Lundi 23 décembre 2024

Société

Muyinga/ Rugari sans électricité, la population s’indigne

05/02/2019 Commentaires fermés sur Muyinga/ Rugari sans électricité, la population s’indigne
Muyinga/ Rugari sans électricité, la population s’indigne

A chaque tombée de la nuit, Rugari rentre dans une obscurité. Pourtant, depuis près de 3 ans, la Regideso y a déjà déposé tout le nécessaire pour des installations électriques. Impatiente, la population déplore un travail bâclé de cette société. Celle-ci appelle à un peu de patience.

Lundi 28 janvier, 17h45. Le soleil vient de se coucher. La nuit s’annonce sur la zone Rugari. Au marché, les rideaux tombent déjà. Les commerçants se pressent pour regagner leurs domiciles. «Nous ne pouvons pas rester dans cette obscurité», marmonne Angèle, commerçante, la quarantaine, en rentrant les articles qu’elle avait étalés devant son kiosque.

Les badauds qui déambulaient autour du marché cette après-midi se volatilisent. Une à une, les salles de projection des films ferment aussi. Seuls quelques salons de coiffure, équipés de plaques solaires accrochés sur leurs toitures, restent ouverts. Mais ce soir, ces salons ne sont pas animés. «Nous ne pouvons pas allumer des postes de radios ou de télévisions, le courant ne suffit pas», explique Paul, un coiffeur.

Peu à peu, Rugari devient silencieuse. Dans les rues qui traversent la localité, des jeunes adolescents devisent, silencieusement, dans différents coins… Soudain, le vrombissement d’un moteur dans les parages. Le Lycée Rugari vient d’allumer son groupe électrogène pour éclairer les salles de classe. Selon les élèves du lycée, l’éclairage ne durera pas plus de 2 heures. «Généralement, aux environs de 20 h, on éteint le groupe». Cette soirée, toute la zone est plongée dans le noir, hormis quelques ménages qui s’éclairent grâce à l’énergie solaire. Des élèves se dépêchent chez leurs voisins éclairés pour réviser leurs notes.

Et pourtant, tout est là pour éclairer Rugari

Paradoxalement, depuis 2016, tout le matériel électrique nécessaire pour avoir l’électricité de la Regideso est en place. Le chef-lieu de la zone Rugari est en effet traversé par plusieurs poteaux bien plantés. Des dizaines d’autres sont entassés dans plusieurs endroits de la localité, perdus dans des hautes herbes. Certains pourrissent déjà. Un transformateur et des câbles gisent devant un poste de police, dans une herbe fraîche, non loin du Lycée.

Tous les témoignages recueillis à Rugari estiment ce manque d’éclairage incompréhensible. Pour eux, Rugari devrait avoir bénéficié du courant électrique depuis belle lurette. Ils s’en tiennent notamment aux établissements d’intérêt public construits dans ce périmètre. Entre autres des écoles secondaires dont une à régime d’internat, un hôpital, des centres de santé, une paroisse, les domiciles des prêtres, une usine de transformation des jus, etc.

Côme Hakizimana, un ancien administrateur de la commune Muyinga n’en revient pas. Il assure que vers les années 2000, la commune a fait une collecte à hauteur de près de 700 mille BIF auprès de la population, pour la plupart des commerçants. Ces derniers attendent en vain les installations promises.

Selon lui, en 2008, l’espoir renaît. Sur demande du président de la République, la commune appelle ceux qui peuvent s’acheter des compteurs à se faire enregistrer. «Plus de 200 personnes se font inscrire». Cependant, suite à la campagne électorale de 2010, ce projet est relégué aux oubliettes.

Les espoirs suscités par l’arrivée, entre 2016 et 2017, d’abord des pylônes et d’un transformateur, ensuite des câbles électriques, ne vont pas durer. «La population a vite déchanté », dit-il, précisant qu’ «après le dépôt de ce matériel, elle voyait déjà les lumières électriques au-dessus de Rugari.» Les travaux se sont très vite arrêtés sans aucune explication.

Eric (pseudo), un enseignant au Lycée Rugari, se dit outré par les priorités qu’a faites la Regideso. «Notre zone reste non-éclairée malgré la requête soumise depuis longtemps alors même qu’elle se trouve sur le passage de la ligne électrique qui dessert Kobero et Muyinga», déplore-t-il, avant d’ajouter : «Les agents de la Regideso sont probablement corrompus. Car Kobero n’aurait pas été servi avant nous».

Les conséquences sont légion

«Ce manque de l’électricité impacte sur le développement de notre commune». Ainsi déplore Philippe Nkeramihigo, administrateur de la commune Muyinga, dénonçant «la lenteur de la Regideso» au sujet de l’électrification de la zone Rugari. Pour lui, outre les conséquences qu’endurent les habitants, les matériels de la Regideso, eux-mêmes, s’abîment petit à petit.

M. Nkeramihigo soutient avoir soumis la question à la société. Cet administratif affirme ne pas être au courant de la cause à l’origine de la suspension de l’activité des installations. «Nous attendons impatiemment que la Regideso vienne à bout de l’œuvre commencée».

Les habitants de Rugari se plaignent. Juma, directeur de l’Usine de fabrication des jus, Ruga juice, dit que le manque d’électricité plombe la production de son usine. «Toutes les activités à Ruga juice se font manuellement. Que ce soient les presse-fruits, les pasteurisateurs et les capsuleuses, tout est manuel».

Par semaine, l’usine produit 30 casiers, de 24 bouteilles chacun. «D’après les études, avec un presse automatique, cette production serait atteinte en une heure».

La Regideso tranquillise

Le transformateur et les câbles électriques sont déposés dans l’herbe au poste de police depuis 2 ans.

Ce n’est pas tout. Rugari connaît aussi un problème d’eau potable. Un bidon de 20 litres s’achète en effet à 500 BIF. Pour l’eau des pluies, le même bidon coûte 200 BIF. A en croire les propos de Jacques (nom d’emprunt), ce problème d’eau aurait été résolu s’il y avait de l’électricité. «Un bienfaiteur nous a déjà fourni tout le matériel pour le captage d’eau. Il reste l’électricité pour faire fonctionner la motopompe et alimenter notre zone en eau potable».

Un taxi-vélo de cette localité déplore la fatigue qu’il doit supporter quand son vélo a un problème qui exige une soudure. Il doit se rendre au chef-lieu de la province Muyinga (environ 20km). «Si je n’y vais pas, une soudure qui, à Muyinga, me prendrait 3 mille Bif, me coûtera entre 10 et 15 mille. Car ici on utilise des groupes électrogènes».

Egide Nimpagaritse, chef d’antenne de la Regideso à Muyinga, rassure. «Qu’ils soient tranquilles, tout est déjà là. Il y a une équipe qui va être dépêchée de Bujumbura cette même semaine pour terminer les installations. »M. Nimpagaritse estime que les travaux étaient suspendus suite à la restructuration du personnel de la Regideso au niveau national. «Les nouveaux doivent en effet réévaluer la pertinence des projets en cours et établir les priorités».

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