Jeudi 21 novembre 2024

Santé

Mpox : un niveau d’alerte toujours à la traîne

31/08/2024 Commentaires fermés sur Mpox : un niveau d’alerte toujours à la traîne
Mpox : un niveau d’alerte toujours à la traîne

Depuis le 25 juillet 2024, le ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le SIDA a déclaré les premiers cas du virus de la variole du singe, Mpox. Depuis, il s’observe une sorte de laxisme alors que la variole du singe est hautement contagieuse. Quid de la sensibilisation et des mesures barrières dans les lieux d’affluence à Bujumbura comme en province. Le Magazine Jimbere et le Journal Iwacu font le point.

Dossier réalisé par Adiel Bashirahishize et Jérémie Misago

« Jusqu’à hier soir (mercredi), nous avions déjà un cumul de 171 cas positifs confirmés, dont 137 encore actifs dans au moins 26 des 49 districts sanitaires que compte notre pays », a indiqué à l’Agence France-Presse, le porte-parole du ministère de la Santé, Polycarpe Ndayikeza, jeudi le 22 août 2024.

« Jusqu’à présent, il n’y a eu aucun cas de décès du mpox au Burundi », a-t-il ajouté. Parmi ces chiffres, 45,3 % sont des femmes. Les enfants et les adolescents de moins de 20 ans constituent près de 60 % des cas détectés, les enfants de moins de 5 ans représentant 21 % des cas.

Malgré la panique provoquée par cette épidémie hautement contagieuse ailleurs, la communication autour de cette maladie au Burundi n’est pas intense. Et la maladie reste méconnue par le grand public. « Au début, mon enfant me disait qu’il avait des maux de tête intenses, avec une température élevée. Pendant la nuit, il criait tout en disant qu’il avait des problèmes au niveau de la gorge. Il ne pouvait même pas boire de l’eau », confie un père dont l’enfant est alité dans un hôpital de Bujumbura depuis deux semaines.

Une personne atteinte de la variole du singe alitée au CHUK

Lorsqu’il a été atteint par cette maladie, se souvient ce Père de famille, il pensait que son fils souffrait du paludisme : « A la maison, il n’y avait pas de distanciation. Nous partagions aussi la nourriture sur une même assiette. Mon enfant avait une température élevée. Il restait à la maison, il lançait des cris d’alarme. A ce que j’ai pu constater, cette maladie est dangereuse. »

Et d’ajouter : « Nous nous sommes confiés au centre de santé. On nous a donné des médicaments, mais en vain. Plus il prenait des médicaments, plus les irruptions cutanées se gonflaient ».

C’est ainsi, indique ce père de cinq enfants qu’il l’a amené à l’hôpital : « Après avoir fait des dépistages, les médecins ont trouvé qu’il souffrait de la maladie de la variole du singe. Ils ont commencé à le soigner. Ça fait deux semaines qu’il est à l’hôpital et je trouve qu’il y a une évolution. »

Une maladie visiblement ignorée par le grand public

A part ces personnes confrontées directement à la maladie, la plupart semble l’ignorer. « Je ne comprends pas de quoi il s’agit. C’est la première fois que j’entends parler de cette maladie. L’administration devrait faire circuler des véhicules avec des haut-parleurs pour alerter les gens, sinon on va mourir », fait savoir une passagère croisée devant l’ancien marché central de Bujumbura.

Certains considèrent que les responsables habilités à lutter contre la propagation de la variole du singe sont trop laxistes ces derniers temps alors que l’ennemi invisible rôde et progresse. « Moins on est rigoureux, plus le risque est grand de voir l’épidémie se propager à une très grande vitesse », fait observer un infirmier.

En marge d’une réunion avec les responsables administratifs et sanitaires en mairie de Bujumbura, ce 31 juillet 2024, Jimmy Hatungimana, maire de la ville, a appelé les citadins à la vigilance. Il a recommandé que les gens se lavent les mains, se saluent sans se serrer la main et évitent tout contact avec une personne présentant les signes de la variole du singe.

Il a également annoncé que chaque ménage doit avoir un dispositif de lavage des mains à l’entrée afin de permettre de se laver les mains régulièrement. Depuis, la situation reste inchangée. Là où Iwacu a pu passer, rares sont les ménages qui ont ces dispositifs à l’entrée.


Variole du singe au Burundi : l’hydre d’une épidémie méprisée

L’alerte de la monkeypox ne semble éveiller aucun écho chez l’opinion. Pourtant, le mal est là et ne cesse de se propager à vue d’œil…
Certains directeurs d’écoles indiquent que dès la rentrée scolaire, les élevés seront sensibilisés

Quatre semaines après l’annonce officielle de l’apparition du virus Mpox au Burundi, c’est le statu quo ante. Dans les lieux publics, le respect des gestes barrières est le cadet des soucis. Les mesures barrières ne sont pas respectées. Des gens manifestent une indifférence totale. Accolades, bises, etc., restent à la mode.

« C’est l’expression d’un sentiment de proximité et de bien-être mutuel, on ne peut pas s’en passer. Même du temps de la COVID-19, on se saluait chaleureusement », réagit un jeune homme dans un bar du quartier Muyaga, zone Gihosha. « Parfois, j’oublie que cette épidémie est dans nos murs, puisqu’aucune mesure concrète y relative n’a été prise et suivie sur le terrain par les autorités compétentes pour limiter les risques de contamination », s’indigne un passager qui fait la queue au niveau du parking des bus se trouvant près de l’ex-marché central de Bujumbura. Sur place, aucun dispositif de lavage des mains.

Rares sont les établissements qui en possèdent devant le vestibule. Au marché comme à l’église, principaux lieux de rassemblement, les citadins n’ont pas changé d’attitude : pas de distanciation sociale observée, ni interdiction de contact pour les salutations ou les embrassades.

« Ici, au marché dit ‘de Cotebu’, personne n’oblige les commerçants ou les clients à se laver les mains à l’entrée. Chacun y va à sa manière et aucune sensibilisation n’a été faite à ce propos. Il semble que cette épidémie est négligée », déplore un vendeur de vêtements de seconde main.

Aucune mesure barrière en vue…

Devant plusieurs magasins, marchés, hôpitaux et bureaux des institutions publiques et privées de la mairie de Bujumbura, il n’y a pas de dispositifs de lavage des mains depuis l’annonce de la maladie. Les rassemblements continuent dans plusieurs endroits de la capitale économique.

La pénurie de carburant, occasionnant le manque de bus, aggrave la situation. Les gens sont serrés dans les files d’attente devant différents parkings presque vides. « Lorsque nous voyons un bus arriver, nous nous précipitons pour y entrer. Pour occuper le moindre espace inoccupé, nous devons nous entasser et nous serrer dans les rangées », confie un autre passager. Cela, estime-t-il, sape les efforts de distanciation physique pour se prévenir de cette maladie. Le constat est le même sur les lieux communément appelés « Bata », « Kiosque Coca-Cola » et « Idéal » : le respect des mesures barrières est ignoré. La rigueur n’est plus la même que lors de la période de la COVID-19.

Au boulevard du Prince Louis Rwagasore vers le centre-ville, les dispositifs de lavage des mains sont présents devant quelques pharmacies seulement. Quant aux galeries, peu d’entre elles en disposent.

Même constat dans des lieux d’affluence par excellence.

Devant certaines entrées du marché de Cotebu, dans la zone Ngagara, on observe des dispositifs de lavage des mains pour se prévenir de la variole du singe. Mais, devant d’autres, il n’y en a pas. Des commerçants et des gens fréquentant ce marché sont inquiets. « Ce n’est pas facile, chacun entre comme il veut sans se laver les mains. Il n’y a pas de forte sensibilisation. Il devrait y avoir quelqu’un à l’entrée pour obliger les entrants à se laver les mains. Des gens se saluent comme si de rien n’était. Nous n’avons pas d’eau pour se laver. »

Dans la ville de Gitega, rares sont les lieux qui ont des dispositifs de lavage des mains pour combattre la variole du singe. Certains directeurs d’écoles promettent de sensibiliser les élèves et le personnel dès la prochaine rentrée scolaire pour qu’ils appliquent toutes les mesures prises par le ministère de la Santé publique dans le combat contre cette maladie.

« Nous sommes préparés à mettre en pratique toutes les dispositions prises par le ministère pour nous protéger contre cette maladie. Nous savons que les élèves, quand ils vont revenir de leurs vacances, auront besoin de s’embrasser, de se saluer en se serrant les mains. Nous sommes prêts à leur donner les instructions nécessaires afin d’éviter tout contact et de mettre en place le dispositif de lavage des mains », indique abbé Simon Nzigirabarya, directeur du lycée Notre-Dame de la Sagesse.

Même lecture chez frère Deus Bigirimana, directeur du lycée de Gitega. Il déplore néanmoins un grand problème de coupures répétitives et prolongées d’eau de la Regideso et demande à cette entreprise de songer à approvisionner en permanence les écoles à régime d’internat en eau.

Une situation similaire se remarque dans plusieurs écoles à Gitega. Même situation devant ce marché. Les mesures de prévention ne sont pas respectées. « Cette épidémie risque de faire des ravages. L’ampleur de cette maladie devrait interpeler tout un chacun », indique un convoyeur au parking de Cotebu.

La pénurie d’eau en remet une couche

Pas de distanciation physique au parking du centre-ville de Bujumbura-Mairie

La situation se présente ainsi au moment où des robinets sont à sec depuis plusieurs jours. Du coup, au niveau de certains quartiers de la mairie de Bujumbura, l’hygiène laisse à désirer. Dans ce contexte actuel, il est difficile de se laver régulièrement les mains avec du savon et de l’eau propre. « Il nous manque l’eau potable pour assurer le lavage des mains des clients, car elle nous coûte très cher. On doit payer les services de transport pour un prix de 1 000 Fbu par bidon rempli d’eau », regrette un serveur travaillant dans un resto à Bwiza.

Même dans certains ménages, la situation est quasi similaire. L’insalubrité y règne en maître. Avec la pénurie d’eau potable, se laver régulièrement les mains est loin d’être une priorité : « C’est tellement inquiétant, surtout pour les enfants qui passent toute une journée en dehors de la maison et rentrent alors qu’il n’y a aucune goutte d’eau dans le robinet », se lamente Mireille, habitant à Kanyosha.

Cette préoccupation est partagée par le cadre d’expression des malades au Burundi (Cemabu). Serges Ncutinumukama, responsable de la communication, appelle le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre l’eau potable disponible dans toutes les zones afin de limiter la propagation à grande échelle de la variole du singe.

En outre, cet acteur de la société civile invite la population à respecter les gestes barrières tels que la distanciation sociale et le lavage régulier des mains à l’eau ou grâce à des produits désinfectants, dans la mesure du possible.

Nécessité de prévenir

Du côté du Conseil national des églises du Burundi (CNEB), Sylvestre Bizimana, le secrétaire général, exhorte surtout les responsables des confessions religieuses à servir d’exemple pour leurs fidèles dans la lutte contre cette épidémie, en adoptant des mesures préventives par des actions concrètes de sensibilisation et en rendant disponibles des kits de nettoyage des mains dans les lieux de culte, comme ce fut le cas lors de la période de la pandémie de la COVID-19.

Cela étant, la mairie de Bujumbura avait publié un communiqué le 31 juillet dernier, invitant les citadins à observer les mesures barrières et les responsables de différentes structures publiques et privées à veiller surtout à mettre en place un dispositif de lavage des mains, tout en veillant à ce que ces derniers soient utilisés par tous.

Lors du lancement officiel des travaux de réhabilitation et d’extension de l’aéroport international Melchior Ndadaye, ce mardi 27 août, le président de la République a appelé au respect des mesures de prévention. « Je vais insister sur l’hygiène pour combattre l’épidémie de variole du singe. Les Burundais doivent se lever. Vous vous souvenez comment nous avons combattu la pandémie de la COVID-19. Nous l’avons vaincue. Est-ce que cette petite chose va nous vaincre ? Tout se base sur l’hygiène. Je vous demande de vous sensibiliser les uns les autres sur les pratiques d’hygiène. Commençons par nous abstenir de nous toucher jusqu’à ce que cette épidémie disparaisse. » Pour lui, avec la volonté et la détermination, dans un mois, elle peut être vaincue.

Le président Ndayishimiye a déploré le faible engagement de certains. « Vous attendez que les gens meurent ? Si nous n’acceptons pas les conseils, nous allons assumer les conséquences. Il faut nous sensibiliser les uns les autres pour combattre ce fléau dans un laps de temps. La situation deviendra normale. Si on a réussi à vaincre la COVID-19, on n’échouera pas avec la variole du singe. »


Absence de rigueur aux frontières

Au poste frontalier de Gatumba vers la RDC, il n’y a pas d’exigence pour le lavage des mains alors que ce pays enregistre beaucoup de cas de variole. Pas de dispositifs de lavage des mains ni de préparatifs pour le dépistage des passagers comme du temps de la COVID-19.
À l’aéroport international Melchior Ndadaye, les mesures de prévention ne sont pas respectées

Les Burundais et les Congolais qui entrent ou sortent du Burundi font savoir que chacun se lave les mains selon sa volonté. « Nous traversons pour nous procurer des marchandises mais il n’y a pas d’obligation de lavage », raconte un commerçant burundais.« J’ai traversé la semaine passée. Pas d’obligation pour prévenir cette variole du singe. Je n’ai pas vu de dispositifs de lavage des mains comme du temps de la COVID-19 », raconte un commerçant burundais.

Des Burundais et des Congolais sont tous inquiets car ils peuvent être contaminés au moment où la RDC est plus menacée avec des chiffres alarmants. Ils demandent des régulations pour garantir la distanciation physique, le lavage des mains et le dépistage afin de limiter la propagation de cette épidémie.

Une exception…

Selon certaines sources, il y aurait une exception pour le poste-frontière entre le Burundi et la Tanzanie en commune Mabanda, province Makamba. Des dispositifs de lavage des mains ont été installés et, quelquefois, un dépistage est exigé.

À l’aéroport international Melchior Ndadaye, les mesures de prévention ne sont pas respectées. Les dispositifs mis en place lors de la pandémie de la COVID-19 sont restés sur place. Malheureusement, les passagers entrant ou sortant du pays ne se lavent pas les mains à moins que cela ne se passe dans un lieu tenu secret. D’autre part, toutes les personnes se saluent en se serrant les mains.


Un plan de riposte pour 42 milliards de BIF

Le ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le SIDA a annoncé la validation d’un plan national de riposte contre la variole du singe (Mpox) auquel il va se référer pendant 6 mois avec possibilité de mise à jour. Le point.

C’est un plan qui coûte autour de 42 milliards de BIF, l’équivalent d’à peu près 14 millions de dollars. Selon Lydwine Baradahana, ministre de la Santé, ce plan de riposte est bâti sur 7 piliers nécessaires dans la lutte contre le Mpox.

Selon la ministre de la Santé, la prise en charge Mpox est très coûteuse

Il s’agit notamment de la surveillance de la maladie, de la prise en charge, de la communication, de l’éducation envers la population, du suivi des malades, du diagnostic au laboratoire et la coordination pour la riposte. « Ce plan est coûteux. Ce document va nous aider à mobiliser des ressources nécessaires pour répondre à cette maladie. »

Et d’annoncer que le ministère de la Santé bénéficie déjà des soutiens de la part des partenaires techniques et financiers au développement de la santé, notamment l’OMS, l’UNICEF et MSF : « Les hôpitaux nationaux et l’USAID fournissent les réactifs. Depuis la déclaration de la maladie le 25 juillet, nous avons déjà bénéficié de beaucoup d’appuis. »

Riposte oui, mais conscientisation d’abord !

D’après elle, le gouvernement du Burundi a également utilisé le budget qui était prévu pour les urgences au niveau de l’INSP dans la direction du COUSP, centre des opérations des urgences au niveau du Burundi. « Maintenant, le gouvernement vient de rendre disponible un budget conséquent autour de 2 milliards pour nous aider à combattre cette maladie. »

Cet argent sera dépensé pour le carburant destiné aux missions d’investigation, de prélèvement et de supervision, pour les ambulances qui vont faire la référence et la contre-référence des malades et faciliter l’isolement. Ce budget achètera également le kit nécessaire pour la pulvérisation dans les ménages et la collation du personnel.

En attendant tout ce dispositif, Lydwine Baradahana rappelle à tout le monde la gravité de la variole du singe : « C’est une maladie hautement contagieuse. Il faut se laver les mains avec de l’eau propre et du savon et se désinfecter, éviter la promiscuité au niveau des églises, des marchés et des écoles. Observer ces mesures préventives simples va nous aider à couper la transmission et la propagation de cette maladie. »

Et de mettre en garde : « La prise en charge de cette maladie est très coûteuse quand le malade est dans un stade sévère où il présente beaucoup de plaies et des complications au niveau de la bouche, des autres organes internes et des yeux. » Aux malades et autres cas suspects, la ministre exhorte de se rendre à l’hôpital ou auprès d’une structure de soin la plus proche sans attendre l’aggravation de la maladie. Elle précise que la prise en charge est déclarée gratuite, car on est dans une phase de l’épidémie.

Une maladie en constante mutation et progression

Pour rappel, le virus Mpox a été isolé pour la première fois en 1958, au sein d’une colonie de singes à Copenhague, au Danemark. Ces singes présentaient des lésions cutanées qui évoquaient la variole humaine. D’où le nom de variole du singe, attribué à cette maladie. Elle a été observée pour la première fois chez l’homme en 1970 en République démocratique du Congo (RDC) et est désormais endémique en Afrique centrale et de l’Ouest.

Les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) avaient annoncé début août que le Comité des Représentants Permanents (COREP) de l’Union Africaine (UA) a approuvé d’urgence un montant de 10,4 millions USD provenant des fonds COVID afin de soutenir les efforts déployés pour continuer de lutter contre l’épidémie de Mpox à travers le continent.

« De janvier à juillet 2024, un total de 15 074 cas de Mpox (2 853 confirmés ; 12 221 suspects) et 461 décès (un taux de létalité de 3,06 %) ont été signalés dans douze (12) États membres de l’UA. Cela représente une augmentation de 160 % des cas et de 19 % des décès en 2024 par rapport à la même période en 2023 », a précisé l’organisation continentale dans un communiqué publié le 2 août.

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