Le rapatriement de la dépouille de Mwambutsa IV dans le cadre de la célébration du cinquantenaire est momentanément suspendu : une nièce du roi s’y oppose et a saisi la justice suisse.
<doc4101|left>L’arrivée à Bujumbura des restes du roi Mwambutsa inhumé en 1977 à Meyrin (Genève, ) était prévue ce 23 mai, et son inhumation le 26 mai prochain. Alors que la dépouille royale est déjà déterrée depuis le 15 mai pour être rapatriée, sur requête de la princesse Kamatari, le département de la police, de la sécurité et de l’environnement du canton de Genève suspend le projet.
Les restes sont gardés dans un cercueil confié à une entreprise de pompes funèbres à Genève. Dans une correspondance du 12 mai adressée à Isabelle Rochat, conseillère en charge du département ayant suspendu le rapatriement, la princesse Esther Kamatari donne les raisons de son action. En présentant des documents administratifs et politiques.
Pour l’ancienne top model, la première raison de son opposition est que le roi Mwambutsa IV avait clairement précisé dans ses testaments qu’il ne désirait pas être enterré au Burundi. Pour elle, « le gouvernement du Président Pierre Nkurunziza veut en effet faire du retour du Roi un geste hautement symbolique de réconciliation avec un passé tourmenté, à la veille du 50e anniversaire de l’indépendance du pays. »
Seule contre tous ?
Se présentant comme nièce du défunt roi, puisque son père, le prince Ignace Kamatari, était le frère de Mwambutsa IV, elle indique ensuite que son héritage politique et moral lui revient selon le droit coutumier burundais, comme l’avait souhaité le défunt roi. Ce dernier, ajoute-t-elle, aurait déshérité ses deux filles légitimes, les princesses Régine Mwambutsa, décédée, et Rosa Paula Iribagiza, toujours en vie.
Enfin, la princesse Esther Kamatari en appelle également au sacro-saint droit d’asile qui ne devrait pas prendre fin avec le décès du demandeur. Sans exclure toute idée de rapatriement, en rejetant cependant toute précipitation, elle émet des conditions, des « préalables majeurs ». Il s’agit notamment de la reconnaissance de la composante Ganwa, « oubliée » par les Accords d’Arusha.
Pourtant, les Baganwa eux-mêmes semblent divisés sur cette question. Alors que la princesse Kamatari se bat bec et ongles pour empêcher ce rapatriement, sa cousine, la princesse Rosa Paula Iribagiza est d’un autre avis.
Le 22 septembre 2011, la princesse Rosa Paula Iribagiza, qui se considère comme l’unique représentante de la famille royale, donne son accord pour le rapatriement, par la République du Burundi, de la dépouille du roi Mwambutsa IV. Elle désigne son fils, Rémy Ciza Muhirwa, aîné des petits enfants du roi, comme correspondant de la famille dans l’organisation du rapatriement et des funérailles du roi.
La famille royale et le gouvernement main dans la main
S’addressant au Procureur Général de la Confédération Suisse et du Canton de Genève, le 18 mai courant, la princesse Iribagiza s’inquiète de l’action de la princesse Esther Kamatari. Pour elle, qui se présente comme l’unique Représentante Légale de la Succession Mwambutsa Bangiricenge, la démarche de sa cousine Esther Kmatari, qui n’est que la nièce de roi Mwambutsa IV, lui semble nulle et non avenue.
Dans sa correspondance, la princesse Iribagiza prouve l’appui du reste de la succession du défunt roi, en l’occurrence ses propres enfants et ceux de sa sœur la princesse Régine Mwambutsa. Ils se déclarent « honorée par la volonté du Gouvernement de la République du Burundi de procéder au rapatriement de la Dépouille Royale et de l’inhumer lors de funérailles nationales dignes d’un Chef d’Etat au cours de l’année 2012, année du cinquantième anniversaire de l’indépendance et du centenaire de la naissance du Mwami Mwambutsa IV. »
Entrant dans la danse, les membres de la famille royale, réunie dans l’association Fraternité Ishaka, manifestent leur appui à la princesse Rosa Paula Iribagiza. S’adressant au même procureur le 18 mai également, ils s’indignent de « la démarche de la princesse Kamatari qu’ils qualifient d’irresponsable et dangereux pour le peuple burundais ». Tout en affirmant leur appui au projet du gouvernement burundais qui s’inscrit dans une politique de réconciliation nationale. Pour eux, le défunt roi appartient au peuple burundais et la princesse Kamatari ne peut s’opposer à la volonté de toute la famille royale et du gouvernement.
<doc4102|right>Un don marocain made in OLUCOME…
Dans une de ses récentes sorties médiatiques, le président de l’OLUCOME, Gabriel Rufyiri, a déclaré que le gouvernement burundais, par le biais du ministère de la Jeunesse et des Sports et de la Culture, a reçu un don du royaume du Maroc destiné à ce rapatriement. Ce don aiderait également dans la construction d’un mausolée sur la tombe du roi Mwambutsa IV. Pour beaucoup, il serait la cause du zèle des deux parties de la famille royale, pour ou contre le rapatriement.
Mais l’idée que ce don puisse intéresser la famille royale ou la diviser est tout simplement ridicule pour Rémy Ciza Muhirwa. Sans être sûr du montant, il aurait entendu parler d’une somme variant entre 10 et 12 mille euros qu’aurait eue l’ambassade burundais en Suisse.
Quant à Sylvère Nshagirije, secrétaire permanent au ministère concerné, il indique que le Maroc aurait effectivement accepté de financer l’exhumation du roi Mwambutsa IV, l’achat d’un autre cercueil et le transport jusqu’à Bujumbura. « Les accompagnateurs de la dépouille seraient l’ambassadeur du Burundi en Suisse, ainsi qu’une dame qui dit être la fille du roi Mwambutwa IV. Leurs billets seraient payés par la commission chargée de préparer le cinquantenaire de l’indépendance », ajoute-t-il.
Un don pas si important que ça …
M. Nshagirije précise que c’est le même ambassadeur qui a demandé ce don au royaume du Maroc, par le biais de son confrère marocain en Suisse, et souligne que le ministère n’a pas reçu un rond. Quant à la construction d’un mausolée, continue-t-il, les marocains l’auraient promis à condition que le gouvernement burundais construise d’abord la tombe.
Laquelle tombe, précise Rémy Ciza Muhirwa, est en train d’être construite par deux membres de la famille royale de l’association Fraternité Ishaka : « mais c’est le gouvernement qui paiera la facture, par le biais de la commission du cinquantenaire. »