Vendredi 22 novembre 2024

Société

Moïse Niyoyandemye : Des larmes de crocodile

07/01/2022 10
Moïse Niyoyandemye : Des larmes de crocodile
Moïse Niyoyandemye, lors de l’émission publique du 29 décembre au stade Intwari.

Moïse Niyoyandemye c’est l’homme qui a pleuré devant le président de la République, victime, disait-il, de la Justice.
En larmes, il a ému les Burundais et réclamé ses biens saisis par la justice au profit de son ex-épouse.
L’homme a nommément chargé les deux précédentes ministres de la Justice.
Iwacu s’est rendu à Gitega pour comprendre. L’histoire est moins simple et cet homme en pleurs mène une vie de couple dissolue. Il est aussi auteur de violences conjugales.

Le mercredi 29 décembre, lors d’une émission publique, le président Evariste Ndayishimiye répond aux questions des journalistes et des citoyens. Plusieurs questions soulevées, concernent la justice.

C’est alors qu’un homme prend la parole pour demander la restitution de « la totalité de ses biens remis à sa femme illégalement et sans aucune procédure judiciaire ». Ses pleurs vont beaucoup émouvoir.

« Je suis réfugié dans mon propre pays, je n’ai plus accès à mes voitures, mes maisons, mes enfants. J’ai été contraint de signer un document, où je m’engage à ne plus approcher chez moi. J’ai sept enfants, que les parents qui sont ici imaginent ce calvaire. Je vais me permettre de citer les noms des deux ministres de la Justice, j’avais un procès avec mon ex-femme, Jeanine Nibizi, m’a obligé de signer ce document, elle était procureur de la république en province Gitega. Je viens ici, monsieur le président, pour vous demander de me rétablir dans mes droits », a dit Moïse Niyoyandemye en larmes.
La vidéo du citoyen Moïse a fait le tour des réseaux sociaux et fait couler beaucoup d’encre.

Une certaine Sandra Monicah Uwineza sur Facebook, déclare être sa fille réagit et parle des larmes de son père. Ce serait, d’après elle, une comédie. Il les aurait abandonnés depuis longtemps.
Plusieurs médias en ligne, présentent Moïse Niyoyandemye comme un malheureux père de famille dans la solitude.

Qui est Moïse ?

Moïse naît et grandit sur la colline Munaniro 2 en commune Rutegama de la province Muramvya. Il fait ses études primaires et secondaires jusqu’en neuvième sur la même colline. A défaut de continuer ses études, il se lance dans le commerce. Il semble qu’il a le sens des affaires, sa femme d’ailleurs, Monique Ndayishimiye, déclare l’avoir aimé pour son talent pour le commerce.

De Rutegama à Gitega, il a fait le commerce de la bière de banane, de l’huile de palme et autres marchandises. Dans la ville de Gitega, il est connu comme un homme d’affaires florissant et influent mais également comme commissionnaire.
Il se marie à Monique Ndayishimiye, une enseignante en commune Rutegama, ils ont grandi ensemble, fait leurs études ensemble même si Moïse n’a pas pu aller au-delà de la 9ème.

Le couple a pu étendre son commerce, ils vont acheter des propriétés à Rutegama, quartier Yoba, Gatabo, Bwoga de la ville de Gitega, des voitures, etc.

« Je l’avais aimé pour son talent de commerçant, il avait le sens des affaires, je percevais mon salaire et je lui donnais pour qu’on puisse agrandir notre commerce», déclare Monique.
Moïse et Monique ont neuf enfants, deux issus des précédentes relations de Monique, et sept avec Moise. Ils vivent tous avec leur mère au quartier Yoba de la ville de Gitega.

Le nœud du conflit Moïse/Monique

Monique Ndayishimiye : « Tout ce que Moïse veut, c’est nous voir partir moi et mes enfants sans rien. »

Il est 17h quand nous rencontrons Monique Ndayishimiye à l’école primaire dite « Kwibuka » en province Gitega. De petite taille, la dame est plutôt calme et accueillante. Elle va nous recevoir sans difficulté. Le ciel est nuageux et il fait froid. Nous entrons dans une des salles de classe.

« Rien ne m’a étonné quand j’ai vu Moïse faire une telle scène devant le Président, c’est son point fort, il l’a toujours fait même devant les tribunaux ici à Gitega comme à Rutegama», nous dit Monique en esquissant un sourire timide.
Selon l’épouse de Moïse Niyoyandemye, leur conflit commence en 2011, quand Moïse a demandé le divorce sans aucune raison valable. Ils ont décidé de se rendre à Rutegama pour divorcer mais le tribunal a décidé de ne pas accorder le divorce sans aucune raison avancée par le couple.

Depuis lors, un mauvais climat s’installe dans le couple. Monique dit que Moise la frappe sans raison, ils sont toujours soit devant les juges soit devant l’administration locale.

Un ancien employé de l’administration locale à Gitega s’est confié à Iwacu sous anonymat pour confirmer la mauvaise cohabitation du couple. Il était souvent appelé par le couple, le jour comme la nuit pour essayer de calmer la situation.
« Je ne dormais pas trois nuits de suite sans que je sois appelé par la famille Moïse. Il battait sa femme, c’est un gaffeur, tout le monde le connait, quand j’ai vu cette vidéo, j’ai tout de suite dit que le président allait le punir», nous a confié l’ancien fonctionnaire.

Les voisins, les proches de la famille ou encore les collègues de Monique tous parlent d’un couple toujours en conflits pour tout et rien. Ils se chamaillaient même en public selon plusieurs témoignages à Gitega.
Moïse aurait même demandé à sa femme de quitter son emploi pour qu’ils aillent s’installer à Rumonge pour leur commerce de l’huile de palme, ce que Monique a refusé.

Le conflit dégénère lorsque Moïse entame une liaison avec une autre femme. Les bagarres vont devenir lus fréquentes. Monique dit recevoir des appels de la concubine de Moïse.
En 2015, lors d’une des bagarres, Monique frappe Moïse. Un coup à la tête selon les proches qui sont intervenus et qui ont conduit Moïse à l’hôpital.

Monique se défend. Son mari aurait essayé de la frapper alors qu’elle avait leur cadet dans les bras. Ils se sont battus. Elle ne reconnaît pas avoir battu avec un morceau de bois sur la tête.
Monique est alors gardée à vue cette nuit, elle a été par la suite emprisonnée à Gitega pendant deux semaines avant d’être relâchée.

Son mari porte plainte pour « tentative d’assassinat », un procès est alors engagé en Justice. Moïse demande le divorce.
Elle est chassée de la maison et part avec quatre de leurs enfants, les plus âgés, tandis que Moïse reste avec les plus jeunes. Le mari a demandé un dédommagement de 15 millions de francs burundais pour avoir été battu et 300 milles francs pour la réparation du pare-brise de leur véhicule.

Après plusieurs procès, la justice va trancher en faveur de Monique Ndayishimiye : elle n’est pas reconnue coupable de cette tentative d’assassinat dont elle était accusée.
Les procès entre Moïse et Monique sont connus à Gitega. Certains procès opposent Moise et ses enfants. Les copies de jugements de leurs procès ont la taille d’une grosse encyclopédie.

Lorsque le tribunal de Gitega a tranché en faveur de Monique Ndayishimiye pour la plainte de « tentative d’assassinat », introduite par Moïse, le divorce n’avait plus lieu d’être. Alors qu’il avait été accordé au tribunal de résidence avant que sa femme ne reconduise au tribunal de grande instance, le divorce ne pouvait plus être prononcé, la raison n’était plus valable.

Moïse a essayé de mettre à la rue sa femme et les enfants, il a pris une grande partie des biens de la maison, jusqu’aux habits des enfants selon son épouse, ses enfants et des proches. Ainsi, dans une plainte, les enfants demandent à Moïse qui entretemps est parti à Bujumbura pour refaire sa vie, de leur rendre leurs accessoires et leurs habits.

Et les biens donnés à l’épouse…

-Certains procès opposent Moïse et ses enfants.

Alors que divorce entre Moïse et Monique était encore en cours, Moïse a présenté les papiers du tribunal de résidence pour se marier avec une autre femme à la zone Buyenzi, il vit avec elle aujourd’hui.

De retour de Bujumbura, Moïse a essayé encore une fois de faire sortir sa femme et ses enfants de « sa maison ». Monique a refusé. Elle se souvient : « C’était un jour férié, il est venu très agressif, il n’a pas voulu nous parler, il est venu, a pris des choses de la maison. J’ai cherché de l’aide de la part des administrateurs mais je n’arrivais à trouver personne vu que c’était un jour de congé. Par chance, j’ai pu joindre Jeanine Nibizi, alors procureur de Gitega. C’est elle qui est intervenue en ma faveur. »

La procureure Jeanine Nibizi, aurait intimé à Moïse de ne plus revenir dans ses maisons jusqu’à ce que leur dossier soit clôturé en justice, « pour le bien-être de leurs enfants. »
La ministre de la Justice Laurentine Kanyana, aurait par après pris la décision de donner à l’épouse de Moïse une maison afin de pouvoir élever ses enfants.

« Tout ce que Moïse veut, c’est que je parte avec mes enfants et sans rien. Une fois, il a soudoyé les Bashingantahe de Rutegama, pour qu’ils m’empêchent de récolter dans les champs. Une fois j’ai été battue alors que j’allais prendre mes bananes, ceux qui me battaient me disaient que j’étais divorcée, donc je n’avais pas le droit de prendre les récoltes».
Les biens de la famille Moise Niyoyandemye n’ont pas été saisis en intégralité et n’ont même pas été octroyés à sa femme. Les voitures ont été prises par Moïse, il aurait commencé un autre commerce à Bujumbura. La décision de la procureure Nibizi était provisoire, en attendant que le procès se termine.

Selon Monique Ndayishimiye, les locataires de la maison qui lui avait été accordée pour la garde des enfants ont refusé de lui payer le loyer de ce mois de décembre. Pire, la banque aurait saisi la maison pour une hypothèque d’une somme d’argent que Moïse aurait pris avant de s’en aller pour Bujumbura.

Contacté, Moïse Niyoyandemye n’a pas voulu s’exprimer sur le sujet.
« Le dossier est en train d’être réglé par son excellence le président de la République, je n’ai rien à dire pour le moment, je n’ai même pas le temps. », nous a dit Moïse avant de nous raccrocher au nez.
Jeanine Nibizi, ancien procureur de la province Gitega et ministre de la Justice, affirme qu’elle connaît le dossier de Moïse et Monique mais refuse de s’exprimer sur un dossier qui est encore en justice.

Plusieurs témoignages disent que durant son mandat, madame Jeanine Nibizi en tant que procureur de Gitega s’est illustrée pour défendre les droits des femmes. Elle aurait aidé plusieurs femmes  maltraitées à Gitega.

Forum des lecteurs d'Iwacu

10 réactions
  1. Mako Thierry

    Il a vu le président le faire aussi .
    Il l »a immité pour gagner sa compassion .

    • Stan Siyomana

      @Mako Thierry
      Dans un cas si complexe (cas de divorce) il faudrait quand même s’attendre à ce que le Président de la République demande des enquêtes pour savoir si le monsieur dit la vérité.
      Sinzi ko i Burundi mugihe umukuru w’igihugu yigoye akaja kumviriza ingorane abanyagihugu bafise, hari amategeko ahana uwuje kumutesha umwanya mugushikiriza ivyo n’uwo muntu azi neza ko ari amafuti.

    • ndirabika

      Comme quoi amarira ava i Bukuru agakwira igihugu cose ?

  2. Gacece

    Larmes de crocodile… Il y a quand même du non-dit dans cet article : que stipule la loi en la matière? Si tous les biens qui ont été cédés à son épouse étaient au nom de la femme (et à son nom seulement), et si chacun des époux a gardé ce qui était à son nom, je peux comprendre la décision. Mais si la justice a accordé à un seul des conjoints des biens qui étaient inscrits aux deux noms, on ne peut pas exclure une présence d’injustice… autant pour l’un que pour l’autre.

    Même temporairement, les biens communs aux 2 époux auraient dû être cédés avec des conditions : ne pas les vendre ; rapporter tous les revenus provenant de l’exploitation de bien communs, quitte à les départager au moment où la justice rendrait une décision finale ; confier à une tierce-partie la gestion des biens communs ; etc.

    Si madame décide de vendre la maison familiale ou tout autre bien commun, y aura-t-il rétribution à monsieur? Ou y aura-t-il rétribution à madame pour les véhicules communs vendus par monsieur?

    Quand la justice décide sur des mesures provisoires comme celle-là, elle doit obligatoirement tenir compte des besoins essentiels (de base) de chacun des conjoints et de leurs enfants : se nourrir, s’habiller, dormir (logement), se déplacer… Si la décision judiciaire précédente n’a pas pris en compte ces conditions, il y a eu une injustice… susceptible de provoquer des larmes de crocodile!.. plusieurs crocodiles!

  3. Papblo

    Urya mugabo areke kwiriza akomeze plutôt des arguments ntamugabo wo kwiriza

    • Viateur

      Merci bcp journaliste. J’ai été choqué par ses pleurs. Si c’était ici au Rwanda il soubirait le calvaire même sans procès. Maltraiter une femme ici c’est autre chose

      • Yan

        Le Rwanda pays des droits de l’homme (et des femmes)? Si c’était le cas ça se saurait !Et loin de moi d’affirmer que le Burundi est un paradis des droits.

  4. NSHIMIRIMANA

    Très bonne éclairage aux lecteurs qui auraient pu être désabusé par « ce malin pleureur »

    • John

      Je trouve que jusque là ,on ne peut rien conclure. L’article ne fait que donner la position de l’autre partie alors que l’on a entendu la position de Moïse lors de l’audience du président de la République. La justice pourra confronter les deux et conclure.

    • Nziza

      Il faut faire attention avec les enquêtes tronquees du journal Iwacu qui se permet de salir ce monsieur sans toute fois faire appel a la lois. C’est decevant de tirer des conclusions hatives tant que le president de la republique n’a pas encore donne la suite. Mais tout ca c’est dans le but de desorienter la demarche du president.

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