À quelques 80 km de Bujumbura, Mugina est une contrée rurale, connue pour abriter le plus grand marché de vin traditionnel, un business tant masculin que féminin.
Comme pour se cacher du regard des curieux, Mugina s’est nichée dans la corne extrême-occidentale du Burundi, noyée entre le Congo, et le Rwanda. Si sa réputation a été usurpée par la commune voisine de Rugombo, considérée à tort comme le plus grand réservoir de vin traditionnel du pays, les initiés savent très bien que le vrai terroir du vin de bananes se trouve à Mugina.
À perte de vue, des bananeraies s’étalent sur les versants des montagnes, dans les vallées luxuriantes, s’invitent parfois même dans les enclos des ménages, tous n’attendant que leurs fruits mûrissent pour être transformés dans les brasseries locales. Homme, femme ou enfant, chacun a sa place dans la production viticole, l’activité charnière de l’économie de Mugina.
Une vie au rythme de vin
Pour voir le vrai visage de Mugina, il faut s’y rendre soit un lundi ou un vendredi, les jours de marché. Au centre Nyeshenza, l’ambiance foraine qui y règne est emblématique de l’activité principale qui s’y déroule : le marchandage de vin.
Dans l’espace ouvert situé devant le marché du centre, c’est une cohue générale. Des milliers de bidons et plusieurs grands fûts remplis à ras bord de toutes sortes de vins attendent des potentiels preneurs. À côté de ces divers récipients, montent la garde les producteurs, chacun essayant de crier plus que l’autre pour vanter son vin.
Tout le monde y va de son trait d’esprit pour chercher des slogans aguicheurs, des « goûtez-à mon vin et vous n’aurez plus jamais soif » se heurtant à des « mon vin est un baume pour tout palais assoiffé. »
Et les clients ne se font pas prier pour goûter. À part les gros commerçants venus en camion qui ne trempent que le bout des lèvres, les autres clients slaloment gaiement dans la foire viticole, chalumeau à la main. Après avoir « goûté » sur une dizaine de récipients, certains n’auront même plus besoin d’acheter et s’en vont, les pieds s’entremêlant à chaque pas, accompagnés du regard hilare des producteurs.
Stany fournit plusieurs bars de la capitale. Venu avec deux camions, c’est en fin connaisseur qu’il apprécie la production de Mugina : « Ce centre est le meilleur. S’il y a aussi le marché de Murwi, il n’est pas aussi grand que celui-ci, ni une production aussi pure.»
Un secteur qui rapporte
La file de gros camions et de plus petits véhicules venus de tous les coins pour s’approvisionner à Mugina témoigne de la prospérité du business viticole. Même si, malheureusement les gros commerçants se font parfois de l’argent sur le dos du petit exploitant, ce dernier se contente de ce peu, qui lui permet de joindre les deux bouts.
« Le bidon de 20 litres ‘‘d’insongo’’ est parfois bradé à 10 000 fbu, d’autres fois à 4000 fbu, ça dépend de la production locale », nous apprend Marie Barusha, une commerçante rencontrée sur les lieux. À savoir que ce litre acheté à 400 fbu va coûter 1500, parfois 2000 fbu dans la capitale. Le petit vendeur s’en fout, voir déjà son vin apprécié est en soi une gratification.
À côté de ce commerce transrégional, la production viticole engendre d’autres activités à l’intérieur même de Mugina : les brasseurs, qui trempent leur bras dans ‘‘l’ubwato’’ (sorte de tronc d’arbre creusé en forme de pirogue où est malaxé le mélange bananes-herbe pour extraire le jus des bananes), les convoyeurs qui acheminent les bidons de vins au marché, les vendeurs de chalumeaux comme Camarade, jeune homme souriant rencontré au centre Nyeshenza, qui dit sans ambages : ‘‘la vie pourrait être résumée en un seul mot : vin’’, etc….
Dans une bonne humeur générale, qui a peut-être quelque chose à voir avec les effluves grisantes montant des fûts ouverts, les journées de lundi et de vendredi finissent toujours de la même façon : un tour au cabaret d’à côté, au grand malheur de chèvres qui finissent en brochettes, sans toutefois oublier que parfois palais réclame plus moderne : une bière fraîche.
Après, les producteurs et les commerçants se redonnent rendez-vous dans quatre jours, le temps de laisser mûrir le vin frais placé dans des fûts à l’ombre des bananeraies, et le dernier à partir ne va pas oublier de lancer le mot d’ordre : « la soif n’attend pas. »
Mugina, en long et en large
Mugina est une des six communes de la province Cibitoke. Elle est située au nord de celle-ci et au nord-ouest du Burundi. Elle est frontalière avec Rwanda, la rivière Ruhwa servant de frontière naturelle entre les deux pays. La commune se trouve dans la région naturelle des Mirwa.
Mugina a une superficie de 298 km² sur laquelle se répartissent 108 872 habitants, selon le recensement de 2014.Elle compte cinq zones, à savoir Rugajo, Buseruko, Ruziba, Nyamakarabo et Rubona, le tout formant 22 collines.
Son économie est agropastorale, la banane étant la culture-reine. Le commerce, tournant principalement autour du vin de bananes, est aussi une activité florissante.
Dans le secteur de l’éducation, Mugina compte 54 écoles primaires, 12 écoles secondaires et un centre de lecture et d’animation culturelle qui fait la fierté de l’administration.
Les relations avec le Rwanda voisin, selon Jean Marie Bizimana, conseiller technique chargé des affaires administratives et sociales dans la commune, sont plus que satisfaisantes. À titre illustratif, il cite le marché Nyempundu situé à Nyamakarabo, où des marchands rwandais viennent tous les jours tenir boutique.
Atouts et défis
Atouts : un sol fertile, un marché moderne (celui Nyeshenza), des pistes qui joignent les différents coins de la commune, indispensables pour acheminer le vin, et une route nationale qui traverse la commune et facilite la communication avec le reste du pays.
Défis : l’électricité limitée au centre, glissements de terrain occasionnant des dommages importants, le chômage des jeunes scolarisés.
Sortes de vins de bananes brassés à Mugina :
– Insongo (goût sucré, fort, apprécié par les consommateurs)
– Urwarwa (moins fort que l’insongo, il est apprécié pour son prix accessible, il est communément appelé ‘‘rugombo’’)
– Umutobe (jus de bananes)
MUGINA s’exprime…
Dans cette région, les femmes revendiquent une place décente, dans les foyers comme dans les institutions, tandis que les jeunes, écartés de la sphère décisionnelle, aspirent à une reconnaissance.
Zéphirin Nahimana, « ce qu’on fait pour moi sans moi n’est pas vraiment pour moi. »
Ce jeune enseignant apprécie la cohabitation pacifique entre les jeunes de la commune, « toujours unis contre vents et marées, une maturité qui, des fois, fait défaut dans la classe dirigeante. »
Pour lui, ne pas avoir son mot à dire dans la gestion de la chose communale est incompréhensible et c’est ce qui explique l’échec de certaines politiques destinées aux jeunes.
« Sans nous avoir consultés, on nous informe seulement, et on veut qu’on exécute, c’est quoi ça ? », s’insurge-t-il.
Selon Zéphirin, « la solution de la crise politique actuelle, c’est le dialogue, cela au moins serait une preuve de maturité.»
Madeleine Ndikuriyo, « respectons la femme ! »
Cette institutrice-agricultrice est une des rares femmes de Mugina à avoir fini ses études. « Tout cela à cause des hommes », résume-t-elle.
Pour elle, il est difficilement croyable de voir les femmes être au même nombre que les hommes dans les cursus inférieurs de l’éducation, et de n’en voir aucune dans les classes supérieures. Cela traduit le malaise que vit la femme de Mugina. « Si elles ne se marient pas jeunes, elles tombent enceintes et abandonnent leurs études», confie-t-elle.
« Si ce n’était que cela, ajoute-elle. Va voir dans l’administration, le quota hommes-femmes est-il respecté ? Nenni.»
Pour Madeleine, la solution serait de sensibiliser les hommes à considérer la femme et lui octroyer la place qu’elle mérite.
Odette Nikuze, « il faut occuper les jeunes. »
Après des études pédagogiques et deux années de chômage, cette jeune femme a du mal à cacher son aigreur. « Sans avoir des contacts dans les hautes sphères, tu penses que c’est facile de trouver du travail ? », grince-t-elle.
Pour elle, les autorités devraient garder à l’esprit que la jeunesse est une force tout aussi bien constructrice que destructrice. « Et s’ils veulent résoudre les problèmes actuels, il faudra approcher les jeunes et parler avec eux, si non, on ne s’en sortira jamais. », exhorte-t-elle.
Gertrude Hakizimana, l’encadreuse acharnée
Cette jeune femme de Bururi, reconnue à l’autre bout du pays, force l’admiration de tout le monde à Mugina.
Si on lui demandait d’expliquer ce tour de force, Gertrude dirait simplement, « j’ai juste été moi-même ».
Partie en 2006 de Bururi pour rejoindre sa grande sœur qui travaille dans l’enseignement à Mugina, Gertrude finit ses études là-bas et s’engage elle aussi dans l’enseignement, d’abord en tant qu’encadreuse. Une fonction qui n’est pas nouvelle pour elle car avant d’embrasser cette carrière, elle s’y était déjà frottée en encadrant les femmes de la colline Rutaramuka, où elle a élu domicile.
En 2012, elle se marie à un homme de Mugina, ce qui va faire de cette région son deuxième foyer. La concorde qui caractérise son foyer la pousse à vouloir jouer les conseillers de ménages, ce qui lui réussit très bien car tout le monde sur sa colline faire recours à son sens du dialogue en cas d’ « entrechocs de cornes », comme on aime dire à Mugina.
Denis Ndayishemeza, qui collabore avec elle dans un projet animé par l’ACORD, ne tarit pas d’éloges sur Gertrude : « C’est une femme éveillée, ouverte, rassembleuse, pleine d’énergie, et qui n’est pas prisonnière des clivages partisans actuels. »
Dans une région où les initiatives féminines sont rares, son sens de l’initiative force l’admiration, car, en parallèle à son travail d’enseignant, elle fait aussi du secrétariat public et de l’élevage de porc.
À force de côtoyer les femmes, de les écouter lui raconter leurs problèmes, Gertrude dit désormais avoir fait de la protection des droits de la femme son cheval de bataille.
voila une article twipfuza gusoma,Cibitoke niyo province ifatiye runini UBURUNDI kuko haramera kandi abanyecibitoke
nabakozi,jewe narigeze kujayo ,nitegereje ukuntu barima ibitoke naratangaye cane vraiment barya bantu bakwiye gushi
gikirwa cane.si IMUGINA gusa na RUGONBO bararima itomate ni bitunguru yewe no Muci barabirima .bravo Cibitoke.
IMANA ibaje inbere mubere akarorero izindi ntara bishinga induru za politique aho kuja kukivi.
Whaou , je savais pas beaucoup sur Mugina. 😀 J’ai pourtant une grande famille là-bas. Excepté mon grand-père maternel qui est resté à Mwaro,tous ses frères et soeurs y vivent maintenant depuis des dizaines d’années. En Mars 2013 j’ai eu l’opportunité d’y aller pour leur rendre visite, c’était agréable même si je n’y suis resté que quelques 2 heures. Merci Iwacu , merci pour cet article. #weare1nation