Mardi 05 novembre 2024

Politique

Ngozi/Gashikanwa : Des élèves victimes d’intolérance politique

10/05/2019 Commentaires fermés sur Ngozi/Gashikanwa : Des élèves victimes d’intolérance politique
Ngozi/Gashikanwa : Des élèves victimes d’intolérance politique
Les 6 militants du CNL détenus au cachot de la commune Gashikanwa.

6 militants du Congrès national pour la liberté, CNL, sont détenus, depuis dimanche 4 mai, au cachot de la commune Gashikanwa en province Ngozi. Leurs familles dénoncent un harcèlement des Imbonerakure. Ces derniers balaient ces accusations du revers de la main.

Sous une fine pluie, ce mardi 8 mai, un petit groupe de militants du Conseil national pour la liberté (CNL) campent près du bureau communal de Gashikanwa. Des  conducteurs de taxi vélo les fixent avec un regard amusé. Casquettes vissées sur la tête pour certains et T-shirt à l’insigne du parti pour d’autres, ils semblent être calmes, fiers d’eux-mêmes. Ils sont en pleine discussion, se lancent des mots. «Eh ! Vous n’avez plus peur de vous montrer», s’exclame un vieil homme  remarquant leur accoutrement. En guise de réponse, ils lui font un sourire.

Tout à coup, un véhicule de transport, type Probox, en  provenance de Ngozi s’arrête devant l’attroupement des partisans de Rwasa. Quatre hommes, dont un avec une enveloppe sac fermée, en sortent. Ils étaient attendus impatiemment. Après avoir salué la troupe,  d’un pas sûr, ils se dirigent vers les bureaux de l’administrateur. Au fait, tels des ambassadeurs venant présenter leurs lettres de créances à un chef d’Etat, ils viennent présenter leurs organes aux autorités communales.

Trouvant le bureau de l’administrateur fermé, l’homme avec l’enveloppe se dirige vers le conseiller chargé du développement. L’entrevue ne dure pas longtemps. Juste le temps de lui remettre le colis et quelques signatures. Les organes du CNL viennent d’être reconnus en commune de Gashikanwa.

A la sortie, leurs visages sont illuminés : «C’est un grand jour pour les Inyankamugayo de Gashikanwa», s’exclame Christian Citeretse, représentant de ce parti dans cette commune. Une photo de famille est prise pour immortaliser ce moment.

Il assure que presque toutes les autres sections de la province Ngozi font de même. En outre, M. Citeretse espère que ce geste va mettre fin aux vagues d’arrestation de ses camarades. Dans la foulée, il pointe du doigt un bâtiment se trouvant à sa gauche, la prison communale. Six sympathisants y sont emprisonnés. Eric Ndayizeye, Fréderic Hicuburundi, Joël Ndayisenga, Jonas Hagerimana, Gratien Tuyisenge et J. Claude Miburo sont derrière les barreaux.

Que s’est-il passé ?

Tout remonte au samedi 4 mai. Selon Citeretse, la famille  d’Eric Ndayizeye, élève  au lycée communal Kinyovu en deuxième année post-fondamentale, habitant la sous colline Ndaro, zone Ngoma de la commune Gashikanwa, reçoit la dot de sa sœur. Le lendemain, les voisins accourent pour boire la bière de banane restante. Parmi eux, J. Claude Miburo  alias  Ndabagoye. Dans la foulée, Frédéric Hicuburundi, camarade de classe d’Eric, les y rejoint. Les raisons de sa présence diffèrent de celle de Jean Claude. Il vient emprunter une batterie pour son téléphone éteint. Une pratique fréquente en milieux ruraux du fait de la carence d’électricité.

Photo de famille des organes du parti CNL en commune Gashikanwa.

La pluie se met alors à tomber. Revenant d’une promenade, Gratien Tuyisenge et Jonas Hagerimana s’abritent à leur tour dans la maison d’Eric. Ils vont repartir aussitôt la pluie terminée. Aux  environs de 18h, Damien Ndirakubagabo, chef de colline,  en compagnie des Imbonerakure débarquent et arrêtent ceux qui sont sur place.

Accusés de tenir une réunion clandestine, Eric Ndayizeye, Fréderic Hicuburundi, Joël Ndayisenga (un autre camarade de classe d’Eric) et Jean Claude Miburo  alias  Ndabagoye vont être acheminés au centre de la zone Ngoma. De là, le véhicule de l’administrateur va les transférer au cachot de la commune Gashikanwa.

Les quatre vont passer la nuit du dimanche sous les verrous. Le lendemain, très tôt le matin, Gratien Tuyisenge et Jonas  Hagerimana subissent le même sort. Au total, quatre élèves, un cultivateur et un chômeur se retrouvent incarcérés. «Les Imbonerakure  sont venus  prendre mon frère sans mandat d’emmener», déplore Jérémie Nijimbere, grand frère de Jonas. Il indique qu’ils étaient au nombre de six. Il n’a pu reconnaître que deux d’entre eux : Clovis Niyokindi et  un certain Athanase.

Et de poursuivre que sur leurs collines, les gens vivent en harmonie. M. Niyokindi  rappelle que militer pour un parti n’est pas un péché. «Quand mon père a demandé à l’OPJ le contenu du dossier de son fils, il lui a répondu que ce n’est pas lui qui l’a emprisonné».

L’administrateur de Gashikanwa admet que les six individus sont sous les verrous. Elle affirme qu’ils étaient en réunion illégale. Néanmoins, elle refuse qu’ils n’ont pas été arrêtés parce qu’ils sont des partisans de Rwasa. «Dans ma commune, quiconque enfreint la loi doit être arrêté. Pour l’heure, nous les gardons pour question d’enquête tout en essayant de leur prodiguer des conseils. »

De son côté, J. Claude Muhizi, le chef des Imbonerakure à Gashikanwa, affirme qu’il n’était pas sur  les lieux au moment  des faits. Il s’est refusé à tout commentaire avant d’avoir fait ses propres investigations. Toutefois, il balaie du revers de la main les allégations accusant les Imbonerakure  de se substituer à la police. «Notre jeunesse ne s’immisce pas dans les affaires de la police».

 


Cibitoke/Rugombo: L’intolérance politique ne fléchit pas

En une semaine à peine, cinq personnes du parti CNL ont déjà été battues par les jeunes affiliés au parti au pouvoir lors des rondes nocturnes. Le responsable de ce parti met en garde ces jeunes et annonce que des sanctions sont en cours.

Vue partielle du parquet de Cibitoke.

Le cas le plus récent est celui d’Augustin Bizumuremyi, un jeune de 19 ans et militant du Congrès national pour la liberté (CNL) résidant sur la colline Mparambo II, commune Rugombo. Battu par des jeunes du parti de l’aigle dans la nuit du 4 au 5 mai, il est actuellement dans un état critique.

La population résidant au chef-lieu de la commune Rugombo accuse ces jeunes de menacer leur quiétude pendant la nuit sous prétexte qu’ils préservent la paix et la sécurité. Elle compte déjà cinq personnes battues et maltraitées par ces jeunes. Cette situation est particulièrement observée dans les collines Mparambo II, Munyika II et Cibitoke sur la transversale 7. La population demande à ces jeunes d’arrêter ce comportement afin d’éviter des représailles.

Des réunions sont déjà envisagées pour calmer la situation

Le secrétaire provincial du parti Cndd-fdd à Cibitoke, Albert Nsekambabaye se dit choqué par le comportement de ces jeunes. Mais, il affirme qu’il n’a jamais reçu de plaintes de la part des victimes. M. Nsekambabaye souligne qu’il va organiser des réunions avec les jeunes du parti au pouvoir afin qu’ils puissent respecter les partisans d’autres tendances politiques.

Il demande aux victimes de se plaindre devant les instances judiciaires et avertit ceux qui auraient l’ambition de déstabiliser la paix et la sécurité que des mesures et des sanctions seront prises à leur endroit.

Par Jackson Bahati

 

Quand l’intolérance politique se mue en norme

Au nord, au sud, à l’ouest, au centre… Un modus operandi similaire : des arrestations nocturnes à domicile ou en pleine journée dans des lieux publics. Avec un motif d’arrestation résonnant comme une litanie : participation à des réunions clandestines. Quand « les félicitations du jury pour avoir fait preuve de retenue face à des provocations » sont érigées en bouclier du système, le travestissement de la réalité finit par s’imposer comme « la vérité ». L’autre version, dans l’ombre de celle du vainqueur, n’ayant pas suffisamment d’espace vital pour s’épanouir. Le même processus est en cours avec la recrudescence de l’intolérance qui tend, sur la durée - depuis la nuit de la Saint-Valentin jusqu’à tout le moins lundi dernier -, à se normaliser. Les prochaines élections générales de 2020 approchant à grands pas. Mettre la réalité sous une cloche de mots ne relève pas d’une vision stratégique. Et sur le moyen ou le long terme, elle se rebiffe. Ce jour-là, un seuil sera franchi et le dialogue fécond - jusqu’alors escamoté par certains protagonistes de la crise politique - s’imposera comme un incontournable pour sortir de l’impasse qui vient d’entrer dans sa cinquième année. Du moins pour ceux qui veulent s’épargner une confrontation coûteuse à tous points de vue. Une élite gouvernante qui prétendrait défendre les principes démocratiques devrait chercher « une synergie vitalisante » fondée, au dire de Bachir Djaider, journaliste et écrivain, sur la confiance, le débat contradictoire et le respect. Guibert Mbonimpa

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