Le tourbillon du fait religieux passe aussi par les canaux médiatiques. À la Radio Télévision Nationale du Burundi – RTNB, l’émission {Itanguriro ry’ubwenge} (le commencement de la sagesse) fait figure de roi.
<doc7540|left>« Ce samedi 1er décembre 1984, je décide secrètement d’abandonner progressivement, ou du moins de diminuer considérablement à boire, pour limiter les dépenses en boissons » … Cette mémorable résolution porte la signature d’un certain Dominique Ndayiragije, né à Bururi en 1955, grand amateur de bière s’il en est. Deux ans auparavant, il décrochait une mention « grande distinction » à l’Université du Burundi, en histoire. Assuré d’une belle carrière dans l’enseignement, bel orateur formé au vénérable et jésuite Collège du Saint-Esprit, ce fils de paysan décida alors « de combattre de toutes ses forces la soif ».
Ô bière, ô mousse …
Dominique descendait les bouteilles de malt, les unes après les autres. Bientôt, il est recruté à la Télévision Nationale, après un passage de trois ans comme administrateur communal à Makamba jusqu’en 1993. Et on le connaît partout, le Molière (surnom hérité de ses prouesses scolaires au théâtre) : buveur invétéré, il s’enfonce un peu plus dans l’alcoolisme, risquant à plusieurs reprises de perdre son emploi. Le bar La Reine, près du siège de la RTNB, qu’il surnomme affectueusement « la troisième chaîne » (jeu de mot en référence aux deux chaînes du médium public, l’une en kirundi, l’autre en français), est sa deuxième maison. Et on le surprend chez les Pentecôtistes, dans les messes catholiques, au Bon Berger ou Zion Temple, à l’Église Vivante ou dans d’autres adresses à la recherche « d’un remède divin contre le démon de la soif qui me rongeait. »
Dans la nuit du 7 septembre 2002, sa vie bascule: « Après une apparition, je me retrouvé à genoux, tremblant et en pleurs, devant ma femme et mes enfants pour demander leur pardon pour toute ce que je leur avais fait endurer ! » Dominique Ndayiragije est désormais sauvé : « J’ai perdu en un instant toute envie de prendre un millilitre d’alcool ! »
Quatre ans plus tard, la RTNB cherche de nouvelles émissions pour remplir sa nouvelle grille de programmation. Brûlant d’une foi qui l’a arraché à une déchéance sociale inéluctable, Dominique lance {Itanguriro ry’ubwenge}, paraphrasant l’Ecclésiaste qui rappelle, dans l’Ancien Testament, que « le commencement de toute Sagesse est la crainte de Dieu. » Et rapidement, Molière devient l’un des journalistes de la chaîne publique les mieux côtés.
L’engouement du public
Au départ, l’émission passait deux fois le mois. Le succès aidant, {Itanguriro ry’ubwenge} devient rapidement bihebdomadaire. Car le public de la RTNB adore « ce journaliste qui sait poser des questions qu’on a souvent envie d’adresser à nos pasteurs », explique Josiane, une mère de deux enfants qui ne rate jamais le rendez-vous du dimanche après-midi et du mardi soir. Par ailleurs, le parcours d’un ancien fan de bistrots devenu désormais un sobre « serviteur de Dieu » séduit dans plusieurs ménages minés par les dépenses et les problèmes liés à l’alcoolisme.
Pour preuve de cet intérêt, la brochette des personnalités reçues par Dominique Ndayiragije : l’épouse du président Nkurunziza, l’actuel premier vice-président, des évêques de tous bords (Ntamwana, Ngoyagoye, Bacinoni, Buconyori, Ntahoturi), des prédicateurs venus d’ailleurs (Jean Pliya, Gitwaza, Masasu), des personnalités politiques comme l’ancien président de la CENI, Paul Ngarambe, … toute une kyrielle de noms qui, au fil de la centaine d’émissions, sont passés « au micro d’un ex-soûlard pour témoigner de la force de la foi et de l’amour de Dieu au quotidien », explique l’animateur.