédit pour payer les cultivateurs.
Cette société a décidé de vendre deux stations de lavage et un hangar de stockage pour pouvoir payer les caféiculteurs, selon M. Ndayisaba. «Mais le gouvernement a proposé d’acheter ces biens puisqu’il a déjà des actions dans la Sogestal. »
La procédure d’achat a beaucoup traîné. Au moment où le ministère des Finances était prêt à débloquer l’argent, explique-t-il, les banques leur ont exigé de s’acquitter d’abord des arriérés afin d’obtenir le crédit pour payer les caféiculteurs. Les arriérés auprès des banques sont maintenant payés, d’après M. Ndayisaba.
La société a lancé de nouveau la procédure de demande de crédit pour payer les cultivateurs. La procédure date du début de ce mois de septembre. « Les banques doivent étudier le dossier de nouveau. C’est cette procédure qui traîne. »
Déo Ndayisaba explique ces arriérés par une baisse continue du prix du café sur le marché international depuis 2012. La société perd de l’argent avec cette chute du prix du café. Il est aujourd’hui passé de 120 cents à moins de 100 cents (environ 2 dollars) par kilo du café vert, soit environ 3.000 BIF.
M. Ndayisaba indique que la Sogestal a acheté, cette année, plus de 5 tonnes de café cerise auprès de 1.033 caféiculteurs de Ngozi. Elle a une dette de plus de 2,860 millions BIF.
La Confédération nationale des associations de caféiculteurs du Burundi (Cnac murima w’isangi) est intervenue auprès du gouvernement pour cette question. Son président parle des lettres restées sans suite, adressées aux ministères de l’Agriculture et des Finances, à l’Assemblée nationale, etc.
Lors du Conseil des ministres du 19 septembre, cette question a été évoquée, dans les divers, par la ministre de la Bonne gouvernance. Le Conseil a demandé aux ministres en charge de l’Agriculture et des Finances de trouver une réponse rapide à cette question. Iwacu a essayé de contacter ces deux ministères, sans succès.
La production du café vert du Burundi est passée de 15.000 tonnes l’année dernière à 19.000 tonnes cette année. Soit un taux de réalisation de 126%, a déclaré le ministre de l’Agriculture, il y a deux mois.