Jeudi 06 mars 2025

Société

Musée vivant rénové : des défis importants persistent

06/03/2025 0
Musée vivant rénové : des défis importants persistent
Aujourd'hui, l'eau des fosses à crocodiles est régulièrement renouvelée afin d'assurer une bonne oxygénation aux réptiles

En 2024, le Musée vivant de Bujumbura a bénéficié d’une rénovation d’envergure. Les améliorations comprennent l’aménagement du jardin, le rétablissement de l’éclairage, la réhabilitation de la clôture avec une nouvelle couche de peinture ainsi que la modernisation des cages abritant les animaux. Néanmoins, plusieurs cages sont vides. Un animal qui meurt n’est pas immédiatement remplacé. Des experts dénoncent les conditions dans lesquelles ces animaux vivent.

Dès l’entrée, la clôture, autrefois en piteux état, attire désormais l’attention par son aspect rafraîchi et sécurisé. Le jardin, autrefois envahi par une végétation anarchique, a été reconfiguré avec une pelouse bien entretenue.

Le « rugo » traditionnel a également été restauré et l’éclairage rétabli. Ce qui offre un cadre agréable aussi bien de jour que de nuit. Un nouvel espace a été aménagé pour accueillir diverses cérémonies, notamment des mariages et des anniversaires, avec un lieu dédié aux prises de photos mis en place par un entrepreneur privé.

Une sécurité renforcée

Le parc animalier a également connu des améliorations notables. Les aquariums et les « fosses à crocodiles » ont été réhabilités et sont désormais régulièrement entretenus. Contrairement à la période précédente où ils étaient asséchés, l’eau y est maintenant renouvelée afin d’assurer une bonne oxygénation aux reptiles. Les cages abritant les animaux, qui étaient endommagées, ont été restaurées et renforcées.

Un agent du Musée vivant se félicite de cette rénovation. « La réhabilitation du parc animalier a été essentielle pour la sécurité des visiteurs. Auparavant, des évasions d’animaux mettaient en péril les voisins. Aujourd’hui, nous sommes tranquilles. »

Ces améliorations ont été mises en place suite aux incidents répétés de 2023, où des chimpanzés s’étaient évadés de leurs cages, causant des dégâts et semant la panique. Les 4 et 6 octobre 2023, deux chimpanzés, « Lulu 2006 » et « Avril 2014 », s’étaient notamment aventurés jusqu’au restaurant-bar « Cercle de la Paix », occasionnant ainsi des dégâts. Il a fallu l’intervention des techniciens tanzaniens pour les anesthésier et les ramener dans leurs enclos.

Des serpents d’espèces variées sont aussi élevés au Musée national de Bujumbura. Néanmoins, certaines cages sont vides. Selon un agent de ce musée, certains serpents meurent de maladies. Il rassure que les soins sont supérieurs aux prix du serpent bénéficiaire. Il explique que l’approvisionnement pour remplacer ceux qui sont morts est devenu difficile. Pour lui, la déforestation est l’une des causes principales. La destruction des forêts a en effet délocalisé les serpents.

D’autres animaux se présentent aussi en singleton non pas comme des échantillons mais parce que c’est le seul type d’animal dont le musée dispose.

Selon l’un des agents du musée, le nombre d’animaux diminue d’année en année. « Lorsqu’un animal meurt, il est difficile de le remplacer. Ainsi, les espèces se réduisent progressivement ». Et de préciser. « Nous avons une seule tortue, une seule antilope, un seul dindon, une seule pintade et un seul léopard. Il n’y a pas de possibilité de reproduction »

L’approvisionnement en nourriture de tous ces animaux est subordonné à des frais de droit d’entrée payés par les visiteurs. « S’il n’y a pas de visiteurs que se passe-t-il ? Ils meurent de faim ? Je suis désolé oh pauvres animaux », s’exclame l’un des visiteurs qui assiste à une scène d’un crocodile qui tente d’avaler un cobaye lui jeté par un agent du musée.

Un espace dynamique

Le musée ne se limite pas à sa faune. Plusieurs boutiques ont été construites pour permettre aux artistes et artisans d’exposer et de vendre leurs créations. Ces espaces regorgent d’objets d’art et d’ornements. Les artisans s’y activent avec enthousiasme.

Une vannière confie. « Depuis fin 2024, la clientèle a nettement augmenté. Avant, nous étions dépendants des expositions-ventes organisées ailleurs. Aujourd’hui, nous avons des acheteurs quotidiennement. »

Un sculpteur expérimenté qui travaille depuis des années au musée exprime également sa satisfaction : « Ce lieu était autrefois insalubre. Aujourd’hui, nous avons un environnement digne d’un site touristique. L’affluence des visiteurs ne cesse d’augmenter. »

Jacques Bigirimana: « Les crises traversées par le pays ont freiné le développement du tourismes »

Selon Jacques Bigirimana, directeur général du Tourisme, le Musée vivant a toujours eu la vocation d’être un centre culturel et touristique. Toutefois, les crises traversées par le pays ont freiné son développement. « La Direction générale du Tourisme a pris l’initiative de sa rénovation afin qu’il devienne une véritable vitrine de la ville de Bujumbura », explique-t-il.

Le ministère du Commerce, des Transports, de l’Industrie et du Tourisme a ainsi noué des partenariats avec des entrepreneurs privés, dans le cadre de la vision « Burundi pays émergent en 2040 et Burundi pays développé en 2060 ». Parmi eux, le propriétaire de Safi Beach a aménagé un espace de prise de photos destiné à immortaliser divers événements.

Des critiques ont cependant émergé concernant l’organisation des événements festifs, jugés incompatibles avec la présence des animaux. Jacques Bigirimana rassure : « Le site dédié aux célébrations est éloigné du parc animalier. De plus, les animaux ne sont pas incommodés par la musique. Ce qui les effraie, ce sont les bruits de tirs ou des explosions. »

Concernant une tension qui existerait entre le ministère de l’Environnement et celui du Tourisme sur la gestion du musée, il parle plutôt d’une collaboration efficace : « Le ministère de l’Environnement gère les richesses naturelles tandis que le secteur du Tourisme assure leur promotion. Nous travaillons ensemble pour maximiser les revenus au profit du Trésor public. »

L’impact économique de ces rénovations commence déjà à se faire sentir avec une augmentation progressive du nombre de visiteurs. L’autofinancement du musée est en bonne voie et les recettes des visites servent notamment à nourrir les animaux.

Jacques Bigirimana invite les Burundais et les touristes à découvrir ce lieu emblématique : « Le Musée vivant est un trésor culturel. Venez nombreux admirer les beautés du Burundi et soutenir nos artistes et artisans ».

Des conditions déplorables

Un jeune expert en biologie animale qui a gardé l’anonymat critique plutôt les conditions dans lesquelles vivent les animaux. Il estime que le Musée vivant de Bujumbura n’est pas un lieu propice pour les animaux. Il considère que la place est petite pour permettre les mouvements de ces animaux internés dans ce centre. Il trouve qu’aucun animal ne devrait être physiquement restreint, privé de lumière naturelle ou d’air frais, avoir trop chaud ou trop froid, ou vivre dans la saleté. Ils méritent, dit-il, de se déplacer librement, en toute sécurité et de se reposer dans le confort.

Pourquoi est-il déconseillé de mettre des animaux dans de petites cages ? Ce jeune environnementaliste précise : « L’enfermement en cage est cruel. Les animaux sont des êtres sensibles, capables de ressentir la douleur et la joie. Lorsqu’ils sont enfermés dans des cages ou des caisses, ils endurent d’immenses souffrances, car leurs mouvements sont sévèrement limités, ils ne peuvent pas s’adonner à leurs comportements naturels et ils n’ont aucun contrôle sur leur vie », explique-t-il.

Il souligne que le Musée vivant de Bujumbura reste confronté à d’importants défis et n’a pas suffisamment de moyens pour s’occuper du peu d’animaux dont il dispose. Il ajoute que les animaux en captivité ne mangent que quand ils veulent et selon leur préférence. Ils sont obligés de manger ce qui leur est servi. Et cela sans horaire parce que la proie n’est pas toujours disponible. L’isolement entraîne également que ces animaux ne se reproduisent pas. À l’origine, l’obstruction au contact avec leurs partenaires. Cette situation cognitive provoque la diminution de l’espérance de vie des animaux. D’où ils meurent prématurément.

Sur l’organisation d’événements festifs, jugée incompatible avec la présence d’animaux, l’expert indique que les animaux aiment la musique, mais surtout la quiétude. « Quand ils voient un visiteur, ils se bousculent et se mouvementent. La présence des visiteurs dans cet espace est synonyme de danger pour les animaux. Selon lui, ils deviennent stressés et s’apprêtent à l’auto-défense en cas de besoin. Qu’adviendra-t-il quand, avec des bruits et des cris, des fêtards doublent des musiques dans des lance-voix ?». Et de se répondre : « Ce qui est sûr, ces animaux seront fortement dérangés ».

D’après lui, la seule solution possible est de mettre ces animaux dans un parc pour pouvoir vivre dans des conditions naturelles. Il demande au gouvernement de préparer un projet et un financement conséquent afin de développer le tourisme.

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