La facilitation a finalement conclu qu’un accord ne sera pas signé à l’issue de cette session. Les points de divergence seront soumis au sommet des chefs d’Etat de l’EAC.
Le facilitateur avait présenté un projet très ambitieux. Deux semaines de dialogue pour parvenir à la fin de la crise que traverse le Burundi. Pour y parvenir, il avait tablé sur une étude de huit grandes questions de fond par les participants. Travail en groupe, débat en plénière, un véritable programme qui laissait penser à un projet ambitieux mais tout aussi réalisable.
Au jour J-1, l’ancien président tanzanien fait un constat : pas d’accord envisageable dans un contexte de divergence de points de vue des protagonistes. Selon Benjamin Mkapa, ces points de désaccord nécessitent davantage de concertations afin de trouver une solution à l’impasse politique. Le facilitateur promet de soumettre les différentes propositions au médiateur ainsi qu’au sommet des chefs d’Etat de l’EAC pour orientations.
Déception de la facilitation
Les protagonistes auront donc passé deux semaines à travailler, chaque groupe dans son coin, sur des propositions à émettre. Les plénières programmées au départ par la facilitation n’ont pas eu lieu. Le facilitateur dans sa déclaration de ce jeudi impute le manque de convergence d’idées aux parties prenantes qui ont campé sur leurs positions dans les rencontres informelles avec la facilitation et ce « malgré ses efforts.»
On sentait déjà cet air de déception souffler sur Ngurdoto Mountain Lodge. Il s’est d’abord agi du facilitateur en personne qui au huitième jour s’est dit « déçu » par la lenteur des protagonistes à travailler pour converger sur un ou deux documents à étudier afin d’éviter d’avoir plusieurs documents sur les bras.
Une déception également des participants qui parlent de plus en plus de faiblesse de la facilitation dans la coordination et l’organisation des activités.
Pour la clôture de ce 4 ème round, pas de signature d’accord à l’horizon avec comme invités, les chefs d’Etat de la communauté est africaine comme l’annonçait en grande pompe la facilitation. Ce vendredi, une plénière est prévue, et les représentants des différents groupes auront chacun 5 minutes pour commenter le document leur soumis par la facilitation et proposer des amendements.
Coup de projecteur sur quelques propositions de la partie gouvernementale ainsi que celles de l’opposition
Le gouvernement, le parti Cndd-Fdd et ses alliés
• Se réengager à respecter l’Accord d’Arusha
• Adopter des mesures de retour et de renforcement de la confiance entre les acteurs politiques et éviter les discours qui incitent à la haine ;
• Continuer à adopter des mesures encourageant le retour des acteurs politiques ainsi que des réfugiés ayant fui les rumeurs propagées au cours des élections de 2015 ;
• Continuer le processus de désarmement des personnes qui détiennent illégalement des armes;
• Reconnaître que la Révision de la Constitution d’un pays relève de sa souveraineté ;
• Réaffirmer l’attachement aux droits de l’homme et à la jouissance des libertés fondamentales ;
• Encourager la fusion ou la réunification des partis politiques qui le souhaitent ;
• Recommander au Gouvernement de garantir l’espace politico-médiatique pour toutes les parties prenantes aux élections ;
• Adopter une Feuille de Route et une charte de non-violence pour les élections de 2020 ;
• Internaliser le dialogue inter-burundais pour poursuivre les débats sur les questions de divergence et sur la mise en application des points de convergence contenus dans la présente feuille de Route ;
Les acteurs et partis de l’opposition
• Arrêt immédiat de toute forme de persécutions, disparitions forcées, emprisonnements arbitraires, voire même des opérations de répression massive.
• Garantie de sécurité des exilés et des réfugiés pour leur faciliter un retour pacifique au Burundi.
• Désarmement effectif et immédiat de tous les civils illégalement armés et démantèlement des groupes paramilitaires et des milices.
• Engagement à respecter l’esprit et la lettre de l’Accord d’Arusha
• Suspension du processus de révision de la Constitution et du Code de Procédure Pénale.
• Réhabilitation des partis politiques fragmentés en l’occurrence les FNL, l’UPRONA et l’UPD – Zigamibanga
• Levée des mandats d’arrêt et cessation immédiate de toute forme de persécutions de ceux qui ne parlent pas le langage du gouvernement
• Eradication de la stigmatisation et de la haine envers les opposants.
• Réaffirmation du principe qu’aucun Président ne peut dépasser deux mandats successifs
• Mise en place des institutions consensuelles de mise en œuvre de l’Accord conclu ainsi qu’un mécanisme conjoint de suivi et d’évaluation ayant pour mandat de veiller à l’application stricte de ce qui aura été convenu. Ce mécanisme sera mixte avec une composante nationale, internationale (Nations unies, Union africaine) et sous-régionale (CAE).
Analyse/ Un échec prévisible
S’il faut dresser un bilan à un jour de la clôture des pourparlers, commençons par la bonne nouvelle. Les protagonistes ont enfin traité les questions sur le fond. Les huit points suggérés par la facilitation ont eu comme mérite de rassembler les nœuds du problème de la crise burundaise. Les parties prenantes ont pris du temps, chacune dans son groupe, et ont pondu des documents résumant leurs positions sur les questions de fond.
La mauvaise nouvelle est que ce travail a affiché des positions que plusieurs observateurs qualifient « d’irréconciliables. » L’opposition et la partie gouvernementale ont campé sur leurs positions. Chaque camp a refusé de céder d’un iota.
Mais n’est-ce pas leur faire un faux procès ? Il n’y a pas eu débat, personne n’est allé vers l’autre. Le face à face utile pour le choc des idées n’a pas eu lieu. Peut-on dans ce cas reprocher à ces deux camps le refus de coopérer s’ils n’ont pas été mis ensemble pour communiquer et trouver un compromis ? Une grave faille de la facilitation.
Son programme promettait des séances en plénière pour aboutir à un compromis. Le vrai face à face s’est longuement laissé désirer. Au lieu des débats en plénière, le facilitateur a choisi de rencontrer chaque groupe. Une stratégie qui, au vu du résultat, n’a pas permis de faire avancer les choses. En tout cas, les informations sur place déplorent les limites de la facilitation qui n’a pas su tenir sa promesse de lancer le débat et permettre aux protagonistes de crever l’abcès, une bonne fois pour toutes.
Au finish, la facilitation n’a pas tenu son pari. Elle s’était donné comme objectif l’aboutissement de ce 4ème round par un accord qui permettrait d’en découdre avec la crise. Les Burundais devront encore patienter,