Manque de terres arables, faim, désœuvrement, isolement… Le quotidien des Batwa de la Rutoke, commune et province Muyinga. Ils crient au secours.
Parler de Muyinga, on pense directement à l’or, à ces hôtels, ces villas, … qui poussent comme des champignons au Chef-lieu lieu provincial, avec son commerce florissant, ce trafic intense, ces poids lourds venant de Tanzanie.
Néanmoins, à 18 km de ce centre dynamique, vers Kobero, des personnes meurent de faim, d’autres survivent dans des conditions presqu’inhumaines.
Nous sommes à la communauté Twa de Rutoke. 40 ménages de Batwa y sont installés, depuis des années. La misère, la malnutrition, la faim … se lisent sur leurs visages.
Lundi 16 septembre, 9h. Alors que les autres enfants du coin ont repris le chemin de l’école, là, des petits enfants twa grouillent. Ventres ballonnés, cheveux jaunissants …, il est facile de distinguer les filles des garçons. La plupart sont en costumes d’Adam ou à moitié nus.
Entouré par des grandes plantations d’eucalyptus et un cimetière, le site se trouve à environ à 1km de la route Muyinga-Kobero (RN6), à droite. Ces oubliés se partagent une propriété d’un hectare.
Une vie misérable et en promiscuité. Une petite hutte circulaire de moins d’un mètre de rayon, et de 2 mètres de hauteur, abrite tout un ménage. Des bébés, des enfants, des adolescents, des hommes et des femmes.
« Que voulez-vous qu’on fasse ? Nous vivons comme des animaux indépendamment de notre volonté », lâche Bamporipoze, la soixantaine, ses joues rongées par les années. Mi- chauve, édenté, cet homme peine à décrire leur calvaire. « Moi, j’ai dix enfants, dont deux jumeaux de moins de trois mois. C’est dans ce trou que nous passons la nuit.»
Faite exclusivement en paille, un petit ruban sert de portes. Au milieu, l’’iziko’’, le foyer familial. Deux troncs de bananiers servent de ‘’chaises’’.
« En cas de pluie, c’est l’alerte générale. Tout le monde se réveille et on s’abrite en dessous des bananiers », décrit cet homme, habillé en culotte kaki usé. Depuis la naissance de ses jumeaux, il n’a jamais reçu aucune assistance. « Seul le Chef de colline m’apporte souvent à manger ».
Kami, une veuve Twa signale que pour survivre, ils exécutent des travaux champêtres chez des particuliers. « Par jour, ils nous paient 1500BIF. J’achète 1kg de haricot, à 900BIF. Le reste c’est pour ½ kg de farine de manioc et un peu d’huile ».
56 ans et mère de sept enfants, elle affirme que sa famille dort souvent le ventre creux. C’est d’ailleurs à cause de la faim et des maladies que ses trois enfants ont abandonné l’école. « J’ai été malade pendant plusieurs mois. Et comme je ne pouvais pas aller travailler, mes enfants ne trouvaient pas quoi mettre sous la dent. Leur seul choix était d’abandonner. »
Cette maman est remontée contre les associations telles Uniproba. « Je ne les ai jamais vues ici. Elles ne se soucient pas de nous, et savent bien que nous vivons dans des trous comme des rats. Elles ne visent que leurs intérêts ».
Idem pour une autre maman Twa. D’une voix tremblotante, cette veuve regrette la mort de ses trois enfants victimes de paludisme. « Je n’ai pas été capable de faire soigner mes enfants. Je suis seule. Je n’ai plus de force pour travailler et je n’ai rien. Je n’attends que la mort.»
Uniproba se justifie
« Toutes ces lamentations sont fondées. Nous sommes au courant qu’ils vivent dans des conditions déplorables », réagit Emmanuel Nengo, président de l’Unissons-nous pour la promotion des Batwa (Uniproba).
De façon globale, il reconnaît que les Batwa n’ont pas de terres cultivables, d’habitations décentes, l’accès aux soins de santé, … « Leurs enfants fréquentent rarement l’école. Ce qui freine leur développement social ».
Réagissant sur les accusations formulées contre l’Uniproba, il indique que les Batwa ont une mauvaise image de cette association. « Ils sont convaincus que l’Uniproba est capable de répondre à toutes leurs préoccupations. Or, c’est au gouvernement d’y apporter des solutions ».
Cet ancien député de l’East African legislative Aassembly (EALA) trouve injuste de refuser aux Batwa l’accès à l’argile pour fabriquer des pots. « C’est leur culture. C’est le métier auquel ils sont habitués. Si on leur empêche la poterie il faut trouver une alternative, leur donner des terres et permettre à leurs enfants de faire des études.»
Et d’interpeller le gouvernement pour mettre une attention particulière aux défis des Batwa. « L’Uniproba n’y peut rien. Nous ne pouvons qu’alerter. »
Les autorités compatissent
« Ils sont vraiment très malheureux. 40 ménages sur une terre de moins d’un hectare, c’est déplorable », reconnaît Désiré Myandagaro, Chef de colline Rutoke. Dans ces conditions, il leur est impossible de vivre de l’agriculture. Or, déplore-t-il, sans argent pour acheter de l’argile, la poterie n’est plus possible.
Cet administratif à la base affirme que cette communauté n’a jamais bénéficié d’assistance en tôles, en nourritures ou en ustensiles de cuisine. « Suite à l’exigüité de cette propriété, il est même difficile d’y construire des maisons spacieuses et en dur. Avec la saison pluvieuse, M. Myandagaro craint pour leur santé. « Ils n’ont pas de lieux d’aisance. Ce qui peut causer des maladies de mains sales ».
Pour lui, la priorité serait de les déplacer vers une autre propriété et leur construire des habitations décentes.
Le gouvernement est au courant des malheurs des Batwa. « Nous sommes en train de mener une réflexion pour répondre à leurs revendications », a tranquillisé Réverien Simbarakiye, directeur général de la réintégration des sinistrés au ministère en chargé de la Solidarité nationale. Ces préoccupations sont liées au logement, à l’accès à la terre, à la scolarisation de leurs enfants, les soins de santé, etc. « Nous leur demandons d’être patients. Nous sommes à l’œuvre.»