Il fait déjà plus de quatre mois que Élisabeth Ndihokubwayo et Violette Bigirimana, apprennent la soudure au Centre d’enseignement de métiers de Ruzo, (CEM Ruzo), commune Giteranyi, province Muyinga, une filière d’habitude exclusivement masculine. « Pas de métier réservé aux hommes seulement », contestent les deux futures soudeuses.
Lunette de protection, bouche oreille, bottines, … les deux jeunes filles sont prêtes à défier les garçons. Dans l’atelier du C.E.M Ruzo, elles attirent la curiosité des visiteurs. « Venez voir, il y a des filles. C’est vraiment la première. C’est courageux », murmurent entre eux, des hommes rencontrés dans les enceintes de ce centre.
Comme leurs confrères, elles portent aussi des gants pour la protection de leurs mains. Onesphore Nkunzimana, électricien-soudeur est leur formateur. Avant de passer à la pratique, la théorie d’abord. Et les deux braves filles sont très curieuses, éveillées. Elles n’arrêtent pas de lever le doigt pour demander des éclaircissements sur une telle ou telle autre notion. Elles ne veulent pas que quelque chose les échappe.
Après la théorie, vient alors la pratique. Et suite au manque d’électricité, on fait recours au groupe électrogène. Catherine s’occupe de la perforeuse. C’est dans un laps de temps qu’elle accomplit la tâche. « Il suffit de s’y mettre et d’y croire. Le reste devient facile », confie, cette jeune fille, 22 ans. Elle ne cache pas sa fierté d’apprendre ce métier : « Vraiment, j’ai été très contente. Quand je suis arrivée, j’ai passé toute une semaine étant la seule fille en train d’apprendre la soudure. Mais cela ne m’a pas découragé, je suis resté convaincu que même d’autres filles vont me rejoindre. »
Native de la colline Bugoma, zone Ruzo, cette jeune fille d’une fratrie de neuf enfants dit que même ses parents l’encouragent. Et la rareté des soudeurs dans sa région lui a servi de motivation : « Ce qui m’a poussé d’apprendre la soudure, c’est qu’ici chez nous, les soudeurs sont moins nombreux. Même nous qui sommes en train de l’apprendre, sommes moins nombreux. C’est pourquoi je l’ai choisi. Car, les couturières sont nombreuses. Et j’ai opté pour ce métier. »
Elle apprécie d’ailleurs qu’une autre fille l’a rejoint dans cette filière. Il s’agit de Violette Bigirimana, native de la colline Murama, zone Tura. Elle, la benjamine d’une famille de neuf enfants a décidé d’apprendre la soudure après avoir constaté que les soudeurs existent dans sa région sont moins performants. « Ils fabriquent des petites choses, moins exigeantes en termes de technicité. Mais, je pense qu’après la formation, je pourrai fabriquer par exemple des portes métalliques. »
Et des défis ne manquent pas. Mlle Bigirimana signale que certaines personnes tentent de les décourager en décrivant les soudeurs comme des fumeurs de tabac, des soulards, etc. « Ce sont des préjugés. Il y a des soudeurs qui ne boivent même pas, qui sont riches. Moi, ce qui m’intéresse, c’est d’avoir un métier original pour les filles et qui me fera vivre. »
Les deux filles sont convaincues qu’après la formation, elles vont gagner leur vie. « Moi, je compte installer mon propre atelier de soudure. Et là, je pourrai donner du travail, développer ma famille. Et là, j’aurai montré que la soudure n’est pas un métier des garçons seulement », confie Violette Bigirimana, 22 ans.
Elle demande seulement qu’on l’aide pour avoir un petit capital pour démarrer ses activités une fois la formation terminée. Idem pour Élisabeth Ndihokubwayo. Elles remercient beaucoup le projet Rusumo pour l’installation dudit centre. Avant, il n’y avait qu’un petit centre où on enseignait seulement la couture, confie Mlle Ndihokubwayo.
C.E.M Ruzo, quid ?
Construit par la Banque Mondiale dans le cadre du projet hydroélectrique régional Rusumo Falls sous la supervision de l’Unité de coordination du Projet d’Interconnexion Électrique des Pays des Lacs Équatoriaux du Nil (NELSAP-CU), le centre d’enseignement des métiers de Ruzo (C.E.M Ruzo) a été inauguré en 2022.
Le coût de construction étant de 223.224 dollars américains tandis que les équipements ont coûté plus de 140 mille dollars américains selon les chiffres fournis par Épimaque Murengerantwari, le Coordinateur du projet Local Area Development Plan (LADP). Il dispose trois salles de formation, des ateliers, un bloc administratif, etc.
Réverien Ndaribitse, directeur de ce Centre indique qu’il compte aujourd’hui trois filières : la couture, T.A.A (transformation agro-alimentaire) et la soudure. En tout, il y a actuellement 45 apprenants dont 30 dans la couture, 10 dans la soudure et 5 en T.A.A qui se focalise actuellement à la boulangerie et pâtisserie. D’après M. Ndaribitse, parmi les 30 apprenants de la couture, il n’y a seulement que deux garçons.
53 jeunes ont été formés l’année passée et certains ont déjà trouvé de l’emploi ou débuté leurs propres activités. C’est par exemple le cas d’Imelde Bitangimana, une couturière de Ruzo. Cette femme, la vingtaine a appris la couture à ce centre, étant mariée. « En fait, j’avais déjà terminé l’école secondaire. Mais, je n’avais pas pu trouver de l’emploi. Et quand le centre a été installé sur notre colline, je me suis directement fait inscrire. »
Aujourd’hui, elle affirme qu’elle ne peut pas manquer de l’argent dans sa poche. Ce qui lui permet de contribuer à cette mère de deux enfants de contribuer au développement de la famille. « Actuellement, même mon époux me donne de valeur parce que je ne suis plus totalement dépendante », témoigne-t-elle.
Malgré des infrastructures toutes neuves, le centre n’est pas alimenté en électricité. Ce qui handicape son fonctionnement, déplore M. Ndaribitse. Il signale que suite à ce problème, certains matériels ne sont pas utilisés. Car, ils exigent de l’électricité. Pour offrir un service minimum, on utilise des groupes électrogènes nécessitant du carburant. Le directeur du C.E.M demande que ce centre soit rapidement alimenté en électricité.