La classe politique burundaise ne cesse de semer la confusion dans l’esprit de la population. Pendant que le gouvernement, le Président Nkurunziza et le parti au pouvoir excluent toute idée de négociations, l’ADC-Ikibiri continue à les exiger, alors qu’elle ne dispose d’aucune force de contrainte apparente. Mais, pour l’Uprona, cette force existe.
Dans sa dernière conférence de presse, Jérémie Ngendakumana, le président du Cndd-Fdd, a réaffirmé qu’il ne sera jamais question de négocier avec qui que ce soit, mais que le dialogue est toujours le bienvenu. Pourtant, l’ADC-Ikibiri, dans ses déclarations, continue à exiger des négociations. Pour Chauvineau Mugwengezo, c’est le contexte actuel qui obligera le pouvoir en place à négocier. Léonard Nyangoma demande au pouvoir de négocier, et propose même l’Afrique du Sud, l’Italie ou la Tanzanie comme lieu de ces négociations, devant un médiateur impartial.
Cette exigence de l’ADC-Ikibiri dénote une certaine assurance qui prête à confusion, puisque cette coalition assure que son combat se trouve seulement sur le terrain politique et qu’il n’est pas question de prendre les armes, du moins pour l’instant : « J’espère qu’on ne laissera pas pourrir la situation jusqu‘à en arriver à la situation où les gens prennent les armes ; car à ce moment tous les Burundais vont prendre les armes, y compris les autres membres de l’ADC-Ikibiri », déclare Léonce Ngendakumana.
Malheureusement, il est à craindre qu’on n’en arrive là, puisque le gouvernement radicalise sa position. Pour son secrétaire général, Philippe Nzobonariba, il n’y aucune impasse qui justifie des négociations. Quand bien même si le danger ne viendrait pas peut-être de l’ADC-Ikibiri, des exactions sont aujourd’hui commises par des groupes armés, que le gouvernement appelle, à tort ou à raison, « bandits armés.»
Le silence et le négationnisme
Mais la population n’est pas dupe. Dans ses différentes déclarations dans les médias, elle parle de rebelles. Ce que confirme une certaine opinion politique pour laquelle les signes d’une rébellion sont réels et leur paternité logiquement évidente : « Le conflit est entre le gouvernement, le Cndd-Fdd et l’ADC-Ikibiri. Quel autre parti est capable de prendre les armes ou d’encourager la prise des armes », demande Bonaventure Niyoyankana, président de l’Uprona. Cependant, le gouvernement le voit autrement et réaffirme que ce ne sont que des bandits, souvent exploités : « on voit très bien que c’est un banditisme manipulé par les politiciens, sans endosser les responsabilités », affirme le secrétaire général du gouvernement.
Pour lui, il y en a qui récupèrent les actions des bandits, et c’est ce qui montre le manque de volonté de dialoguer de la part des partis de l’opposition : « ils n’assument pas la paternité du banditisme, mais veulent en tirer profit », en conclut Philippe Nzobonariba. Pour lui, s’il y a un autre leader derrière ces destructions, on négociera alors avec celui qui affiche son différend et qui demande, comme préalable à la fin de ces actions, certains compromis.
La question reste de savoir si cette condition du gouvernement à associer une force armée à toute négociation ne risque pas d’envenimer la situation, en causant plus de violence.
De la lutte politique au conflit armé ?
Léonce Ngendakumana est sans équivoque: « ils font toujours référence aux groupes armés pour vous considérer comme un partenaire. S’ils continuent comme ça, il y aura évidement des mouvements armés pour qu’il y ait enfin des négociations. » Avec des réserve, Bonaventure Niyoyankana renchérit en déclarant que la seule option dont disposera l’ADC-Ikibiri pour contraindre le pouvoir est de prendre les armes : « car ils n’ont aucune force politique pour le moment, puisqu’ils ne sont même pas cohésifs : Alexis Sinduhije fustige la légitimité du pouvoir, alors que pour les autres le contentieux électoral n’est plus un problème », souligne le président de l’Uprona. Mais sur ce point, le président du Frodebu dément, en indiquant que, si jamais ils négocient, l’ADC-Ikibiri présentera un même programme incluant tous les partis de l’alliance : « Pour nous, ce gouvernement et ses institutions n’ont plus de légitimité, et cela devrait être la position de tous les Burundais. ».
Une situation stagnante
Mais alors qui, des groupes armés ou de l’ADC-Ikibiri, sera privilégié si jamais la situation aboutit aux négociations ?
Par la logique des rapports de force, explique le politologue Jean Salathiel Muntunutwiwe, si ces groupes s’identifient, ils seront les premiers à être écoutés par le gouvernement devant l’ADC-Ikibiri.
Pourtant, il est clair qu’on n’en est pas encore là. Car, quand il s’agit de négocier, c’est-à-dire qu’il y a un pacte à la fin des négociations, et il doit y avoir une redistribution des postes à l’intérieur de l’Etat. Ce qui signifie que le pouvoir en place doit perdre quelques postes. Le problème est de savoir donc celui qui va être sacrifié ou non. Le conflit se trouve entre les ténors de ces deux logiques : celle des négociations et celle du statu quo.
En définitive, les protagonistes dans cette situation, qui risque de nous exploser à la figure, continuent de faire durer cette situation, puisque, comme le dit Bonaventure Niyoyankana, « attendre signifie renforcer les positions, tant du côté du gouvernement que de celui de la rébellion. » Devant toute cette confusion, un doute : « Où va-t-on ? »