MSD : des vies brisées

Arrêtés le 8 mars, lors des échauffourées entre la police et les militants du MSD, ils ont entre 25 et 40 ans. Ce sont des chefs de ménage pour la plupart. Ils avaient des projets, des ambitions et laissent un grand vide chez eux. Certains se disent apolitiques. Iwacu vous fait découvrir ces jeunes vies brisées par une condamnation à la prison à vie.

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Aimable Uwitonze,  «  il pensait qu’il allait dépanner une machine »

Cet informaticien à la régie nationale des postes a été arrêté le 12 mars à son service, soit quatre jours après les affrontements à la permanence du MSD. Natif de Musenyi dans la province Ngozi, ce père de deux enfants a été appelé par un haut cadre de la régie nationale des postes. «Au départ, il croyait que ce sont des appareils à réparer dans cette institution où il a travaillé depuis 2004», confie un agent de la poste. Cependant, raconte notre source, il a été arrêté par des policiers qui l’ont immédiatement conduit à la prison centrale.

Aimable Uwitonze était secrétaire communal du parti MSD dans la commune urbaine de Ngagara. Il a adhéré à ce parti depuis 2008. Avec la condamnation à perpétuité, ses proches parlent d’un grand vide laissé dans sa famille. « C’est lui qui subvenait aux besoins de la famille parce que sa femme n’a pas de boulot », témoigne un voisin. Un autre ami d’Aimable Uwitonze fait savoir qu’il avait contracté un crédit pour un business et se demande comment sa femme va éduquer les deux enfants sans emploi.

Eric Karorero : l’étudiant qui allait boucler son mémoire

Il a été arrêté le 8 mars 2014 à la permanence nationale du parti MSD. Condamné à perpétuité, il était en train de rédiger son travail de fin d’études universitaires. Né en 1983 sur la colline Buruhukiro en commune et province Ruyigi, Eric Karorero était membre influent du MSD.
Après ses études secondaires, ce père célibataire d’un garçon de sept ans a travaillé à l’ONG française, Action Contre la Faim dans sa province natale de 2004 à 2006. Mais il voulait étudier et s’est fait inscrire dans la faculté de psychologie clinique et sociale, à l’université du Burundi.

Cet étudiant mémorand a eu le goût de la politique depuis longtemps. Dès sa première année à l’université du Burundi, il a directement pris connaissance du parti Msd avant son agrément. Même si la plupart des membres de sa famille comme le gouverneur de Ruyigi ont adhéré au Cndd-fdd, selon ses amis, Eric Karorero n’a pas hésité à prendre des responsabilités au Msd. Après l’agrément, il est devenu président des étudiants des universités privées du Burundi. «Karorero a aussi occupé le poste du secrétaire du comité directeur des étudiants des universités privées et publiques », raconte un de ses amis.

Avant son arrestation, Eric Karorero était membre du comité communal de Cibitoke en mairie de Bujumbura. Il militait pour le changement : «Malgré des postes qu’il occupait, il a refusé d’être sur des listes des candidats lors des élections de 2010 », témoigne un militant du Msd. Ce mobilisateur au niveau de la jeunesse du Msd a été condamné à perpétuité au moment où il espérait avoir un emploi afin d’assurer l’éducation de son enfant.

Jean Paul Sindaye, le commissionnaire

39 ans, né à Rutovu dans la province de Bururi , Sindayigaya a été arrêté le 8 mars 2014 à la permanence du MSD. Sa femme, Béatrice Bizimana, ne sait plus à quel saint se vouer. « Il était tout pour moi et nos deux petits enfants (une fille et un garçon). Le loyer, la nourriture, la scolarisation des enfants, ….tout était à sa charge », se rappelle Mme Bizimana, au chômage. Son mari était commissionnaire pour la vente des maisons et parcelles : « Et nous n’avions pas de problèmes à satisfaire les besoins vitaux. »
Ce n’est pas tout. Le prisonnier était aussi important pour ses parentés. Il loge chez lui (à Musaga) et fait vivre deux de ses cousins, encore élèves à l’école. « Je ne vois pas ce que je peux devenir sans lui. Car, le minerval, le matériel scolaire, les soins médicaux… c’est lui qui me payait le tout», raconte Egide Ninihazwe, écolier en 8ème année. Il se préoccupe également de deux autres frères du détenu élèves du secondaire qu’il prenait en charge.

Incarcéré à la prison centrale de Mpimba, son fils aîné Andy, 5 ans, n’oubliera jamais les images qu’il a vues à la Télé lors de l’arrestation de son papa à la permanence. « A chaque fois que je lui demande d’aller visiter son père à Mpimba, il refuse disant que les policiers peuvent le tabasser comme ils l’ont fait pour son papa», raconte la jeune maman Béatrice.

Nelly Kandatwa, ses enfants pensent qu’elle est à l’internat

Mère de deux enfants, de quatre et huit ans, Nelly Kandatwa a été arrêtée le 8 Mars à l’intérieur de la permanence nationale du MSD.
Désemparé, son mari raconte: « Mes enfants ne cessent de me demander quand maman va rentrer de l’école pour les vacances. Lors de la dernière visite à Mpimba, ils l’ont vue habillée en vert, ils ont cru qu’elle était à l’école dans un internat. »

Licenciée en Psychologie, les proches de Nelly Kandatwa craignent que les enfants soient très affectés. « C’est elle qui s’occupait de toute la famille. Tous les matins, elle les déposait à l’école, maintenant c’est un calvaire que je vis », dit son mari.
Pour lui, il est difficile d’accepter qu’elle a pris la perpétuité alors que même les génocidaires ne sont pas aussi lourdement punis.

Commerçante, ses affaires sont à point mort. « Toutes les activités sont paralysées, non seulement qu’elle faisait entrer des revenus dans la famille, mais aussi ces clients ont perdu, car il y avait des commandes qui étaient en cours », soulignent son collègue.
Sa famille déplore les conditions. « C’est difficile d’encadrer des enfants à qui on ne peut même pas expliquer ce qui s’est passé, cette brusque coupure avec leur maman », lâche son mari, triste.