Mardi 05 novembre 2024

Politique

Muyinga: après une accalmie, l’intolérance politique revient au galop

31/01/2020 Commentaires fermés sur Muyinga: après une accalmie, l’intolérance politique revient au galop
Muyinga: après une accalmie, l’intolérance politique revient au galop
Gervais Ndikumana, l’une des victimes de l’attaque de Buhinyuza

Plusieurs militants du CNL de la province Muyinga ont été tabassés, attaqués par des Imbonerakure selon eux, dans la semaine du 13 janvier. Les attaques ont été généralisées, samedi 18 janvier, dans plusieurs communes de cette province. Des responsables du CNL redoutent des attaques commanditées. Iwacu s’est rendu dans les communes Buhinyuza et Gasorwe.

Au bout de la route menant vers le centre communal de Buhinyuza, à une quinzaine de kilomètres  du chef-lieu provincial de Muyinga, un petit village sur la colline Muramba, celui de la famille Ciza. Autour d’une vingtaine de maisonnettes, toutes en briques adobe, la plupart en tôles.

Après huit échecs de tentative de location de maison qui tiendrait lieu de permanence communale du CNL à Buhinyuza, Stany Ndikumana, un membre du CNL de Muramba, a décidé de céder un lopin de terre pour la construction de cette permanence dans la propriété héritée de Ciza, son père. «A chaque fois, des Imbonerakure menaçait celui qui voulait nous faire louer et, terrorisé, il revenait sur sa décision», dénonce un responsable local du CNL.

Mais à peine les murs sont-ils érigés que des inconnus sont venus dans la nuit  du 14 au 15 janvier et en ont démoli deux. Lundi 27 janvier, bien que les murs aient été réhabilités, les restes des briques des murs démolis s’entassent toujours par terre. Quand Iwacu y arrive, plusieurs membres de la famille Ciza  sont rassemblés non loin de la petite construction non encore achevée. Mais ce dont ils se souviennent le plus, c’est l’attaque et la terreur au soir du lendemain de la destruction.

De la démolition au passage à tabac

Surpris par cette destruction dans la matinée du mercredi 15 janvier, les militants du CNL ont décidé de réhabiliter au plus vite leur permanence. «Ils  veulent l’inaugurer au plus tôt». Déterminés, ils ont remonté les deux murs durant la seule journée. Néanmoins, inquiets, ils ont convenu de la garder, pour la protéger contre une nouvelle démolition. Chaque nuit, un groupe de 5 Inyankamugayo devaient assurer la garde.

Le premier groupe assure la ronde dès la soirée de ce mercredi. Au milieu de la nuit, une attaque les surprend. «Nous avons entendu des hurlements. Ils criaient au secours». Impossible de secourir. Les assaillants avaient bien planifié leur attaque. «Chaque habitation de la localité avait été encerclée. Personne ne pouvait sortir. Quand j’ai tenté, j’ai failli me faire égorger par deux hommes qui étaient devant ma porte, machettes à la main», raconte un petit-fils de Ciza.  

Les victimes attendront en vain les secours. D’abord prêts à se défendre, ils sont dissuadés par l’effectif des agresseurs. Gervais Ndikumana, l’un des gardes de ce jour-là, témoigne : «Nous étions 5 contre plus d’une cinquantaine, tous munis de gourdins, de machettes. »

L’attaque a eu lieu alors que les Inyankamugayo gardaient cette permanence communale encore en construction.

Les Inyankamugayo ont ainsi décidé de prendre le large. Ils ne réussiront pas tous. Leurs poursuivants parviennent à attraper Méthode Nkunzimana et Gervais Ndikumana. «Je me suis un peu battu avec eux », se rappelle Gervais.  Ce lundi 27 janvier, les deux victimes portent toujours les stigmates des affrontements. Des blessures qui peinent à se cicatriser au niveau des bras, de la tête, des jambes, etc. Au moment du passage à tabac ils reconnaîtront certains de leurs agresseurs. Entre autres Claude Nduwumuhezagiro (président des Imbonerakure à Muramba), Selemani Cishahayo, Jérémie Habimana, Déo Ntirampeba, Zéphyrin Ngomanziza,  un surnommé Mutama et un certain Nzigamasabo, tous des Imbonerakure de la colline Muramba. «Ils étaient très nombreux, nous n’avons pu les reconnaître tous. La plupart n’étaient pas de notre colline », souligne Gervais.

Bloqué dans sa fuite, Stany Ndikumana affirme s’être battu avec l’un des agresseurs qui disposait d’un fusil, avant de s’enfuir. «Il était vêtu d’uniforme policier avec un béret sans insigne. J’ai essayé en vain de lui prendre son fusil ».

Arrêtés et libérés sans délai

Le lendemain, les victimes ont porté plainte. Un officier de police judiciaire à Buhinyuza, un certain Abel, a arrêté Selemani Cishahayo et Zéphyrin Ngomanziza. Ce premier sera libéré le même jour.  A son tour, Ngomanziza est relâché mardi 21 janvier avec Claude Nduwumuhezagiro, interpellé, dans l’entretemps, après la libération de Cishahayo.

Interrogé, cet OPJ s’est refusé à tout commentaire. Néanmoins, les victimes affirment qu’il leur a confié avoir « cédé à la pression d’en haut ». Pour sa part, Selemani Cishahayo rejette en bloc les accusations : «Aucun Imbonerakure n’a été à cet endroit durant cette nuit. Je suis parmi les représentants, je l’aurai su.» Cet Imbonerakure estime que ceux qui l’accusent ont une dent contre lui. «Ces diffamations sont pour eux une façon de chercher des voix. Ils savent que si je suis là, ils ne pourront jamais trouver de militants».

Ces Inyankamugayo disent vivre dans la peur. Surtout après la libération de leurs bourreaux. « Certains ont juré de nous éliminer pour les avoir faits emprisonner. Ils disent que l’attaque récente  n’était qu’un avertissement».  Quoique des rumeurs sur une nouvelle démolition de la permanence circulent à Muramba, aucun n’ose plus faire la garde. «Nous nous sommes convenus d’arrêter les rondes. Mais chacun parmi nous peut passer à n’importe quel moment pour surveiller ».

Dans tous les cas, Balthazar Manirakiza, le président du Cndd-Fdd en commune Buhinyuza, est pointé du doigt comme l’instigateur de toutes ces agressions. Iwacu a cherché M. Manirakiza, sans succès.

Les militants du CNL de Buhinyuza demandent qu’il y ait un dialogue permanent entre leurs représentants aux niveaux provincial et national et ceux du Cndd-Fdd pour qu’il y ait une cohabitation pacifique entre leurs militants.

D’autres Inyankamugayo tabassés à Gasorwe

Eusèbe Tumusenge est entré en clandestinité après avoir été tabassé par des Imbonerakure.

Les familles et les proches d’Eusèbe Tumusenge et Remy Coyitungiye, respectivement représentants de la section jeunesse dans la commune Gasorwe et sur la colline Bihogo, sont dans le désarroi, depuis samedi 18 janvier. Ils disent craindre pour la vie d’Eusèbe Tumusenge, introuvable depuis ce jour.

Ce samedi, au cours d’une conversation avec d’autres jeunes, pour la plupart du CNL, Remy Coyitungiye s’est vu soudain attaquer par Salathiel Harogintore alias Mutama, vice-président des Imbonerakure à Bihogo et Méthode, président à Buringa, toutes des collines de la commune Gasorwe. «Ils l’ont obligé de vider les lieux, lui expliquant qu’ils ne veulent pas de lui à ce centre ». Loin d’obtempérer, Remy Coyitungiye a engagé des discussions. De quoi énerver ces Imbonerakure.

Selon les témoignages, Eusèbe Tumusenge arrive sur les lieux quand son co-partisan reçoit le premier coup de pied. «Il a encaissé sans broncher». Eusèbe Tumusenge lui conseillé de quitter l’endroit pour sauver sa vie. Ils ont pris le chemin de retour chez eux. Ils habitent la même localité.  Mais à peine ont-ils fait 300m que les deux Imbonerakure, accompagnés de plusieurs autres, les ont rattrapés. Remy Tumusenge a pris les jambes à son cou. Il reviendra à Bihogo, trois jours plus tard.

Dans l’entretemps, Eusèbe n’a pas pu s’enfuir. Il a à peine eu le temps de crier au secours, avant de se retrouver par terre. «Il a été battu sans ménagement».  Sa tête présente aujourd’hui une grande blessure avec des sutures au niveau de l’oreille droite.

Des secours sont rapidement intervenus dans la foulée de ce passage à tabac. Selon des témoignages, Salathiel, l’un des agresseurs, a été blessé par ces personnes venues porter secours à la victime. Le temps pour Eusèbe de prendre fuite. Eusèbe Tumusenge est entré en clandestinité depuis. «Des Imbonerakure jurent de se venger aussitôt sera qu’il sera appréhendé. C’est pour cela qu’il n’ose plus revenir ici », confie une jeune femme de la colline Bihogo.

Interrogé à ce propos, Salathiel Harogintore explose de colère : «Vous êtes malade ou quoi?!» Il soutient plutôt avoir été attaqué, sans plus de commentaires.

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