En moins de trois mois, plus de 70 opposants, membres du parti CNL, sont sous les verrous. Les responsables de ce parti parlent d’un acharnement contre les opposants.
Lundi, 3 février 2020, cinq membres du CNL sont arrêtés sur la colline Ragwe, en commune Kiremba. Selon Jonas Nahimana, un des représentants de ce parti à Ngozi, ils ont été arrêtés par des Imbonerakure. Puis, ils les ont amenés chez le chef de colline. « Après bastonnades, ils ont été conduits au chef-lieu de la zone Gakere où ils sont emprisonnés depuis ce mercredi 5 février. » Selon lui, on les accuse de collecter les cotisations du parti CNL.
Dans cette province, plusieurs témoignages affirment que des intimidations, des emprisonnements, … ne datent pas d’aujourd’hui pour les militants du CNL. Ils font état de plus de 70 cas d’emprisonnements depuis octobre de l’année dernière.
La commune Marangara vient en tête avec une vingtaine des membres du CNL arrêtés et emprisonnés.
Là, raconte M. Nahimana, tout commence avec l’attaque du domicile de feu Evariste Nyabenda, le 11 novembre, dans la zone Nyamugari, colline Burenza.
Nyabenda avait été battu à mort, le 13 octobre 2019, par des jeunes affiliés au parti au pouvoir. « Evacué vers l’Hôpital de Kiremba, il va finalement succomber à ses blessures dans la nuit du 7 novembre », déplore-t-il.
Enterré le 11 novembre, des gens qui faisaient le deuil seront attaqués pendant la nuit. Des blessés. Malheureusement, déplore ce responsable du parti CNL à Ngozi, « ce sont eux qui seront arrêtés et emprisonnés. »
Le 15 décembre, le climat s’envenime. Alors que c’est le jour d’ouverture de la permanence communale du parti d’Agathon Rwasa, à Marangara, des Imbonerakure (jeunes affiliés au parti CNDD-FDD) décident de s’y opposer. Ils bloquent les axes menant à cette permanence. « J’ai vite alerté la police et le secrétaire du Cndd-Fdd. Ils ont vite intervenu et l’ouverture a bel et bien eu lieu sans incident. »
C’est après l’ouverture que les choses vont se compliquer. En effet, explique-t-il, à la fin des festivités, les CNL de Kiremba seront attaqués sur leur chemin de retour. Des affrontements éclatent entre les deux camps. Et des blessés sont enregistrés de tous côtés. « Dès lors, la chasse des CNL commence jusqu’aujourd’hui. » Des sources à Marangara signalent même que des policiers auraient ouvert le feu, blessant deux personnes.
A Busiga, 6 octobre 2019, quatorze membres du CNL sont arrêtés. Accusation : assassinat de Martin Nyabenda, un jeune Imbonerakure, dans la nuit du 5 octobre. Or, déplorent nos sources, ce jeune serait parmi ceux qui ont mené une attaque sur la colline Munyange, sous-colline Kabutaro. « Son cadavre a été retrouvé sur la sous-colline Kamusonga. Et des enquêtes de la police ont révélé qu’il a été étranglé.» Pourquoi ? Des sources indiquent que la victime ne serait plus en bons termes avec ses amis Imbonerakure. « Même son épouse aurait reçu des menaces pour ne pas dévoiler l’identité de ceux qui sont venus à la maison prendre son mari quelques heures avant l’attaque de Munyange. »
Du côté Nyamurenza, excepté Antoine Rwasa, Eric Niyonkuru, Jean-Marie Muhimpundu, Célestin Nduwayo, toutes les autres arrestations datent du 11 novembre. Motif : Les affrontements qui ont eu lieu le 10 novembre entre les Imbonerakure et les CNL de Kiremba et Gashikanywa sur leur chemin de retour.
A Kiremba, les personnes incarcérées sont dans deux groupes. Un groupe accusé d’avoir pris part dans les échauffourées du 10 novembre 2019 à Nyamurenza, et une autre équipe arrêtée pour le compte de l’incident du 15 décembre 2019 à Marangara. Et des arrestations se poursuivent, ajoute M. Nahimana.
« Que ces arrestations cessent! »
Même si ce n’est pas trop prononcé, la commune Mwumba n’est pas épargnée. Accusé ‘’ de tentative d’assassinat’’, Honoré est arrêté le 14 novembre 2019. « Ils m’ont arrêté sur mon lieu de travail, à l’Hôpital Ngozi. Or, je n’étais ni de près, ni de loin impliqué en ce qui s’est passé à Nyamurenza.» Avec trois autres membres du CNL, Honoré a été relâché ce mardi 4 février 2020.
Selon Jonas Nahimana, mise à part la commune de Ngozi, les membres du CNL sont devenus la cible des arrestations, des intimidations, … dans d’autres communes.
Ce responsable demande que les droits politiques comme l’adhésion volontaire dans un parti politique soient respecté. Par ailleurs, souligne-t-il, les lois telle la Constitution de la République du Burundi reconnaissent le multipartisme. « Tout burundais a droit d’adhérer dans un parti de son choix. Que les gens ne continuent pas à être persécutés, intimidés à cause de leurs idéaux politiques. Que ces arrestations cessent. »
Contacté par Iwacu, ce jeudi 6 février, le gouverneur de Ngozi, Albert Nduwimana répond qu’il doit d’abord s’informer si le journal Iwacu travaille encore. Presque deux minutes après, Iwacu le rappelle. Cette fois-ci, c’est son Agent de transmission qui décroche : « Il est dans les travaux communautaires. Vous allez rappeler. » Quelques temps après, on passe encore l’appel. Le gouverneur décroche. Juste quelques secondes, il raccroche. Un autre appel s’impose. Cette fois-ci, ce n’est pas une autre personne qui répond : « Vous êtes d’Iwacu ? », lance-t-il. Avant d’ajouter : « Le gouverneur est pris par d’autres occupations. Vous allez le contacter pour un autre jour et fixer un rendez-vous. »
Liste des membres du CNL emprisonnés jusqu’au 7 février 2020
A) commune MARANGARA
1. Ntirandekura Emmanuel: colline Burenza
2. Ndayishimiye Vincent: colline Burenza
3. Sibomana Elias: colline Burenza
4. Miburo Fabien: Colline Burenza
5. Rwasa David: Colline Burenza
6. Rwasa Emmanuel: Colline Burenza
7. Kabura Étienne: Colline Burenza
8. Ciza Innocent : Colline Runda
9. Minani Gabriel: Colline Runda
10. Karenzo Emmanuel: Colline Runda
11. Ndoricimpa Charles: Colline Rugomba
12. Ndayishimiye Tharcisse: Colline Rugomba
13. Rwasa Laurent: Colline Rugomba
14. Macumi Melchior : Colline Rugomba
15. Miburo Pierre : Colline Rugomba
16. Nimpaye Geneviève : Colline Rugomba
17. Semarushwa Innocent : Colline Gikomero
18. Degardi: Colline Kagina
19. Ndikumana Elias : Colline kagina
20. Ndikumagenge Félicien : Colline Kagina
21. Bajinama Richard: Colline kagina
22. Girukwishaka Pasteur: Colline Kagina
B) Commune Gashikanwa
1) Citeretse Christian: Colline Ngoma
2) Ngendabanyikwa Daniel: Colline Ngoma
3) Ndayizeye Frédéric: Colline Ngoma
4) Niyonzima Innocent : Colline Rutanga
5) Nemeyimana Helmes: Colline Butaha
6) Habayo Ismaël: Colline Buhoro
7) Ntunzwenimana Marc: Colline Buhoro
8) Girukiwishaka Emmanuel: Colline Buhoro
9) Ndagijimana Jean-Marie: Colline Buhoro
10) Minani Emmanuel : colline Buhoro
11) Nkunzimana Vianney: Colline Buhoro
12) Niyorugira Tharcisse: Colline Buhoro
13) Manirakiza Gabriel: Colline Ngoma
C) commune Busiga/colline Munyange
1. Havyarimana Obed
2. Miburo Faida
3. Buhungu Jean-Claude
4. Nyandwi Salomon
5. Bucumi Jacques
6. Pfagutunga Salvator
7. Nsaguye Zabulon
8. Nduwimana Melchior
9. Nyandwi Pascal
10. Habineza Jean-Marie
11. Bihorubusa Paul
12. Minani Renovat
13. Nsaguye Samuel
14. Irakoze Jean
D) Commune Kiremba
1. Uwizeyimana Égide: Colline Kiremba
2. Rwasa Marc: Colline Kiremba
3. Bucumi Mathias: Colline Kiremba
4. Nsengiyumva Renovat: Colline Kiremba
5. Ndayikengurutse Jean-Marie : Colline Rwimbogo
6. Nkunzimana Désiré : Colline Rwimbogo
7. Nduwimana Rémy: Colline Masasu
8. Minani Salvator: Colline Masasu
9. Nduwaporona Julius: Colline Gahororo
10. Kayobera Léonard: Colline Ruyumpu
11. Niyonzima Frédéric : Colline Ruvumu
12. Rwasa Jean: Colline Gitaro
13. Nzambimana Serges: Colline Buhama
14. Cishahayo Bonaventure: Colline Buhama
15. Kadafi Cédric: Colline Buhama
16. Ntaryamira Thomas : Colline Buhama
E) Commune Nyamurenza
1. Bizimana Saleh: Colline Masama
2. Niyonkuru Viateur: Colline Shoza
3. Bizimana Frédéric: Colline Shoza
4. Barakamfitiye Herménégilde: Colline Shoza
5. Bucumi Antoine: Colline Shoza
6. Ngendakumana Gordien: Colline Shoza
7. Nyandwi Protais: Colline Shoza
8. Rwasa Antoine: Colline Shoza
9. Niyonkuru Éric: Colline Shoza
10. Muhimpundu Jean-Marie : Colline Shoza
11. Nduwayo Célestin: Colline Shoza
Gashoho/ Chasse aux Inyankamugayo?
Deux militants du Congrès national pour la liberté (CNL) de la colline Musama II de la commune Gashoho en province Muyinga viennent d’écoper respectivement 3 ans et une année et demi de prison. Les militants du CNL dénoncent une chasse à l’homme.
«C’est une injustice sans nom», s’écrient les militants du CNL dans la commune Gashoho. Eric Kimoshori, étudiant à l’Université, et son frère, Jean Baptiste Basama, sont écroués à la prison de Muyinga. Le Tribunal de Grande Instance a condamné, ce mardi 4 février, Eric Kimoshori à 3 ans de prison et son frère à une année et demi. Ils sont accusés d’avoir blessé une personne. «Ce sont eux qui ont été attaqués. C’est incompréhensible. Mais nous en avons l’habitude», s’indigne un Inyankamugayo de la colline Musama II de la zone Nyagatovu.
Tout commence le 27 janvier dernier. «Eric Kimoshori et son frère étaient avec d’autres amis à environ 20 m de leur domicile. Un groupe des Imbonerakure venu de la colline Buvumbi est arrivé. C’était 18h 30 minutes. Ils ont commencé à les insulter», raconte un témoin oculaire.
Selon lui, ce groupe était conduit par le chef du parti Cndd-Fdd, Melchiade Nduwimana. «Les Imbonerakure disaient : voilà les Ibinyabari. C’est un terme péjoratif qui veut dire les opposants. Ils ont commencé à menacer Kimoshori». Selon nos sources, les Imbonerakure lui ont lancé un caillou à la jambe.
L’arrestation
Selon les témoins, les Imbonerakure des autres collines ont accouru sur la colline Musama II. Les militants du CNL affirment avoir prévenu l’administrateur de la commune Gashoho, Désiré Bigirimana, et le responsable communal du parti au pouvoir, Ernest Icishatse. «Personne n’a levé le petit doigt». Toutefois, le chef de zone Nyagatovu du nom de Fabien est venu à moto en compagnie d’un Imbonerakure du nom de Sirahenda.
Vers 20 heures, les échauffourées ont commencé. «Les Imbonerakure ont voulu étrangler Kimoshori avec une corde. Ils lui ont donné un coup d’une barre de fer à la jambe», raconte un habitant de la colline Musama II. Eric Kimoshori et Jean Baptiste Basama sont arrêtés par des Imbonerakure et la police et conduits dans les cachots de la zone Nyagatovu. «Arrivés à mi-chemin, les Imbonerakure ont voulu enlever Eric Kimoshori mais un policier les en a empêchés. Nous remercions vivement la police pour ce qu’il a fait ce jour-là. C’est un travail remarquable», confient les militants du CNL. «Eric a du mal à marcher à cause des coups qui l’a reçus. Sa jambe est peut-être fracturée. Nous demandons qu’on le laisse aller se faire soigner», plaide un proche.
Un Imbonerakure grièvement blessé
Dans cette bagarre, un Imbonerakure du nom de Sirahenda a été grièvement blessé. «Il recouvre petit à petit la santé. Il commence à parler. Il est hospitalisé à l’Hôpital de Karusi», fait savoir Ernest Icishatse. Sur les évènements du 27 janvier, il donne une autre version. «Nous avions organisé une descente du parti sur la colline Musama I. Alors que les militants de la colline Buvumbi rentraient chez eux, ils ont été interceptés par les militants du CNL de la colline Musama II». Ernest Icishatse indique qu’il a été informé de la situation. «J’ai demandé au chef de zone Nyagatovu de prendre un policier et d’aller voir ce qui se passait. Il y est allé à moto avec Sirahenda. Lorsqu’ils sont arrivés, Sirahenda a reçu un coup d’une barre de fer sur la tête. Il est tombé par terre».
Le responsable communal du Cndd-Fdd ne doute pas sur l’identité de l’assaillant. «C’est Eric Kimoshori. Dire que ce sont les Imbonerakure qui ont commencé, c’est faux. Dans de tels cas, on veut toujours se dédouaner». Et d’ajouter que même le père d’Eric Kimoshori est le responsable du parti Cndd-Fdd sur la colline Musama II. «Dans nos réunions, on parle de lui. Peut-être que c’est cela qui l’a mis en colère. Nous disons à son père que nous ne comprenons pas comment un enfant à qui il paie le minerval ne peut pas entrer dans le système».
Selon les militants du CNL, c’est la peur qui règne sur la colline Musama II et les collines environnantes. « Plus de 10 Inyankamugayo ont déjà fui leurs domiciles. Nous sommes pourchassés. Même les témoins oculaires de la bagarre n’ont pas osé aller témoigner de peur d’être arrêtés». Iwacu a essayé de joindre l’administrateur de la commune Gashoho sans succès.
Rénovat Ndabashinze & Fabrice Manirakiza