Justice, économie, droit de l’homme, bonne gouvernance… durant trois heures, le président Evariste Ndayishimiye a directement répondu aux questions des citoyens et journalistes. Iwacu revient sur les moments forts de la rencontre.
Au stade Intwari, ex-stade Prince Louis Rwagasore journalistes et simples citoyens étaient venus nombreux à la rencontre du chef de l’Etat. On notait également la présence des conseillers et porte-paroles du président, le secrétaire général du gouvernement, le maire de la ville de Bujumbura, les administrateurs communaux, des chefs de zone, et d’autres responsables administratifs à la base.
A 9h, le chef de l’Etat est arrivé sur place. Le temps aux modérateurs de l’émission de donner des consignes. Contrairement aux émissions précédentes, les journalistes et les citoyens vont poser des questions en même temps. Le choix des citoyens est confié aux conseillers du chef de l’Etat. En tout, dix intervenants par round : cinq journalistes et cinq citoyens. « C’est une innovation du chef de l’Etat lui-même » a confié Evelyne Butoyi, la porte-parole du président. Les citoyens sont venus de presque tous les coins du Burundi.
‘’Neva’’ fâché contre certains magistrats
Le président Ndayishimiye a de nouveau mis en cause la compétence de certains magistrats. « Il y a des magistrats qui ne savent pas lire et dire le droit. Ils ont étudié, mais on se demande où ils ont appris le droit. Ils appliquent de fausses dispositions ». Il les a exhortés de faire une analyse minutieuse des procès et d’y appliquer une loi qui convient.
Il a mis en garde les magistrats qui failliront à leur mission. « Désormais, les magistrats seront punis pour leurs fautes professionnelles. Ainsi donc, le Conseil supérieur de la magistrature analysera le comportement des magistrats et les jugements coulés en force de chose jugée ». Il a invité les justiciables à porter plainte.
Le chef de l’Etat les a invités au respect de la hiérarchie et de ne pas s’adresser chaque fois directement à lui : « Si vous voulez que je reste assis au stade pour recueillir les doléances de la population, le pays aura du mal. Avant de s’adresser à l’administrateur communal, va chef le chef de zone, avant celui-ci, adresse-toi au chef collinaire. S’il n’est pas capable de régler ton problème, dénonce-le. C’est cela la démocratie ».
Et de laisser un message d’avertissement aux responsables incompétents : « Il faut déposer le tablier. Cela concerne les directeurs qui sont dans différents départements ministériels. S’il advenait que j’aille régler un problème auquel il a été incapable de trouver une solution, qu’il ne dise pas qu’il est directeur général, il sera limogé ».
Réhabilitation des notables collinaires
Toujours dans le domaine judiciaire, l’autre préoccupation du président Ndayishimiye est la réhabilitation des notables collinaires. Il y est revenu dans son mot liminaire : « Pour rapprocher la justice aux justiciables et alléger le fardeau aux tribunaux de résidence, j’ai réhabilité l’institution des notables collinaires ». Il a annoncé que l’élection de ces notables est pour bientôt. « Nous demandons à la population d’élire des personnes honnêtes et intègres. Nous espérons qu’ils vont résoudre efficacement les litiges qui surgissent dans leurs communautés. »
Le chef de l’Etat a fustigé le comportement de certains justiciables qui ont du mal à accepter le jugement rendu. « Quand la vérité éclate, il faut que les gens l’acceptent. Je remarque souvent que les gens qui viennent se confier à moi ne font que me fatiguer. Quand j’analyse le jugement rendu, je découvre que ce verdict reflète la vérité ».
Cependant, a-t-il nuancé, il y a des justiciables dont les doléances sont fondées. Dans ce cas, il a recommandé aux justiciables de s’adresser au Procureur général de la République qui va, à son tour, étudier ces cas, en collaboration avec le Conseil supérieur de la magistrature.
Des emprisonnements abusifs
« Nous avons vu un mauvais comportement et nous sommes en train de le combattre. Vous verrez des gens emprisonnés pour cause de dette civile », a déploré le chef de l’Etat. Pour lui, seuls les criminels devraient se retrouver en prison dans le but de protéger la société et amener le criminel à se corriger : « L’incarcération sert de leçon aux autres afin qu’ils ne tombent pas dans la même infraction. »
Selon lui, c’est une perte pour le pays d’emprisonner une personne qui était en train d’exécuter des travaux de développement. « Vous le nourrissez, vous assurez sa sécurité. »
Toutefois, a observé le Président Ndayishimiye, les détenus restent des êtres humains qui doivent être traités avec humanité. Il a rassuré qu’il y aura une bonne administration de la justice. Il a ainsi invité les justiciables lésés et dont les jugements sont définitifs de s’adresser au Conseil supérieur de la magistrature : « Le Conseil va faire une retraite pour analyser tous les dossiers. »
Le chef de l’Etat reconnaît des cas de torture
Interrogé sur les cas de tortures signalées dans les enceintes du service national des renseignements (SNR), le président Ndayishimiye n’a pas esquivé la question : « Pour ceux qui ont été torturés à la documentation, c’est une infraction n’est-ce pas ? Nous, tous, avons été touchés par cet assassinat. »
Faisant allusion à la victime, feu Augustin Matata. Mais d’après le Président, il n’était pas innocent car suspecté de détenir d’armes à feu. Mais, le président de la République Evariste Ndayishimiye rappelle que même un fautif reste un humain et doit être traité humainement. Plus grave, l’auteur de ces actes de tortures n’était pas affecté au travail ce jour-là. « Le tortionnaire a commis un sacrilège en torturant. Il doit être puni de manière exemplaire », a promis le chef de l’Etat.
Sur les cas d’enlèvements, le Président a déploré qu’il existe toujours des malfaiteurs au Burundi. « On découvre des cadavres et on mène des enquêtes. Mais nous cherchons encore ces malfaiteurs. Certains sont déjà aux arrêts… Parmi eux, il y a certains membres de force de l’ordre et de sécurité. »
Incendie de la prison de Gitega : un nouveau bilan
Les questions sur ce dossier qui fait couler beaucoup d’entre et de salive étaient claires : « Quel est le nombre de détenus qui ont laissé la vie dans cet incendie ? Que faire pour éviter de tels incendies ? Le gouvernement avait promis de les enterrer dignement ? Est-ce que ces gens ont été inhumés ? »
Tout en mettant en garde tout colporteur de rumeurs, le président de la République a répondu. Il a notamment donné un nouveau bilan de cet incendie : « Il y a des prisonniers qui ont succombé à leurs blessures à l’hôpital et le bilan est de 46 détenus morts ». Et de hausser le ton en s’adressant sèchement au journaliste qui a posé la question : « Il ne faut pas raconter qu’ils n’ont pas été enterrés, tout le monde sait qu’ils ont été enterrés et de manière digne. Il y a même eu une prière. Et vous dites que vous ne savez pas où ils ont été enterrés, je pourrais vous y conduire si vous voulez. Il faut arrêter ces ragots. Il ne fallait pas attendre cette conférence publique pour poser cette question. Cela aurait été mieux de poser la question au gouverneur de Gitega et éviter que les rumeurs n’enflent. »
Réaffirmant que cet incendie a été causé par des mauvaises installations des câbles électriques, il a promis que tout sera fait pour que la réfection de la prison de Gitega respecte les normes de sécurité. « Il ne faut pas que de telles catastrophes se rééditent ».
Néanmoins, malgré les assurances données par le chef de l’Etat, des sources indépendantes indiquent que les victimes de cet incendie ont été enterrés en catimini le même jour dans la soirée. Les mêmes sources parlent de plus de 200 prisonniers morts.
« Pas d’ethnie génocidaire au Burundi »
Durant cette émission publique, le chef de l’Etat a eu à répondre sur la suite du rapport d’étape de la CVR qualifiant de génocide les événements de 1972-73. « Qu’on ne soit pas émotionnel. Il n’y a pas d’ethnie génocidaire au Burundi. Pas d’ethnie qui a commis un génocide. Personne ne peut m’expliquer comment une ethnie peut tuer des milliers de gens sans que les autorités en sachent quelque chose », a-t-il déclaré.
Pour lui, toute la responsabilité des massacres perpétrés revient au gouvernement de l’époque. « Il a failli à sa mission. Et d’ailleurs les quelques dignitaires de ce régime encore en vie ont témoigné. » Il a appelé tous les Burundais à éviter la globalisation. « Le travail de la CVR n’est pas fini, il y a eu des tueries avant 1972 et même après il y a eu des massacres de Burundais, il ne faut pas que les gens perdent de vue ces autres événements sanglants qui ont emporté des vies. Tous les Burundais devraient pleurer. Le Burundi a perdu à cause de l’irresponsabilité d’un régime ».
A la question de savoir si la CVR ou le gouvernement burundais sont compétents pour qualifier les événements de 1972, le chef de l’Etat Evariste Ndayishimiye a précisé que Gitega compte informer la Communauté internationale sur ce qui s’est passé au Burundi.
« Mais la responsabilité première revient au gouvernement, le Burundi est un Etat souverain et indépendant et notre Code pénal est clair, le génocide est un crime punissable par la loi burundaise. Ce n’est pas l’ONU qui viendra punir ceux qui ont commis ces massacres».
D’après lui, il faut que la vérité soit connue, éclate au grand jour. « Il ne faut pas que nos enfants héritent des mensonges, il ne faut pas qu’ils vivent ce que nous avons enduré », a conclu le président de la République.
Et la place du rapporteur spécial sur le Burundi ?
Le président de la République du Burundi estime qu’un rapporteur des Nations Unies qui suivrait de près la situation des droits de l’homme n’est pas le bienvenu au Burundi.
En effet, a-t-il motivé, le gouvernement du Burundi n’a jamais été associé dans la mise en place de rapporteur et la commission d’enquête sur le Burundi qui l’a précédé. « Le gouvernement ne peut pas rejoindre un processus qu’il n’a pas commencé. Nous avons mis en place toutes les conditions pour que les droits humains soient respectés. »
Il a cité l’institution de l’Ombudsman, l’Assemblée nationale, la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme, la Commission de l’Unité nationale, la Commission en charge de la lutte contre les crimes de génocides et autres crimes, etc. « Nous avons des dirigeants qui ne sont que là pour faire justice aux Burundais. »
Pour ceux qui soupçonnent les violations des droits humains, le président Ndayishimiye n’a pas mâché ses mots : « Qu’ils viennent nous voir on va leur montrer la situation. »
Quid de la bonne gouvernance ?
Certains dossiers de malversations économiques, de détournement comme le cas du barrage Mpanda, Kajeke… ont été évoqués par les journalistes. Pour le cas Mpanda, le chef de l’Etat a indiqué que le rapport est déjà produit et est sous analyse. « Les sociétés qui exécutaient les travaux à Mpanda et à Kajeke ne peuvent pas ne pas rembourser. » Selon lui, on envisage même confisquer leurs biens pour se rembourser. Il a ainsi souligné, que dans ces genres de dossiers, le problème ne se trouve pas au niveau de l’octroi des marchés, il est plutôt au niveau de l’exécution des marchés : « Ceux qui devraient exécuter les travaux n’ont pas respecté les conventions. »
Pour rappel, le président Ndayishimiye a visité le barrage hydroélectrique de Mpanda, vendredi 15 octobre 2021, où il a déploré une perte d’environ 54 milliards BIF déjà encaissés sans résultats tangibles. Les infrastructures déjà construites commençaient à s’effondrer. Le barrage hydroagricole de Kajeke en commune Musigati, lui, est un barrage qui a englouti plus de 13 milliards BIF, mais qui est pour le moment à refaire.
Constructions anarchiques, des litiges fonciers
Alors que la campagne de démolition des constructions anarchiques vient de durer des mois, certains propriétaires ne se sont pas encore exécutés. Là, le chef de l’Etat a promis de s’en occuper : « Si les propriétaires sont ceux qui se disent être puissants, allez me montrer leurs constructions. Je vais les démolir moi-même. »
Certains citoyens présents à l’émission ont soulevé des cas de litiges fonciers. A ceux qui ont des titres de propriété légaux, le chef de l’Etat a recommandé de les présenter aux autorités pour vérifier leur authenticité.
D’après le chef de l’Etat, dans le passé, les gens ont eu illégalement des terres et sont allés par après chercher des faux titres de propriété. « Qu’ils les amènent afin que nous puissions trouver leurs signataires». Le chef de l’exécutif burundais soutient que le gouvernement ne peut pas continuer à payer pour les responsables défaillants. Car « dans le passé, certaines autorités, des cadres de l’Etat, n’ont pas été de bons gestionnaires de la chose publique».
Igihugu kiragwaye nukuri . Avec une administration incompetente . Le president ne va pas tout faire seul . Si le reste en bas de l’echelle ne fait pas son boulot , un system pourris et corrompu . Le president doit chasser les corrompus et incompetents .