Les caféiculteurs de Muyinga n’ont pas confiance en leurs nouveaux patrons des stations de lavage. Les employés exigent de signer des contrats. L’un des responsables de ces stations tranquillise.
<doc4229|right>« Je ne peux pas vendre mon café à de gens en qui je n’ai pas confiance », affirme une habitante de la sous-colline Nyamaso, en commune Muyinga. Pour elle, le fait que le prix du café au kg a chuté de près de 200 Fbu (passant de 630 Fbu à 465 Fbu le kg), il y a quatre mois, est de mauvaise augure. « Je vais moi-même traiter mon café à la maison et je le vendrai par la suite aux commerçants», indique-t-elle. Elle préfère avoir affaire aux commerçants, même s’ils achètent moins chers que le prix officiel : « Vaut mieux gagner peu, mais de manière transparente. »
Un autre habitant, un quinquagénaire, a déjà remplacé certains de ses champs de caféiers par des bananiers et des haricots : « J’ai constaté qu’il est inutile de continuer à me fatiguer pour une somme dérisoire. » Pour lui, au bout de deux ans, il n’aura plus de champs de caféiers, une culture dont il ne tire plus profit.
Un de ses voisins, à son tour, entretient encore ses champs pour une seule raison : « Je crains que l’administration ne me sanctionne, sinon je n’entretiendrais plus mes champs de caféier. » Il estime, lui aussi, inutile de persister à entretenir le café qui ne parvient plus, comme dans le passé, à nourrir convenablement sa famille : « C’est regrettable qu’un kg de café coûte moins qu’un demi-kilo de haricot ! » Ce qui inquiète ce paysan, c’est que même des députés qui devaient plaider pour les citoyens sont parmi les acheteurs de ces stations de lavage. « Comment vont-ils plaider pour nous, alors qu’ils cherchent à gagner coûte que coûte ? », s’interroge-t-il.
« Nous recevons une petite quantité de café »
Gamaliel Bizimana est chef d’usine, à Nyamaso, de la Misago Coffee Washing Station (MICOSTA), appartenant au député Sébastien Misago. Les quantités de café achetées ont sensiblement chutées par rapport au moment où les stations de lavage appartenaient encore aux Sogestals, explique M. Bizimana. Et de préciser : « Sur 200 tables de séchage qui étaient saturées, il y a une année, seules 84 sont couvertes, aujourd’hui. » La cause, selon lui, est que la population a toujours peur des privés. « Ils ont l’expérience d’une société qui n’a pas honoré ses engagements à Kayanza et Ngozi, où elle venait d’acheter 13 stations de lavage », indique-t-il.
D’après lui, les caféiculteurs préfèrent vendre leurs cerises aux commerçants, même à moindre coût, après les avoir transformés chez eux (café washed).
Il souligne aussi que l’encadrement des caféiculteurs est au point mort. « La plupart des citoyens plantent des bananerais ou des haricots à l’intérieur des champs de caféiers. Ce qui ralentit la croissance du café », signale-t-il. Pour lui, le café d’aujourd’hui a un goût de pomme suite au mauvais entretien.
Les employés de Micosta sont aussi mécontents, car ils n’ont pas encore signé de contrat avec les nouveaux propriétaires des stations de lavage. Ils craignent qu’après deux ans, ils seront chassés, conformément aux clauses entre l’Etat et les nouveaux acquéreurs des stations de lavage.
« Que les caféiculteurs et employés soient tranquilles »
Rosalie Nzeyimana (épouse de Sébastien Misago) est chargée des opérations chez Micosta. Pour elle, tous ceux qui les taxent de tous les maux veulent saboter leurs activités. Rosalie Nzeyimana estime qu’il est plus que nécessaire d’encadrer les caféiculteurs pour la bonne qualité de café. D’où, selon elle, la nécessité pour l’Etat de jouer son rôle de régulateur.
Pour les caféiculteurs qui craignent de ne pas être régulièrement payés, Mme Nzeyimana ne mâche pas ses mots : « Ceux qui le disent ne sont même pas nos clients. » Le 30 juin, explique-t-elle, je vais vendre mon café et après, les caféiculteurs auront leur dû.
Rosalie Nzeyimana demande avec insistance au gouvernement de ne plus cautionner la vente de café aux commerçants qui n’ont aucune expérience dans ce domaine : « C’est l’origine de la perte de la qualité du café. » Ceux qui traitent le café de manière industrielle, selon elle, font la flottaison (on met de l’eau, le café pourri et ce qui constitue des déchets reste au-dessus et ne sera pas transformé.) Elle demande également à l’Etat d’imposer de l’ordre dans la filière café. Mme Nzeyimana préfère garder une petite quantité mais de bonne qualité.
La chargée des opérations chez Micosta informe que les lenteurs administratives sont la cause du retard des signatures de contrat de leurs employés, qui travaillaient auparavant pour les Sogestals. « Nous leur demandons de nous transférer les dossiers de ces travailleurs, mais ils ne nous les remettent pas. » Et de rassurer qu’après deux ans de service, ceux qui se seront bien comportés garderont leurs emplois.