Avec plus de 35 mille personnes, la zone Masaka, de la commune Giteranyi, province Muyinga ne compte qu’une seule fontaine. Un danger pour sa population contrainte à consommer l’eau du lac Rweru au risque de sa vie.
« L’eau potable manque cruellement dans notre zone », raconte Célestin Ngendakumana, le chef de zone Masaka, une localité dépourvue de cours d’eau. Il précise que six de ses sept collines de recensement sont frontalières avec le Rwanda. Le lac Rweru occupe toute sa partie orientale.
Pour avoir de l’eau potable, cet administratif indique que la population fait recours à une seule fontaine, sinon elle est obligée de faire des déplacements vers d’autres zones telles que Ruzo et Tura.
Pire encore, cette fontaine encore fonctionnelle est vieille et se situe sur la colline Ngomo. « Une situation très déplorable et difficile à gérer pour une zone comptant actuellement 35.500 habitants ».
Pour sa part, Abdul Karim Bimenyimana, chef de colline Cagakori, ne trouve pas les mots pour qualifier cette situation : « C’est vraiment intenable. Il n’y a aucune source d’eau potable sur notre colline. Pas de fontaine, pas de robinet. » Sa colline compte plus de 5500 personnes.
Malgré la présence d’une fontaine sur sa colline, Nestor Habonimana, le chef de colline Ngomo, se lamente aussi: « Elle est insignifiante pour ma population. Par ailleurs, elle est très obsolète et tarit souvent.»
De son côté, la population ne sait plus à quel saint se vouer. « Nous sommes dépassés, oubliés. Nous n’avons aucun robinet d’eau potable sur notre colline », se lamente Espérance Mashengero, une habitante de la colline Cagakori, riveraine de Rweru, exaspérée. Assise devant sa maisonnette bâtie à moins de 10 mètres de ce lac, cette mère raconte que pour trouver de l’’eau potable, il faut se rendre à Nzove, dans une autre zone de la même commune. Ce qui nécessite un coût de déplacement à bord d’une pirogue. En outre, pour avoir un petit bidon d’eau, on doit débourser entre 300 BIF et 500 BIF. Ce qui est, selon elle, un luxe pour les riches.
« Les pauvres ne peuvent pas s’y aventurer. Une fois qu’on a cette somme, notre priorité n’est pas d’acheter de l’eau mais de trouver quelque chose à mettre sous la dent », glisse-t-elle.
« Nous n’avons pas de choix »
« Vaut mieux vivoter que de mourir », lâche Mme Mashengero. Ce qui justifie, selon elle, le recours de la population de Masaka aux eaux du Lac Rweru. « Malgré cette odeur, des déchets de toute sorte qui s’y déversent, nous n’avons pas de choix.» Une autre maman croisée sur place est très remontée : « Nous avons crié pour avoir d’eau de robinet, en vain. » Elle signale que même à l’œil nu, on voit des vers se déplacer dans cette eau, des asticots, etc.
Ce qui ne les empêche pas de la consommer et de l’utiliser pour la vaisselle. Ce Lac est devenu selon elle une sorte de poubelle. « On y voit même, ces derniers temps, des cadavres humains en décomposition, des chiens, charriés par la Kagera en provenance de l’autre côté ». Elle affirme en outre que l’érosion contribue à sa pollution : « En cas de fortes pluies, des quantités importantes des terres, polluées par des produits phytosanitaires finissent par là. »
Et toutes ces terres, des sédiments … donnent une coloration jaunâtre à ce lac. Néanmoins, se souvient-elle, avant les années 2013, l’eau du Rweru était visiblement propre.
M. Ngendakumana, chef de zone Masaka abonde dans le même sens. « Notre lac est en grande partie pollué par la Kagera. Depuis 2013, cette rivière a dévié. Elle a changé sa trajectoire et se déverse désormais dans le Rweru ».
Ce qui a fait, par ailleurs, qu’une grande partie de ce lac soit envahie par la jacinthe d’eau. Une preuve de sa forte pollution. Cependant, il reconnaît que même les pêcheurs ont une part de responsabilité. « Ils n’ont pas de toilettes. Ils font tous leurs besoins là ».
Un danger sanitaire
A Masaka, tous sont conscients que l’inexistence d’eau de robinet et la consommation de l’eau sale du lac Rweru est dangereuse pour leur santé.
« Regardez comment ces enfants ont des ventres ballonnés. Pensez-vous que c’est la bonne santé ? Loin de là. Ils souffrent des vers intestinaux ».
Néanmoins, malgré la puanteur qui envahit cet endroit, des enfants, des pêcheurs, … y grouillent. A bord des vélos, des jeunes garçons viennent puiser l’eau dans des bidons de 20 litres. D’autres y nagent sans aucun complexe.
Les données du Centre de Santé de Ngomo sont très révélatrices. « Sur 50 patients accueillis par jour, des examens montrent que plus de 30 ont des problèmes des vers intestinaux comme l’amibiase, ankylostome, etc », révèle Sylvère Uwitonze, son responsable. Des cas de diarrhées et d’autres maladies de mains sales y sont également répertoriés.
D’après lui, malgré les appels à bouillir l’eau avant son utilisation les cas de telles maladies sont plus nombreux. Ce responsable sanitaire réaffirme que cette zone manque atrocement d’eau potable.
Par ailleurs, Espérance Mashengero évoque un problème de manque de bois de chauffage pour faire bouillir l’eau.
L’administration et la population crient au secours
« Que l’Etat, les bienfaiteurs nous aident à avoir de l’eau potable. Sinon, la population court un grand risque », alerte Abdul-Karim Bimenyimana, chef de colline Cagakori. Il explique que sans eau potable, il sera très difficile d’avoir une bonne santé.
Même son de cloche chez Nestor Habonimana, chef de colline Ngomo. « Nous avons besoin des robinets publics. » Avec l’existence du lac Rweru dans cette région, il estime d’ailleurs que ce travail ne devrait pas traîner. « Ils peuvent l’utiliser pour nous alimenter en eau potable ».
De son côté, Célestin Ngendakumana, chef de zone Masaka, propose aux bienfaiteurs ou au gouvernement de les aider à installer des puits d’eau. « Une autre urgence est de résoudre la question de la déviation de la Kagera pour mettre fin à la pollution de Rweru ».
Il demande lui aussi l’installation des robinets comme c’est le cas dans d’autres coins du pays. « La question d’eau potable est cruciale car la bonne vie de la population en dépend. Notre zone devrait attirer plus d’attention des bienfaiteurs, de l’Etat ».