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Mwaro : les vaches de la honte

05/05/2013 Commentaires fermés sur Mwaro : les vaches de la honte

Le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage a passé un marché de 990 vaches d’une valeur de près d’un milliard Fbu, qui devaient provenir de l’Ouganda, destinées à 11 provinces. A Mwaro, une partie a été attribuée aux autorités, à commencer par le gouverneur. Pire : seules 5% de ces vaches réunissaient les conditions requises.

<doc2802|right>« Ne pas être fonctionnaire, ne pas avoir une vache, avoir une culture fourragère d’au moins 20 ares (40 mètres x 50 mètres) et avoir planté des fourrages sur les haies (autour de 400 mètres) », telles sont les conditions à remplir pour bénéficier d’une vache dans le cadre de l’Initiative des Pays Pauvres et très Endettés (IPPTE) 2011.

Pourtant à Mwaro, le gouverneur, le directeur provincial de l’agriculture et de l’Elevage, ainsi que 7 chefs de services de la DPAE se sont attribués en tout neuf vaches sur les 90 destinées aux populations de cette province. Heureusement, sur injonction des autorités du ministère de l’Agriculture et de l’Elevage (MINAGRI), ils les ont remises aux vrais bénéficiaires le 12 décembre 2011. Le directeur provincial de l’Agriculture et de l’Elevage a, par la suite, été limogé le 27 décembre 2011.

Le DPAE à Mwaro, Gilbert Ntemako, a décidé de donner 10% de ce cheptel, soit 9 bovins, aux autorités pour « servir d’exemple » aux populations rurales. Sauf qu’ainsi il violait sciemment les critères arrêtés. Gilbert Ntemako signale qu’au moment où on amenait ces vaches, le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage n’avait pas précisé les bénéficiaires. Ce qui l’aurait motivé à donner une partie de ce troupeau aux « nantis » qui, d’après lui, ont les moyens nécessaires pour entretenir ces bêtes combien exigeantes en nourriture et médicaments. « Si une vache de race Frisonne atteinte de la théilériose n’est pas traitée avec un médicament qui coûte 30 mille Fbu après 48 heures, elle meurt », tente-t-il de justifier sa décision.

Le ridicule ne tue pas…

Même s’il ne nie pas avoir reçu une vache hors critères, le gouverneur de la province Mwaro, Diomède Ngomirakiza continue à jouer l’innocent : « L’administration provinciale n’a pas été associée à la réception, à l’identification des bénéficiaires et à la distribution des bovins.» Il jette le tort à l’ex DPAE de Mwaro : « Alors que la distribution était terminée, fin novembre, nous avons assisté à une série de correspondances, entre le DPAE et le directeur général de la mobilisation au ministère de l’Agriculture, qui lui signifiaient que parmi les vaches attribuées, une partie a été donnée à des personnes qui ne figuraient pas sur la liste des bénéficiaires. » Diomède Ngomirakiza affirme avoir été voir le secrétaire permanent au MINAGRI pour lui demander de déterminer qui a tort ou raison entre ces deux personnalités et de distribuer les vaches à la population. « Je n’ai même pas vu la vache qu’on m’attribuait », renchérit-il.
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{ Les critères que devaient remplir les vaches fournies
– Génisses gestantes de race laitière (Frisonne ou Ayrshire), pures ou croisées, d’au moins ¾ de sang amélioré et une gestation d’environ cinq mois, issues d’une matrice Sahiwal, Ankolé ou Boran, pesant au moins 350 Kg
– Des jeunes taureaux de race Frisonne ou Ayrshire, purs ou croisés, Sahiwal, Ankolé ou Boran, ayant au moins 7/8 de sang exotique (étranger), âgés de 18 à 30 mois
– Indemnes de maladies infecto-contagieuses à déclaration obligatoire
– Indemnes de tares héréditaires ou congénitales
– Immunisées contre le théilériose
– Accompagné d’un certificat sanitaire délivré par le service compétent et habilité du gouvernement du pays d’origine }
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Cependant, révèle le secrétaire permanent au ministère de l’Agriculture et de l’Elevage, Joseph Nduwimana, le gouverneur de Mwaro est allé le voir. Le gouverneur ne voulait pas du tout remettre la vache reçue. Pour lui, le gouverneur de Mwaro est allé au MINAGRI après avoir vu la lettre exigeant au DPAE de remettre, endéans cinq jours, toutes les vaches attribuées illégalement : « Peut-être il l’a remise pour éviter d’être ridicule », explique le secrétaire permanent au ministère de l’Agriculture et de l’Elevage. Joseph Nduwimana affirme que les critères de distribution de ces vaches étaient bien connus à l’avance, à travers des réunions que le ministère avait organisées à l’endroit des DPAE. D’après lui, les supérieurs du gouverneur devraient prendre des sanctions à son égard. 

<doc2801|left>« Les vaches ne remplissaient pas les critères »

Ce n’est pas fini avec ces vaches. La vétérinaire de la commune Rusaka, Joselyne Nkunzimana, affirme que les vaches ne remplissaient pas les conditions requises. D’après elle, on leur a envoyé des veaux pesant entre 200 et 250 kg, alors qu’on devrait amener des vaches d’au moins 350 Kg. Comme elle faisait partie de l’équipe chargée de contrôler la santé et la régularité de ce cheptel, elle a, à maintes reprises, refusé d’accepter certains bovins : « Les agents du ministère de l’Agriculture nous exigeaient de confirmer la régularité de ce marché. Nous ne pouvions pas continuer à nous opposer à nos supérieurs. » Et les craintes de la vétérinaire vont se vérifier : dans les premiers jours, 4 vaches sur 15 distribuées aux gens de sa colline natale, Bisha, commune Rusaka, étaient déjà tombées malades. Actuellement, l’occupation quotidienne de Joselyne Nkunzimana est de soigner les 30 vaches fournies aux gens de la commune Rusaka.

<doc2800|right>Frédéric Manirambona, directeur de contrôle de passation des Marchés Publics reconnaît que les vaches livrées ne remplissaient les conditions requises. Mais, rassure-t-il, le fournisseur n’ a pas encore été payé (près d’un milliard Fbu) : « Parce que le procès verbal n’est pas encore validé par les organes habilités, en l’occurrence les ministères des Finances et de l’Agriculture et Elevage. » Une commission de la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics (DNCMP) est, d’après lui, à l’œuvre pour identifier les irrégularités qui ont émaillé la livraison de ces vaches. Mais tout de même, le directeur de contrôle de passation des Marchés Publics semble minimiser le fait de réceptionner ces vaches à Rukoko au lieu de la frontière rwando-burundaise, en provenance de l’Ouganda, comme c’était prévu dans les conventions. Pour lui, quel que soit l’endroit de réception, pourvu que le produit parvienne aux bénéficiaires.

Le marché a été octroyé en août 2011 au fournisseur, un certain Kanani. Et les vaches ont été livrées en septembre de la même année. Le cheptel a été distribué à Bubanza, Cibitoke, Kayanza, Muramvya, Bururi, Makamba, Mwaro, Bujumbura rural, Ngozi, Gitega et Karusi.

Silence complice des députés de Mwaro ?

Deux sur trois députés élus dans la circonscription de Mwaro, Méthode Niyoyunguruza et Diomède Ntangamajeri affirment qu’ils ne savent pas grand-chose à propos de cette affaire de bovins dont se seraient illégalement attribués les autorités. « Je l’ai appris après la conférence de presse animée par le président de l’Olucome, Gabriel Rufyiri, le 17 janvier 2011 », lance l’honorable Méthode Niyoyunguruza. Diomède Ntangamajeri, quant à lui, dit qu’il va commencer très prochainement à s’enquérir de la situation.
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{Les autorités de Mwaro qui ont bénéficié illégalement des vaches
– Diomède Ngomirakiza : gouverneur
– Gilbert Ntemako, ex-directeur provincial de l’Agriculture et de l’Elevage (DPAE)
Chefs de service de la DPAE :
– Joseph Yengayenge
– Epitace Bizimana
– Jean Berchmans Ngiyimbere
– Jérôme Ndayishimiye
– Marc Nakumuryango
– Dévote Habonimana
– Delphine Ndayizeye}
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Des frustrations fusent à Mwaro

Certains habitants de Mwaro considèrent leur gouverneur comme un traître. « Comment ose-t-il se mettre à la place d’un orphelin ou d’un indigent du coin pour bénéficier d’une vache qui n’est pas sienne ? » s’interroge furieusement un habitant du centre urbain de Mwaro. Selon un autre, il est anormal que ses supérieurs hiérarchiques ne l’aient pas encore limogé. Une femme d’une colline de Rusaka rencontrée dans son champ de maïs s’est étonnée : « Si un gouverneur parvient à voler une vache, comment va-t-il protéger sa population contre des détournements ? » Pour cette mère de quatre enfants, le gouverneur devrait avoir le courage de démissionner après cet acte honteux .

L’Olucome dénonce un marché biaisé

D’après Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, ce marché n’est pas conforme à la loi : « Les vaches devaient être réceptionnées à la frontière rwando-burundaise. Mais le fournisseur du nom de Kanani s’est arrangé avec la Direction Nationale de Contrôle des marchés publics et le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage pour les rassembler à Rukoko. » Il doute si réellement ces troupeaux ont été importés : « Seuls 5% réunissaient les conditions requises. »
M. Kanani affirme que ces bovins remplissaient les critères. La preuve, explique-t-il, le MINAGRI a signé sur les fiches de réception de ces troupeaux. Et de préciser que les bovins réceptionnés à Rukoko appartenaient à la province de Bujumbura seulement. S’il n’est pas payé, Kanani est prêt à porter plainte contre le gouvernement burundais, précise-t-il.

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