Plus d’une année que s’est érigé un marché dans un cimetière communément appelé Ku Gongone. Commerçants et ceux qui y vont enterrer les leurs s’accordent à dire qu’il importe de réaménager cet endroit pour le respect des morts.
A Ku Gongone, pleurer les siens est devenu un «sacrilège». Certains s’étonnent même de ce déballage d’émotions. Les familles attristées ne veulent qu’une chose : rentrer vite pour laisser exploser leur désarroi. La cause : ce marché qui s’y est érigé. Depuis, le cimetière est tellement bruyant que le recueillement est quasi impossible. Situé derrière le commissariat provincial de Muyinga, à quelques 100 mètres du Stade de football Umuco, ce cimetière s’est quasiment transformé, depuis une année, en centre de négoce réputé de la province. Durant les jours de marché (mardi, jeudi dimanche), vendeurs de charbons de bois, vendeurs de chèvres, vendeurs de boissons alcoolisées communément appelées Imigorigori, etc s’y côtoient. Sans oublier ces restaurants aux cabanes délabrées. Un véritable capharnaüm.
Mardi 4 juin, il est 10h. En cette matinée qui coïncide avec la fin du mois de Ramadhan. Tout le monde marche d’un pas pressé. Ils convergent vers le marché de Ku Gongone. Dans cette province dont la population est à forte dominance musulmane, tous veulent acheter une chèvre pour la fête. Arrivé là-bas, l’endroit est un bazar sans nom.
Outre les gens qui jouent des coudes pour acheter de la viande de bonne qualité, ce sont les enfants qui jouent au-dessus des tombes. « C’est la fête, il n’y pas d’échappatoire, à tout prix nous devons acheter pour partager avec la famille et les amis », lance Hassan, barbu, la trentaine. Venu de Mwakiro, Vénant confie qu’il n’y a pas de charbon qui s’achète mieux que Ku Gongone. « En plus, il est de bonne qualité ».
Tout d’un coup, c’est le silence. Une vingtaine de gens vient préparer les funérailles d’un des leurs. Mine renfrognée, certains se tenant à peine debout. Alors qu’elles tentent de se frayer un chemin, une personne en train de siroter une bière dans une cabane lâche : « Qu’il repose en paix, nous sommes les suivants ». A cet instant, c’est la stupeur mêlée de faux rires. « C’est notre quotidien ! », glisse Hassan, désolé, vendeur de charbon. A peine arrivée devant la fosse, le brouhaha du marché reprend.
Erigé pour sauver les apparences
Choisi parmi les stades hôtes de la Coupe de la Cecafa des moins de 17 ans, le Stade Umuco (de Muyinga) devait se conformer aux normes de la Confédération africaine de Football (CAF). A ce moment, tous les vendeurs de charbon, de manioc exerçant leurs activités derrière ledit stade sont sommés de vider les lieux. «Soucieuses de rendre accessible toutes les portes du stade, les autorités communales sont venues nous dire que nous devons quitter les lieux pour être installés dans un autre endroit», indique Uwitonze, vendeuse de l’Umugorigori. Finalement, ils seront délocalisés vers le cimetière.
D’après l’administration locale, une délocalisation de quelques jours, sauf que bientôt deux ans vont s’écouler. A l’unisson, Les commerçants disent qu’ils aimeraient aller travailler dans une autre place. « Vous savez, la mort, c’est sacrée .Mais, faute, d’une autre alternative, nous sommes contraints d’y rester ». Avant de se raviser: « Comme ce commerce est notre gagne-pain, nous attendons ».
Ramazani, jeune instituteur, quoi que dubitatif sur la volonté de l’administration, suggère : « Si l’administration n’a pas où les mettre, elle n’a qu’à carrément construire une clôture séparant le cimetière du marché ». Ainsi ceux qui enterrent les leurs, explique-t-il, pourraient le faire en toute intimité.
« Une question de quelques jours », tempère Laurent Kayumba, conseiller en charge du développement de l’administrateur communal. Il fait savoir que d’ici quelques jours ce marché sera délocalisé à Mukoni. Et de conclure:« Il ne reste que la Regideso alimente la localité en électricité ».