Le phénomène des grossesses dans la direction scolaire de Musigati est très alarmant. Parents et responsables scolaires se rejettent la responsabilité. Les activistes des droits humains dénoncent l’impunité des présumés auteurs comme facteur aggravant.
Sur plus d’une quarantaine de filles ayant subi le test de grosses, 10 filles se sont révélées positives, selon Abel Ndihokubwayo, directeur du lycée technique communal de Nyamugerera, en commune Musigati, province Bubanza. Des proportions inquiétantes, indique ce responsable scolaire. Les dix filles et un garçon, présumé auteur, ont été renvoyés définitivement de l’école en application du règlement scolaire, précise-t-il. Quatre filles ont été également renvoyées pour la même raison au lycée communal de Musigati.
Interrogé sur les causes, ce responsable scolaire évoque la méconduite de certaines filles. En outre, il épingle le relâchement de l’autorité parentale : « Il y a un manque de communication entre les parents et leurs enfants sur la question de la sexualité, un sujet considéré comme tabou.»
Il y a, ajoute-t-il, un mauvais exemple donné par les parents ou l’entourage. Il juge cette situation très inquiétante et inhabituelle et en appelle aux parents à plus de responsabilité.
Sylvestre Banzubaze, directeur communal de l’enseignement, déplore cette situation. Il fait savoir que la direction communale de l’enseignement, en collaboration avec l’administration communale, a déjà entamé des enquêtes pour identifier les présumés auteurs. « Pour des raisons d’enquête, on ne peut révéler l’identité des présumés auteurs ». Et d’indiquer que le dossier a été transmis au parquet de Bubanza pour confection des dossiers.
Il faut protéger ces adolescents
Concernant les mesures préconisées pour juguler ce phénomène, Abel Ndihokubwayo signale que les responsables scolaires et les parents se sont convenus de faire des tests de grossesses chaque trimestre. Par ailleurs, il confie qu’il envisage de créer les clubs de santé à son établissement pour sensibiliser les élèves sur la vie sexuelle et reproductive.
Claver Ngirimana, représentant des éducateurs dans le Comité de gestion de l’école, regrette ces renvois. Mais, il reconnaît qu’il faut faire respecter le règlement scolaire et renforcer la discipline. Il déplore également le manque de suivi de l’éducation sexuelle des enfants et la dégradation des mœurs. Il recommande aux parents d’être vigilants et de contrôler le mouvement de leurs enfants. « L’éducation des enfants revient, au premier chef, à leurs parents ».
Les parents des victimes, quant à eux, sont dans la désolation. M.B. n’en revient pas : « J’attendais que mon enfant rentre avec de bons résultats. Mais elle rentre avec une grossesse. Tout mon investissement vient de tomber à l’eau.» De surcroît, déplore ce parent, sa fille se préparait pour passer l’examen d’Etat.
Il demande à direction de l’école de surseoir à la décision afin de laisser ces enfants terminer l’année scolaire en cours. Il demande à la justice de faire son travail et d’appréhender les présumés auteurs.
Un autre parent estime que les adolescents ont besoin d’accompagnement et de protection. Pour lui, le problème étant complexe, pénaliser ces adolescents est loin d’être la meilleure solution. Ils doivent disposer d’informations sur leur vie sexuelle. Et d’insister : « Il faut commencer par briser le tabou autour de la sexualité dans la société burundaise », avant de suggérer : « Il faut introduire l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires.»
Les présumés auteurs se la coulent douce
Antoine Icihagazeko, chef d’antenne à Bubanza du Réseau burundais des personnes vivant avec le VIH/SIDA (RBP+, déplore cette situation en milieu scolaire. Selon lui, cette recrudescence s’explique par plusieurs facteurs. D’abord la plupart des victimes gardent le silence et ne révèlent pas l’identité des auteurs. Par ailleurs, il y a des arrangements à l’amiable qui se font entre les familles des auteurs et les familles des victimes. Et ce avec la complicité des administratifs à la base.
Ensuite, poursuit cet activiste des droits humains, il y a l’impunité des auteurs. « Plus les auteurs ne sont pas punis, plus ils perpétuent ces pratiques. Et l’impunité décourage les victimes et leurs familles ».
En outre, la plupart des familles ignorent les procédures judiciaires, la préparation et la rédaction des plaintes.
Il interpelle les victimes à dénoncer les auteurs et les traduire en justice. Il leur promet de les accompagner au niveau de la justice.
Pour M. Icihagazeko, il faut que les activistes des droits humains, l’administration à la base, la police et la justice travaillent en synergie pour dénoncer et identifier les présumés auteurs. Il interpelle la justice à diligenter les enquêtes et punir les auteurs.
Des risques sont énormes
Pour Antoine Icihagazeko, les risques sont énormes pour ces jeunes déscolarisées. Elles sont exposées à la contamination et propagation du VIH/SIDA pour avoir fait des rapports sexuels non protégés.
De surcroît, la grossesse étant non désirée, l’enfant risque de souffrir d’un manque d’affection de la part de sa mère. La fille est stigmatisée dans la société et risque d’abandonner l’enfant. En outre, certains auteurs nient la paternité de leur progéniture, ce qui empire la situation.
Cet activiste sur les questions des VBG compte organiser des sensibilisations en milieu scolaire sur les dangers des grossesses non désirées. Et d’espérer : « La sensibilisation en milieu scolaire sur la santé sexuelle diminuerait les grossesses non désirées.»