Les éleveurs de la commune Ngozi manquent de marchés d’écoulement du lait. Ils réclament des unités de transformation pour leurs productions.
«C’est mon tour!» Des gens pressés s’interpellent à tue-tête, des bidons et des récipients en aluminium s’entrechoquent. Il est 8h, mardi 26 mars, et le centre de collecte de lait de Mubuga à quelques dizaines de kilomètres de la ville de Ngozi est en ébullition.
Les éleveurs sont en train d’apporter du lait pour la vente. Un camion est garé devant le centre. Des employés chargent des récipients pleins de lait. Il appartient à Modern Dairy Burundi (MDB). Une société qui produit du lait en carton connue pour sa marque Natura.
« Aujourd’hui, nous avons besoin de 6000 litres de lait, ici nous venons de récolter 800 litres. Nous allons continuer vers d’autres centres de collecte de la province de Ngozi », fait savoir une dame supervisant le chargement. Les agents de MDB sillonnent toute la province de Ngozi et dans certaines parties de Kayanza pour collecter du liquide blanc. Du lait de vache fraîchement trait.
Cette production est obtenue grâce au Programme de développement des filières(PRODEFI) qui a distribué plusieurs vaches dans cette région.
Les éleveurs ne sont pas complètement rassurés
Les affaires semblent bien marcher. « La société MDB achète la majorité de notre production ». Pourtant, les inquiétudes ne manquent pas. MDB demeure leur seul et unique gros client. S’il advenait qu’elle arrête de s’approvisionner, la situation pourrait devenir difficile.
Ce qui est d’ailleurs déjà arrivé. Il y a quelques mois, le centre a connu de mauvais jours. « Quand cette société ne nous achète pas du lait, on se retrouve dans une situation de surproduction. Et l’on est obligé d’acheminer notre lait au chef-lieu de la province où on nous l’achète à vil prix». Parfois, ils vont même à jusqu’à déverser de grosses quantités de lait.
Dans pareille situation, le litre s’achète à 100 BIF ! Au regard des dépenses d’un éleveur, cette somme est vraiment insignifiante. En effet, le fourrage et le complément alimentaire du bétail sont chers. Un kg de ces aliments coûte 1000 BIF. Et une seule vache consomme près de 6 kg par jour. Faute de moyens, beaucoup d’éleveurs n’achètent plus de compléments alimentaires. Ce qui impacte sur la production. « Si la vache donne 5 l, elle passe à 8 ou 10l avec les suppléments » indique Antoine Coyitungiye, éleveur de Mubuga. Or, les éleveurs comptent sur la vente du lait pour compenser leurs dépenses et subvenir à leurs besoins. Le marché n’étant pas stable, ils préfèrent se passer des suppléments.
« Nous avons créé cette coopérative pour pouvoir écouler notre production de lait, mais le risque demeure », fait remarquer M. Coyitungiye. Et pourtant tout avait bien commencé. Il se rappelle qu’à leur début, un litre coûtait 650 Bif. Actuellement, le prix a dégringolé à 570 Bif. M. Coyitungiye soulève à nouveau le manque de client. Hormis MDB, aucune autre société ne vient chercher leur lait. Pour lui, le fait que celle-ci monopolise le marché ne booste pas les prix.
Autre bémol, une consommation locale très faible. Les éleveurs boivent rarement le lait qu’ils produisent. «C’est paradoxal. Nous ne consommons presque pas notre production. Je ne sais pas pourquoi, mais la culture de boire du lait n’est pas ancrée dans nos habitudes.»
Les éleveurs de Ngozi ne peuvent pas non plus vendre leurs productions dans les provinces voisines. Le Prodefi a aussi distribué des vaches laitières à Muyinga et à Gitega.
Inquiets, ils plaident pour qu’il y ait des unités de transformation de lait en fromage ou en beurre. «Comme ils nous a aidé pour les vaches, nous demandons au gouvernement et ses partenaires de nous aider à nous procurer des équipements de transformation », indique Pascal Manirakiza, un autre éleveur.
Emérence Nirera, porte-parole du ministère de l’Agriculture et de l’Elevage, affirme que le gouvernement est à pied d’œuvre pour remédier à ce problème. « La distribution des vaches étant la première phase, nous étudions avec les partenaires comment attaquer la phase de valorisation de la production ». Elle interpelle aussi les éleveurs à consommer leurs productions au sein de leurs ménages.