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Négociations : Léonce Ngendakumana précise ce que veut l’ADC-Ikibiri

22/06/2011 Commentaires fermés sur Négociations : Léonce Ngendakumana précise ce que veut l’ADC-Ikibiri

Crise de confiance entre l’opposition et le parti au pouvoir. Négocier ou Dialoguer. Les liens entre l’ADC et Rwasa. Léonce Ngendakumana n’élude aucune question.

Le Président de la République dit qu’il n’y aura jamais de négociations. Il parle plutôt d’un dialogue entre différents partis politiques. Etes-vous d’accord ?

Pas du tout. Dialogue, négociations ou concertation, le vocable importe peu. On a des défis qui méritent des réponses. Exemple : en 2006, le Président avait mis en place un gouvernement anticonstitutionnel. Nous avons demandé des négociations et une interprétation de la Constitution. Ils ont dit qu’un dialogue ne se négocie pas. Après des discussions, on a formé un gouvernement à notre satisfaction. Etait-ce un dialogue ou des négociations?

Quels sont ces défis dont vous parlez ?

Le premier défi c’est la grave crise de confiance entre le gouvernement, les partis politiques, la société civile, une partie des médias et certains partenaires internationaux. Le deuxième grand défi c’est la création d’un environnement favorable à ce dialogue ou à ces négociations. Le retour des leaders politiques aujourd’hui en exil forcé, le fonctionnement des partis politiques sans entraves, et la libération des prisonniers politiques, l’insécurité généralisée dans le pays. L’armée et la police ne sont pas encore suffisamment stabilisées et la police est manipulée par le Cndd-fdd. Et on sait qu’avec une insécurité généralisée affecte même la sous-région.
Il y a une autre question plus grave encore : le parti Cndd-fdd dit que l’accord d’Arusha ne l’engage pas parce qu’il ne l’a pas négocié. Quelles références politiques et juridiques aujourd’hui dans ce pays si, déjà, on rejette l’accord d’Arusha ? Ipso facto on rejette la constitution aussi. On gère le pays comment dans ce cas?

Et quid de la Commission Vérité et Réconciliation ?

C’est un échec. Avec les consultations nationales, la société civile avait une part importante. Maintenant, ce que j’ai pu comprendre, la grande part revient au CNDD-FDD, l’autre à l’UPRONA. Cherchera-t-on la vérité de l’UPRONA et du CNDD-FDD seulement ?

Qui devraient discuter de ces questions ?

Dans toutes les démocraties du monde, il y a toujours un dialogue entre un gouvernement élu et l’opposition. Même quand c’est un gouvernement élu.

Pour certains partenaires internationaux, il faut un dialogue qui ne remet pas en cause les résultats des élections. L’acceptez-vous ?

Non. Le pouvoir en place a déjà perdu sa légitimité. Regardez ce qui se passe. L’état de la sécurité, les droits de l’homme, les libertés publiques, la gestion du patrimoine de l’Etat, c’est un drame. Maintenant on arrive au stade où la population se fait justice.

Reconnaissez-vous le pouvoir en place ?

C’est un pouvoir illégitime. Nous avons même négocié avec des pouvoirs issus des négociations ou d’un coup d’Etat. Même avec celui-là, on va négocier toutes les questions. Si ce pouvoir travaillait bien, il dialoguerait chaque jour, même avec les partis politiques de l’opposition. Donc, ce qui reste, c’est la négociation, pour faire face à la triple menace : guerre civile, risque de génocide, pauvreté extrême,

Mais ce sont des questions intéressantes pour toute la classe politique. Pourquoi ne pas dialoguer au sein du forum ?

Partout au monde, il y a deux blocs. Vous êtes au gouvernement ou à l’opposition. D’où une loi sur l’opposition. C’est au gouvernement et à l’opposition de négocier, chacun avec ses partis satellites. Le forum est mort-né. Il n’a jamais fonctionné et ne fonctionnera pas. Incapable de faire même un petit communiqué sur les défis de l’heure. C’est une caisse de résonnance du pouvoir. Le Président est une institution. Il dirige un gouvernement ; il a un parlement et une administration. Comment peut-il faire fi de tout ce monde et nous renvoyer au Forum. Qui va organiser les débats au Forum ?

D’aucuns estiment que les négociations sont un subterfuge pour occuper des postes que vous n’avez pas eus par les élections…

Nous connaissons la loi. Cette Constitution nous la connaissons mieux que le CNDD-FFD pour avoir participé à sa négociation, à son élaboration et à son adoption. Nous savons comment on devient député, sénateur ou administrateur. Il faut avoir participé aux élections, c’est la seule voie. Je n’ai mentionné nulle part la négociation sur les postes. Mais ce que nous allons certainement discuter avec eux, ce sont les postes techniques pour stabiliser le Burundi.

Qu’entendez-vous par poste techniques ?

Ceux qui ne relèvent pas des mandats politiques. Par exemple, un secrétaire ou un directeur d’une école qui vient de passer cinq ou dix ans. Si vous le changez ou le chassez parce que le pouvoir change, vous déstabilisez l’administration publique. Je prends aussi l’exemple du parlement, une institution qui se renouvelle à la fin de chaque législature. Des députés ayant acquis une certaine expérience partent. Mais quand vous avez une administration parlementaire stable, c’est celle-là qui va aider les nouveaux députés à aborder la procédure législative.

Avez-vous déjà pensé à un médiateur de ces négociations ?

La médiation et le lieu même de ces négociations feront l’objet de débats, parce qu’il y en a qui sont à l’extérieur. Nous disons qu’il faut un environnement favorable au retour de ces gens dans le pays. Ils ne peuvent pas revenir aujourd’hui, quand les citoyens sont tués, leurs militants malmenés. Prenons le cas de Rwasa. On a même vendu son parti politique. Comment est-ce qu’il va revenir sans cadre de dialogue ? L’idéal c’est de discuter à partir d’ici. On n’aurait même pas besoin de médiateur si on avait un gouvernement élu comme on le dit, conscient.

Une fois les négociations commencées, pensez-vous que les tueries vont s’arrêter ?

Vous pensez que c’est un Congolais ou un Rwandais qui est en train de créer l’insécurité ? Ce sont des Burundais. Dès lors qu’ils se mettent ensemble pour discuter sur les causes de cette insécurité, certainement que cela va s’arrêter. Si on est parvenu à arrêter la guerre entre le CNDD-FDD et le gouvernement ou avec le FNL, comment on ne peut pas arrêter la situation de l’heure ? Mais si on attend très longtemps, cela risque de se compliquer.

Mais si les troubles continuent malgré les négociations, vous risquez de ne plus être crédibles aux yeux de la population ?

Comment est-ce que cela peut continuer ? Bien évidemment, si par mégarde on discute avec une opposition dite Nyakuri, ces partis Nyakuri ne sont pas de notre responsabilité.
Donc, si vous discutez avec le gouvernement, tous les troubles s’arrêtent ?

Je suis très sûr parce que c’est une expérience que j’ai, je ne parle pas comme ça dans l’air.

Vous assumez donc la responsabilité des attaques dans la province de Bujumbura et dans d’autres localités ?

Je n’assume pas la responsabilité ; mais je vous dis cela d’expérience. Depuis 1994, je disais à l’UPRONA et au président Buyoya qu’il fallait négocier avec ces gens pour arrêter la guerre. Je n’étais même pas en contact avec le CNDD-FDD ou le FNL. Moi je parle politiquement ; parce que la cause de l’insécurité, ce n’est pas une personne qui prend une arme pour titrer sur une autre. Il y a des problèmes qui constituent la source des violences. Ce sont ces problèmes qu’il faut éradiquer. Cela veut dire que les négociations commencent au niveau politique et non au niveau militaire. C’est l’erreur qu’on veut commettre ici chez nous ; car on vous dit que si vous n’êtes pas armés on ne négocie pas avec vous.

Il y a des partis qui ne sont ni dans l’ADC-Ikibiri ni au gouvernement. Allez-vous négocier ensemble?

Par définition, tous les partis membres du gouvernement sont des partis gouvernementaux. En général, tous les autres partis restent sont dans l’opposition. Aujourd’hui, certains partis disent qu’ils ne sont pas au gouvernement et dans l’opposition. Ils sont où, puisque l’opposition c’est par rapport au gouvernement? Ce sont des partis opportunistes qui vont là où les choses marchent bien. En politique, il faut un choix. Avec le début des négociations, ceux qui sont au milieu vont se range, soit du côté de l’opposition, soit du gouvernement, selon leurs intérêts. Arusha c’était comme ça.

Avez-vous une influence sur Agathon Rwasa ?

Nous avons conclu ensemble l’Alliance des Démocrates pour le Changement. J’estime que nous sommes ensemble ; puisqu’il ne nous a pas dit le contraire jusqu’à présent.

Selon le ministre de la Défense, c’est Rwasa qui perturbe la sécurité dans Bujumbura rural. Donc vous perturbez vous aussi la sécurité ?

C’est faux. Si ce gouvernement était conséquent, il ne chercherait pas Rwasa et Nyangoma,  au lieu d’aller chercher la sécurité du côté de la population? C’est une aberration. Finalement, c’est se moquer des gens. S’ils sont convaincus que c’est Rwasa et Nyangoma, il faut les chercher au lieu d’embêter la population.

Rwasa aurait opté pour la guerre au moment où vous parlez de négociations ?

Pas plus tard que ce mardi, je discutais avec d’éventuels représentants de Rwasa. Ils sont d’accord pour les négociations, même le communiqué nous l’avons sorti ensemble. Je ne crois pas que Rwasa soit condamné à faire la guerre éternellement. Pourquoi ? C’est un Burundais comme les autres, qui veut vivre dans ce pays aussi, qui est d’ailleurs apparemment fatigué de la guerre. Il ne faut pas qu’on cherche des prétextes pour refuser des négociations. Evidemment si la situation continue comme ça, il n’y aura pas que Rwasa. Car il y a des coalitions qui sont nées. Pourquoi est-ce qu’on n’en parle pas ? Ce sont des personnes déçues qui veulent se regrouper pour trouver des solutions. Mais cela sera la somalisation du Burundi. Nous disons qu’il faut négocier rapidement. Demain le parti CNDD-FDD ou l’UPRONA pourraient se diviser en deux et vous savez que ces deux partis sont au parlement et au gouvernement. Ils risquent de provoquer une crise institutionnelle et avec un gouvernement très fragile, une administration fragile : comment le pays sera géré ?

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