L’administrateur de la commune Musongati, province Rutana, a été clair : aucune femme dans un bar ou au marché au-delà de 19h sans son mari. Les femmes se révoltent, les hommes exultent.
« Certaines femmes s’enivrent, commettent l’adultère et déstabilisent ainsi leurs foyers… » C’est le motif évoqué par l’administrateur de la commune Musongati, Jean-Damascène Arakaza, dans son communiqué du 6 mai dernier. L’administrateur affirme que ces femmes « indignes » sont connues sur toutes les collines.
Musongati, au fin fond de la province Rutana, l’on ne parle que de cette mesure. Bistrots, marchés, dans la rue… la décision de l’administrateur suscite un débat houleux.
Il est 14h, lundi 13 mai. Sous un soleil de plomb, plusieurs bistrots se suivent le long du petit centre de cette commune. L’heure est aux grillades de chèvre et la bière de banane. L’un de ces bistrots est déjà bondé. La bière de banane est leur préférée apparemment.
Là, une trentaine d’hommes et à peine trois femmes forment des groupes autour de récipients pleins de bière de banane. Rires, causeries, chamailleries… l’atmosphère est bon enfant. Le sujet principal : la mesure de l’administrateur qui interdit aux filles et femmes de sortir au-delà de 19h.
« Laissez-moi déguster tranquillement ma bière avant le couvre-feu », ironise une jeune femme avec un fou rire, son nourrisson dans les bras, avant d’engloutir sa bière. Interrogée, cette dernière ne mâche pas ses mots : « C’est une mesure absurde ! Une vraie discrimination contre les femmes. Nombreux sont les hommes qui s’enivrent, rentrent tard et battent leurs épouses. Ne méritent-ils pas d’être punis ? »
Même son de cloche chez une cheffe collinaire. « Nous ne sommes pas des enfants. Nous savons nous contrôler. Elle admet, toutefois, que sur sa colline, certaines femmes sont des piliers de bistrot qui affichent un mauvais comportement.
Jubilation chez les hommes
Sur la colline Nyabitsindu, centre Gisuriro, le débat est le même. La plupart des femmes rencontrées s’indignent contre cette décision. Mais certaines d’entre elles l’accueillent à bras ouverts : « C’est honteux de voir une femme qui se trimballe dans la rue le soir, ivre ». Une jeune femme agent communautaire pointe du doigt quelques mères « connues » qui affichent un mauvais comportement.
« Vive l’administrateur ! » La plupart des hommes de la commune Musongati jubilent. Pour eux, il était grand temps. Depuis plusieurs années, Jean Ntamavukiro ne partage plus le même lit avec sa femme. Pomme de discorde ? Son épouse est un pilier de bistrot. « Cette décision va peut-être sauver notre couple ».
Un policier affecté au poste de Musongati affirme qu’il était grand temps de restaurer les bonnes mœurs dans cette commune. Pendant la patrouille, confie-t-il, à 21h-22h, il m’arrive quelquefois de tomber sur une femme mariée avec un autre homme dans la rue. Dans le noir. « Est-ce normal ? »
Cependant, ce policier affirme qu’une telle mesure devrait émaner du ministère de l’Intérieur ou de la Sécurité publique pour que la police puisse l’exécuter.
Signalons que la mesure de couvre-feu à l’endroit de certaines catégories de personnes tend à se généraliser dans les communes. Au mois de mars, l’administrateur de la commune Muyinga a interdit aux filles de se balader le soir. Même chose pour la commune Nyabiraba, à Bujumbura rural, il y a quelques mois.