Oui, on débat sur Iwacu (enfin, pour ceux qui se donnent cette peine). Voici donc la réponse de Mandez à la répartie de Katihabwa qui affirmait en substance que [" si on continue à diaboliser, à arrêter les opposants, la violence est certaine, étant l’unique option possible. "->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1824] Je réalise que, par la force des choses, ce forum est en passe de devenir une véritable tribune d’échange et de débats entre les fils du pays. Je vais ainsi donner, une fois de plus, mon point de vue au regard de ce qui dit Katihabwa. Je précise, en passant, que je ne suis ni membre, ni sympathisant d’aucune formation politique au Burundi. Je me livre, tout simplement, à une analyse qui, si elle peut paraitre en faveur d’un camp, n’a rien de soutien ou de rejet d’une branche de la société du pays. Je suis d’accord avec certaines idées de Katihabwa, surtout celles qui ont trait aux conditions de possibilité d’une compétition politique digne de ce nom. Tout comme vous, je reste convaincu que pour qu’une élection se déroule normalement, il faut des conditions qui garantissent la sécurité, la libre expression, la libre circulation de tous les candidats et, personne, encore moins moi, ne peut cautionner et applaudir l’accaparement des moyens de l’État par une seule formation politique. En revanche, là où je ne suis pas d’accord avec vous, c’est lorsque que vous semblez sublimer l’ADC-IKIBIRI en voulant nous imposer leur prétendue et théorique bonne foi. Il est en quelque sorte difficile de vous croire, quand vous mobilisez l’argument comme quoi ce ne sont pas les postes qui intéressent les membres de l’ADC et qu’il faudrait leur faire confiance quitte à les prendre à leur parole le moment venu. Non, à ce niveau je ne suis pas d’accord parce que, comme je le disais il y a de cela quelques jours, les politiciens burundais, qu’ils soient ceux de l’opposition ou de la mouvance gouvernementale, brillent par l’anti-jeu et le style oblique. La plupart des politiciens de l’ADC ne sont pas nouveaux dans l’écosystème politique burundais, et l’histoire est encore récente pour que tout le monde se souvienne de leurs prouesses en matière de gestion. D’ailleurs, comment accepter qu’il faudra les prendre aux paroles quand on sait que « INYAMANZA IRYA UBUMERA IKABIRAHIRA IZUBA RYAKA ? ». Le changement de situation, le retour sur ses propres paroles n’a jamais dérangé les burundais, et en cela, ils ne sont pas les seuls. En 2007, Me Wade du Sénégal déclarait devant les caméras des médias du monde qu’il n’allait pas briguer un troisième mandat à la tête du Sénégal. Le coup de force qu’il vient de réaliser suffit pour convaincre plus d’un qu’en Afrique, les paroles et mêmes les constitutions sont des éléments dont on peut facilement faire abstraction lorsqu’on veut réaliser ses plans politiques. En revenant sur le cas burundais, lorsque vous défendez l’idée des négociations, QUI N’EST MAUVAISE DANS LE FOND, j’ai envie de vous poser une question : à quoi pensaient les opposants en 2010 lorsqu’ils ont boycotté les élections ? Ne savaient-ils pas que les institutions politiques allaient être dominées par les membres du parti au pouvoir et que, conséquemment, il allait être très difficile, voire impossible, pour eux de contrôler l’action gouvernementale ? Sont-ils bêtes jusqu’à ce point pour ne pas savoir que les choses allaient se dérouler ainsi puisque dans tous les gouvernements, l’action publique résulte du programme du parti vainqueur et que, pour stopper les élans de ce dernier, il faut une présence de l’opposition dans les institutions délibérantes ? J’ai envie de vous répondre en vous disant qu’ils le savaient et qu’ils savaient aussi que rien n’était perdu, parce que, fier de l’expérience du passé, ils pourraient activer les ficelles de la négociation. Donc, cher compatriote, moi personnellement, je ne suis pas contre les négociations, loin de là. Ce que je refuse, c’est que les gens refusent de prendre leur responsabilité. Ils ont pris une décision suicidaire sur le plan politique, qu’ils acceptent d’en payer le prix et se préparent pour les prochaines échéances au lieu de mobiliser et de chercher à ce que le peuple les soutienne pour une nouvelle guerre. En outre, quand vous parlez des conditions de possibilité d’une compétition politique, vous avez raison. Mais, si je suis d’accord avec vous concernant les actes délictueux comme la corruption, d’autres, en revanche, engagent la responsabilité de tout le monde, l’opposition y compris. Il s’agit, par exemple, de l’insécurité. Certes, le pouvoir ne peut ne pas se soustraire de son obligation constitutionnelle d’assurer la sécurité de tous les citoyens, mais il reste à prouver qu’il est le seul à la perturber. Parce que, pour vous rappeler quelque chose de triste, les morts et leur nombre sont des cartes et des arguments politiques au Burundi. Ils sont et ont toujours été instrumentalisés parce qu’ils sont les seuls à pouvoir persuader l’opinion, qu’elle soit nationale ou internationale, de la dimension délétère et catastrophique du climat sécuritaire et politique. Du coup, tout le monde peut s’impliquer dans des attentats aux vies des innocents, du moment qu’il est sûr de pouvoir coller les crimes sur le dos de l’autre qu’il juge comme étant son ennemi. Donc, un peu de prudence à ce niveau, souvent les choses ne sont pas aussi simples qu’elles paraissent. Il faut que les Burundais s’apprennent à faire la politique autrement que par le recours aux négociations interminables qui, à force d’être répétitives, finissent par devenir une norme. Tout politicien mécontent exige les négociations et/ou menace de prendre les armes. Puisqu’il n’y aura jamais de pouvoir qui satisfera tout le monde, faut-il être fataliste et se dire que, pour utiliser une formulation rendue célèbre par Axel Kabou, que « le Burundi est mal parti ? ». Non, il y a de l’espoir et j’aurais été à la place des membres de l’ADC que je me serais concentré sur la préparation des élections de 2015, en cherchant, par exemple, à montrer au peuple comme je compte sortir le pays du sous-développement au lieu de tout faire pour les convaincre de la justesse d’une nouvelle guerre. Ils pourraient en cela jouer sur l’expérience du passé. Le Burundi est l’un des rares pays en Afrique où l’organisateur des élections peut les perdre comme en témoignent les expériences de 1993 et de 2005. Mais, s’ils continuent toujours à crier à Bujumbura, dans un pays où plus de 90% de la population est rurale et ne s’intéresse même pas à ces débats politiques dont l’infertilité n’a d’égale que la morve prétentieuse, alors, qu’ils ne s’étonnent pas que la défaite se répète. Puisque, entre temps, l’autre procède d’une "corruption symbolique" en se montrant plus proche des populations, et en 2015, ils vont encore arguer que les élections ont été volées. Ils donnent l’impression de ne pas savoir que l’électorat burundais est en majorité rural. Pour ce dernier, rien que le fait de se sentir proche et semblable avec un politicien (par le fait de manger ensemble, de leur rendre visite, de faire semblant d’être à leur écoute), sont des motifs suffisants pour qu’il lui accorde sa confiance.