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Mugongomanga : Que cache la torture d’Yvette Iradukunda?

27/09/2019 Commentaires fermés sur Mugongomanga : Que cache la torture d’Yvette Iradukunda?
Mugongomanga : Que cache la torture d’Yvette Iradukunda?
Suite aux coups reçus, Yvette Iradukunda ne fait plus aucun mouvement.

Après un passage à tabac, dimanche 22 septembre, au chef-lieu de la zone Ijenda, commune Mugongomanga de la province Bujumbura, par l’administrateur de cette commune, Yvette Iradukunda est très mal en point. Dénonçant l’abus du pouvoir de cette autorité, Yvette, sa famille et leurs proches demandent que justice soit faite. Deux reporters d’Iwacu ont été à Ijenda.

Sur son lit à l’Hôpital d’Ijenda, mardi matin, Yvette Iradukunda semble plongée dans un coma tant elle ne montre aucun signe de vie. Bien étendue et recouverte de draps tout blancs, elle ne bouge pas, même pas les paupières. A son chevet, une infirmière perdue dans ses idées. «Elle va très mal», murmure-t-elle.

Dans cette chambrette d’hôpital également, sa maman, la main contre le menton. Elle se dit dépassée : «Difficile de comprendre. Comment se fait-il que ma fille ait été ainsi torturée par celui qui devrait la protéger?» Dans sa voix, on sent de la colère mêlée au chagrin. Quand elle a appris l’incident, la mère d’Yvette Iradukunda en a eu gros sur le cœur. Sa fille s’était déplacée de Rusaka (province Mwaro) à Ijenda, pour gagner sa vie. Elle demande que le bourreau fasse soigner sa fille et lui accorde des dédommagements. C’est aussi le souhait du père venu de Rusaka pour voir sa fille. « Si elle avait commis un délit, l’administrateur avait tout un arsenal juridique pour la punir. C’est indigne pour un représentant de l’Etat». Mais que s’est-il réellement passé ? Les témoignages se recoupent.

Le passage à tabac

Quoique difficilement, Yvette Iradukunda a pu témoigner à Iwacu. D’habitude courageuse, un peu indifférente à la douleur, à en croire certains, cette jeune femme de 26 ans parle la tête contre le matelas. A voix basse, ayant des trémolos dans la voix, le cœur un peu palpitant, elle tente de raconter ses mésaventures. Je ne me rappelle pas tout, prévient-elle, je me suis retrouvée à l’hôpital longtemps après la scène.

Elle se souvient qu’elle dormait avec une collègue. Quelqu’un a d’abord frappé à la porte, dimanche vers 22h, ensuite à la fenêtre au «Bar Abiyunze ». Du dehors, une voix d’homme les a appelées. Elles ont reconnu la voix de Diomède Ndabahinyuye, l’administrateur communal. L’une d’elles devait sortir. «J’ai une commande à passer», leur a-t-il expliqué.

Pendant un moment, elles ont refusé de répondre à l’appel. Pourquoi ? Une scène terrifiante d’il y a deux semaines leur était revenue à l’esprit.
Yvette Iradukunda se rappelle toujours…

Cette nuit-là, l’administrateur avait tiré les deux jeunes femmes de leur sommeil. Une fois dehors, il avait ordonné à Yvette de s’approcher et de monter dans son véhicule. «Il me demandait de l’accompagner pour voir s’il n’y a plus personne dans les rues». Yvette avait refusé. «Je lui ai dit que je ne peux pas monter dans son véhicule pendant cette nuit». L’autre avait insisté 5 fois. Sans succès. Yvette Iradukunda s’est échappée, s’était repliée dans la maison et avait fermé à clef. L’administrateur était reparti, déçu.

Pendant toutes les deux semaines, il n’y avait pas eu de suite. «Les esprits s’apaisaient petit à petit».

Sauf que ce dimanche 22 septembre, autour de 14h, Diomède Ndabahinyuye avait encore été au Bar Abiyunze. A son passage, il avait alors menacé Yvette Iradukunda. «Vous n’avez pas encore vu comment on ramène les enfants  à l’ordre? Je vais vous le montrer». Mais les paroles étaient moins menaçantes. Les deux jeunes femmes avaient cru à une blague. «Nous en avons même rigolé»…

Un brin inquiète, Yvette a décidé néanmoins d’obéir à l’autorité. Mais Diomède Ndabahinyuye n’a pas attendu qu’elle le rejoigne. A peine a-t-elle entrouvert la porte, il l’a rejointe, l’a prise par le cou et lui a infligé des gifles. Trois sifflantes gifles, selon Aline, la collègue d’Yvette qui suivait, de sa chambre, les faits. Vaincue par le coup, Yvette Iradukunda est retombée par terre, heurtant la tête contre un mur. Dans la foulée, elle recevra quelques coups de pieds, hurlera fort, avant de perdre connaissance. Elle sera dépêchée à l’hôpital.

«La justice devrait ramener à l’ordre cet administratif»

L’administrateur de la commune Mugongomanga qui a violenté Yvette Iradukunda

Entretemps, l’administrateur est reparti, à bord de son véhicule, sans mot dire. «Je l’ai vu repartir à toute allure comme il était arrivé. J’entendais les hurlements d’Yvette dans la maison», confie la sentinelle du Bar Abiyunze qui précise que «contrairement à ses habitudes, il était venu tout seul».

Yvette Iradukunda dit avoir mal à la tête, au dos et aux jambes. Elle demande d’être soignée. Hormis les soins, se soucie-t-elle, l’administrateur devrait donner une explication à cette torture.

Les habitants de cette localité soutiennent qu’il n’y avait pas de différend entre l’administrateur et Yvette. Ils dénoncent ce comportement de cet administratif qui maltraite la population sous sa responsabilité au lieu de la protéger. «Quand bien même il y aurait quelque conflit, il a tout ce qu’il faut pour le régler sans recourir à la violence physique». Pour eux, la justice doit faire son travail.

C’est un abus de pouvoir, déplorent-ils, s’étonnant qu’ «un aussi respectable homme puisse s’introduire, nuitamment, dans un ménage de filles qui ont l’âge des siennes». Et d’appeler la justice à ramener à l’ordre cet administratif qui abuse de son autorité.

Joint au téléphone par Iwacu, Diomède Ndabahinyuye s’est refusé à tout commentaire sur les faits lui reprochés.

Edouard Nkurunziza et Fabrice Manirakiza

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