Les reporters d’Iwacu se sont rendus à Uvira, Kiliba, Sange, Ruberizi, Kamanyola et Bukavu. Ils ont recueilli plusieurs témoignages qui se recoupent : Kabirigi et Mukono ont été tués au Congo. Récit.
<doc3966|right>« Mukono a été tué lors d’une embuscade tendue contre une camionnette militaire du commandant de Kiliba», affirme N.H, un Congolais de la cité de Sange.
D’après lui, l’attaque a eu lieu le mercredi 2 mai dernier, vers 21h à Nyamunindi. C’est une localité à 5 km de Kiliba, sur la route Uvira-Bukavu, à presque 20 km d’Uvira. Pas une âme ne vit sur cette partie. Seule une forêt de grands arbres est visible.
Dans grand tournant, les véhicules sont obligés de ralentir. « Plusieurs embuscades sont souvent tendues dans cette localité par des inconnus », raconte G.D, une Congolaise qui rentre de son champ, un sac de patate douce sur son dos.
Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
Mercredi 2 mai, vers 21h, relate Z.D, un habitant de Kiliba, les militaires de cette localité voient la lumière des lampes torches. Selon un militaire de cette contrée, le chef de poste de Nyamunindi appelle son homologue de Kiliba (deux localités qui s’étendent jusqu’à la rivière Rusizi, près de la Rukoko au Burundi) pour savoir si ce sont ses hommes qui y effectuent des patrouilles.
Celui-ci dit que non . D’après toujours ce militaire, le chef de poste de Kiliba décide alors d’y aller pour s’enquérir de la situation : « Huit soldats étaient à bord de sa camionnette ». Arrivés sur les lieux, poursuit K.R, un autre militaire de Kiliba, le groupe dirigé par Mukono arrête le chef de poste. Celui-ci s’exécute et leur demande de décliner leur identité. Aveuglé par les phares de la camionnette, Mukono et ses hommes ne voient pas les militaires à l’arrière du véhicule .Immédiatement, raconte notre source, Mukono intime l’ordre de tirer sur la camionnette : « Les militaires congolais ont alors riposté, tuant sur le champ Mukono qui était devant. Trois balles l’ont atteint au niveau de la gorge, de la poitrine et de la jambe droite.» C’est un sauve-qui-peut général pour le reste de son équipe, estimé à plus de huit personnes, précise ce militaire. « Un fusil de type kalachnikov est saisi dans cette opération », affirme le même militaire.
Pourtant, d’après cette source, personne n’est arrêtée. Cette même source signale qu’un militaire congolais est blessé: « La balle l’a atteint au niveau du bras gauche. Il est pour le moment admis à l’hôpital du centre Kiliba. Un pneu de la camionnette du commandant a été crevé après avoir essuyé plusieurs tirs.»
Le cadavre est ramené à Kiliba
Le matin, vers 6h du matin, indique J.M, un habitant de Kiliba, on ramène le cadavre de Mukono sur la route appelée FONR, près de la barrière du centre Kiliba. Selon la même source, certains habitants de Kiliba parviennent à identifier le cadavre: « Je l’ai souvent vu en tenue civile quand je me rendais dans mon champ. Mais rien ne m’inquiétait parce que je ne pensais pas que c’est un combattant, car il était amputé du bras gauche», s’étonne D.F, une femme de Kiliba.
D’après un autre militaire, Mukono avait sur lui trois cartes d’identité nationale, celle du Burundi, du Rwanda et de la République Démocratique du Congo.
Vers 14 heures, ajoute une autre source de Kiliba, on amène le cadavre de Mukono au parking de Kiliba, situé toujours au centre. Quelques minutes après, se rappelle notre source, une dizaine de militaires burundais, à bord d’une camionnette, arrivent sur les lieux. Après avoir regardé le cadavre, témoigne toujours nos sources à Kiliba, les militaires burundais ont laissé éclater leur joie: « Ils ont embrassé le chef de poste Kiliba en le félicitant d’avoir mené une opération pareille. »
Selon les témoignages à Kiliba, ils ont récupéré le cadavre de Mukono dans le véhicule et rentrés au Burundi, en passant par la douane de Vugizo.
Les habitants de Kiliba affirment qu’aucun militaire burundais n’était sur le sol congolais au moment de cette embuscade. Néanmoins, ils ne précisent pas que c’est Mukono qui était responsable des pillages qui se commettaient dans cette localité, car personne n’avait jamais été arrêté.
Le colonel Domitien Kabisa, commandant de la 1ère région militaire, a indiqué que l’armée burundaise avait déjà demandé aux militaires congolais d’arrêter Mukono, car c’est lui qui dirigeait l’attaque de Gatumba qui a emporté la vie de 39 personnes.
Quid de Kabirigi ?
Des militaires de Bukavu ayant requis l’anonymat révèlent que Pierre Claver Kabirigi a été arrêté par les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) vers fin mars.
D’après ces sources, Kabirigi a été arrêté avec un certain Maregos, Fabien, Jean Petit et leurs quatre agents de transmission. « Ils ont été arrêtés à Bukavu, au camp Mpanzi, en train de négocier l’achat des armes », affirme D.C, un militaire de la place. Selon notre source, ces huit personnes ont alors été emprisonnées à Goma, dans une localité qui n’a pas été précisée. Les mêmes sources affirment que les FARDC, en collaboration avec les agents du Service National de Renseignements (SNR) burundais, ont interrogé Kabirigi pendant deux jours : « Il a été tué par les agents du SNR après cet interrogatoire. »
Nos sources précisent que six autres personnes capturées avec Kabirigi auraient été tuées et enterrées à Goma par les mêmes agents, hormis Jean Petit, qui serait emprisonné au cachot du SNR à Bujumbura où il subit toujours des interrogatoires. Iwacu a contacté Télésphore Bigirimana, porte-parole du SNR pour donner la version des faits, sans succès.