Les caféiculteurs sont mécontents de la variation du prix du kg de café toutes les deux semaines. Leurs associations évoquent des spéculations dans la privatisation des stations de lavage. Le Scep nie toutes ces allégations.
<doc3707|right>Il préfère remplacer ses champs de caféiers par ceux de bananiers et de haricot. Cet habitant de la colline Kinyana, commune Ngozi est sans équivoque : « Je ne suis pas du tout content de l’argent issu de mon café, mais je continue à l’entretenir parce que je n’ai pas le choix. » Pour lui, non seulement c’est injuste, mais aussi c’est très honteux de passer de 630 Fbu le kg de café cerise à 475 Fbu le kg en moins de deux mois. « Inutile de continuer à recevoir un prix insuffisant pour le café alors que j’achète un kg de farine de manioc à plus de 800 Fbu », s’insurge-t-il.
Un autre caféiculteur de la commune Mwumba de la même province n’a pas confiance aux nouveaux acquéreurs des stations de lavage. D’après cette mère de cinq enfants, l’expérience d’une société qui a acheté 13 stations de lavage à Ngozi et Kayanza en 2009 reste dans sa mémoire : « Les caféiculteurs ne sont jamais payés à temps. » Elle craint que ce ne soit le même cas ou pire avec ces nouveaux acheteurs.
« Nous sommes déçus par le prix du café »
D’après le conseiller technique au sein de « Nkorerangukize », une association provinciale des caféiculteurs de Ngozi, Lambert Nunzubumwe, la variation du prix du café toutes les deux semaines est un problème majeur pour les caféiculteurs. Pour lui, il est inconcevable que le prix du kilo de café soit le plus bas de toutes les denrées alimentaires : « Pire, le prix chute alors que la vie devient de plus en plus chère. »
<doc3708|left>Lambert Nunzubumwe affirme que la Sogestal Ngozi n’a pas remis l’humidimètre (instrument permettant de mesurer le degré l’humidité du café) au nouvel acquéreur des stations. Or, précise-t-il, le séchage du café se fait à 11 ou 12°. En outre, selon lui, elle n’a pas aussi donné le nylex (matériel de séchage) au nouvel acheteur. Ce qui, d’après lui, va détériorer la qualité du café.
Le prix d’achat des stations de lavage a été dérisoire
« La remise et reprise s’est déroulée à la hâte », remarque Anselme Binyogoto, vice-président de la Confédération Nationale des Associations des Caféiculteurs (CNAC- Murimawisangi). Pour lui, cela montre que des fanatismes ont emmaillé l’octroi de ces stations de lavage.
Quant au prix au kg du café cerise, c’est aberrant, dit-il, de perdre près de 200 Fbu au kg en moins de deux mois. Anselme Binyogoto s’insurge aussi contre le prix d’achat actuel d’une station de lavage : « Entre 60 et 65 millions Fbu, alors qu’une étude menée en 1992 mentionnaient qu’il coûterait au moins 220 millions Fbu. » Or, explique-t-il, ce prix de 1992 avait été fixé avant que ces stations de lavages ne soient équipées d’outils modernes, de groupes électrogènes, etc. Pour lui, ce prix a été rabaissé pour que certains agents publics bénéficient des commissions.
« La privatisation a réussi à 100% »
Melchiade Nzopfabarushe, commissaire général du Service Chargé des Entreprises Publiques (SCEP) se dit étonné par ces lamentations. Pour lui, l’appel d’offre pour la deuxième vente des stations de lavage (la première est intervenue en 2009, ndlr) a été transparente. Sur 40 soumissions, selon lui, six seulement ont été retenues parce que remplissant les critères. Et d’après M. Nzopfabarushe, toutes les six qui ont gagné les marchés étaient déjà dans le circuit du secteur du café ou faisaient partie des conseils d’administration des Sogestals.
Quant au prix d’achat des stations de lavage, il a été décidé après une étude, rassure le commissaire général du Scep : « Nous ne l’avons connu que lors de l’ouverture des enveloppes. » Et il est optimiste quant au suivi d’entretien du café par les caféiculteurs : « Même au moment où le prix au kg était à 100 Fbu ou 150 Fbu, les agriculteurs n’ont pas abandonné le café. »
Quant au matériel, le Scep avait demandé aux Sogestals de les céder aux nouveaux acquéreurs moyennant le paiement. Gérard Ndawuheme, directeur général de la Sogestal Ngozi est direct : « Le Scep ne peut pas m’exiger de remettre le matériel propre à ma société si ce n’est l’entente entre moi et le nouvel acquéreur. » Ce patron de la Sogestal Ngozi précise que l’Etat n’a le droit de vendre que les infrastructures des stations de lavage et non le matériel.