La plupart des commerçants exerçant au marché de Muyinga n’enregistrent pas les entrées et les sorties de leurs marchandises. Ils réclament plus de sensibilisation auprès de l’OBR sur la tenue d’une comptabilité régulière.
« Comment est-ce que je peux enregistrer les entrées et les sorties pour un chiffre d’affaires qui n’atteint même pas dix millions », se demande Muhamed Majambere, un commerçant rencontré au marché de Muyinga. Toutefois, il reconnaît l’importance de tenir une comptabilité régulière : « Les agents de l’OBR m’imposent forfaitairement. Je ne sais pas si les impôts que je paie sont équivalents à mon chiffre d’affaires. »
Même son de cloche chez Colette Nahimana, une vendeuse d’articles divers. Elle fait savoir que pendant plus de cinq ans d’activités commerciales, elle n’a jamais enregistré les entrées et les sorties de ces marchandises.
Quant à B. Bikorimana, un assujetti rencontré à Muyinga, il tient une comptabilité régulière : « Suite à la conservation rigoureuse de mes factures, les agents de l’OBR ont constaté que je ne suis plus sur la liste de ceux qui payent les impôts forfaitaires. J’avais atteint le seuil d’un assujetti, sans le savoir ».
Pour lui, tenir une comptabilité régulière permet le payement d’une juste valeur des revenus. Par ailleurs, poursuit-il, il ne perd rien s’il paie la TVA, car elle est déductible.
« La majorité des commerçants sont illettrés »
Pour Khalid Hakim, le représentant des commerçants exerçant au marché de Muyinga, la plupart d’entre eux ne sauront jamais qu’ils sont tombés en faillite car ils ne tiennent pas une comptabilité régulière. « La majorité de nos commerçants sont illettrés. Difficile d’en trouver un qui enregistre les entrées et les sorties de ses marchandises. »
D’après lui, la sensibilisation sur la tenue d’une comptabilité régulière s’avère nécessaire. « Il y a des associations qui essaient de faire de leur mieux, mais elles atteignent une minorité de commerçants. » Et d’ajouter : « Les commerçants ne sauront jamais si les agents de l’OBR leur imposent la juste valeur de leurs revenus ».
Selon Godefroid Barankeza, un comptable indépendant, deux alternatives sont possibles. Premièrement, quand un contribuable contracte un crédit, il lui sera difficile de connaître sa ligne de crédit car il n’enregistre pas les entrées et les sorties. Deuxièmement, il remarque que le système de vérification devient difficile pour un contribuable qui n’a pas tenu régulièrement sa comptabilité. « S’il n’a pas conservé soigneusement les pièces justificatives, il risque d’être imposé d’office par l’OBR. Et de là, il y a des pénalités qui s’en suivent. »
Du reste, il explique que si un tel contribuable engage un comptable, il ne peut pas certifier sa comptabilité car il ne possède aucune pièce justificative. Et de conclure : « Le gouvernement via l’OBR devrait mettre en place un service chargé de sensibiliser les contribuables sur la nécessité de tenir une comptabilité régulière. »
Eclairage de l’OBR
« La tenue d’une comptabilité régulière est une obligation ». Cette mise au point est de Fulgence Nizigama, directeur du bureau des grands contribuables à l’OBR. S’appuyant sur le cadre légal, il soutient que le législateur n’a pas laissé de marge de manœuvre pour l’option d’un manque de comptabilité.
M. Nizigama évoque d’abord la loi du 24 janvier 2013 relative aux impôts sur le revenu. L’article 40, indique-t-il, dispose qu’une entreprise qui a plus de 24 millions de chiffre d’affaires annuel doit tenir une comptabilité. Entre 24 et 100 millions de chiffre d’affaires, l’entreprise doit tenir au moins une comptabilité simplifiée. Pour plus d’un million, elle doit tenir une comptabilité complète.
Il indique aussi que l’article 42 dispose que pendant le premier exercice fiscal d’une entreprise, le commerçant doit tenir au moins une comptabilité simple pour suivre ses activités d’affaires.
Le Code des investissements parle aussi de l’obligation de tenir une comptabilité régulière. Dans son article 24, il est stipulé que tout commerçant doit tenir une comptabilité régulière qui fait état de ses opérations commerciales et de sa situation de fortune conformément au plan comptable national.
La tenue d’une comptabilité régulière est aussi une nécessité
D’abord, explique M. Nizigama, elle permet à l’entreprise de suivre ses activités sur une base journalière. Elle lui permet aussi de suivre l’état de son patrimoine en ayant une vue régulière sur ses inventaires, sur l’état de ses actifs et de ses passifs. Enfin, elle permet de bien communiquer avec l’administration fiscale. En effet, lors d’un contrôle fiscal, un des documents demandé est le registre comptable.
Il souligne qu’en cas d’absence de livres bien tenus, l’administration fiscale est en droit d’opérer des redressements fiscaux en procédant par l’imposition d’office. Cette méthode de contrôle procède par une estimation des bénéfices d’affaires imposables. « Cela peut se faire au détriment du contribuable », fait remarquer M. Nizigama.