Se plaignait-on, l’édition précédente, d’avoir eu affaire à des miss {belles mais peu futées} ? Cette année, nous avons eu droit à du {très futée et très… un peu belle}. Attention : la lecture de ces dessous d’une aventure nocturne est interdite aux moins de dix-huit ans. <doc2338|center>J’étais avec des gars pas possibles. De ces mecs que tu ne voudrais jamais voir avec ton petit frère, que jamais, au grand jamais, tu ne voudrais voir causer avec ta grande-soeur ! Des types vachards, qui n’ont rien vu des jolies demoiselles passant lentement, là, au milieu des convives galamment établis, démarches gracieuses, yeux roucoulants de fierté, toute en splendeurs pudiquement enroulées dans des robes hautes comme chasuble sur épaules d’un vénérable prêtre. Des types aux idées noires, incapables de voir comment le décor sous l’immense tente blanche abritant la soirée était sage et patriotique : tels rubans verts, tel tapis rouge, telle table blanche. Des journalistes fiévreusement penchées sur les prétendantes au titre de Miss Burundi 2012, du service de l’Hôtel Club du Lac Tanganyika au four et au moulin pour laisser bonne impression aux familles, couples formés sur place bénis, mariés par la Sainte Huile, singletons sur la quarantaine, … et bien, de tout cela, mes voisins n’ont probablement rien vu. Les 11 concourantes avaient gratifié l’assistance d’un mémorable et agréable moment de danse traditionnelle, remplaçant du coup le tant regretté passage en tenue de plage. La soirée se passait bien, et même que plus tard, Madame la ministre à la Présidence chargée des Affaires de la Communauté Est-Africaine ainsi que l’ambassadeur d’Allemagne au Burundi sont venus, accompagnant un hôte de marque, le ministre allemand de la Coopération. Les f… ! Non, ce qui traumatisait mes braves voisins, c’était comment « les demoiselles de cette année sont peu épaisses » (permettez-moi, chère lectrice, d’user de cette litote, hein?). Et d’entamer tout un débat ontologique sur la beauté de « la femme africaine » en opposition, vous vous en doutez, à « la femme européenne ». Avec une conclusion terriblement… charnelle : « Miss Burundi représente la beauté burundaise, et par delà, africaine. Or, que voyons-nous : des filles sans derrière palpable, comme toute femme africaine qui se respecte, quoi ! » Nous sommes au niveau de la présélection, et le jury, qui s’était longuement retiré (près d’une heure) a retenu six candidates : celles qui représentent Bururi, Makamba, Gitega, Karusi, Kayanza et Ruyigi. Je m’en vais intervenir donc dans le débat autour de moi pour l’élever un peu (ou le déplacer au delà du bassin, en tout cas), mais voici qu’une des trois demoiselles retenues au final (Ruyigi, Gitega et Kayanza) s’apprête à répondre aux questions qui donneront le classement final : « Quelle est l’importance du Tanganyika? » Parmi l’argumentaire développé, il y est question du « lac le plus poisonné au monde ». L’un des gars sursaute : « Poissonné ou Poissonneux ? » Puis, enchaînant sur la discussion autour des courbes des miss, pointe justement la « Miss Ruyigi, une belle africaine : voyez comment sa robe s’arrondit tel un beau poisson au niveau des hanches! », nous prend-il à témoin. Du coup, rivalisant de connaissance générale, deux comparses se mettent à épeler les types de poissons dans le Tanganyika : « Umukeke, Ingege, Ibijori, Imineke, Ikinwanguzi, Inonzi, Indagala, Imikinya, Imoto… » J’ai peur de demander à quoi tout ceci ressemble. <doc2337|right>Tandis que là devant… Et bien, le jury continue de compter les points. Et, selon les indiscrétions de certains membres du jury, la miss de Gitega, qui sera élue à la surprise d’une grande partie de l’assistance, a déjà marqué dès la veille un grand écart par rapport aux autres. Les points forts de cette étudiante en troisième année de droit : une remarquable aisance dans le face-à-face avec les jurés qui culminera quand Mélodie Mbonayo, 21 ans, engagera une discussion avec l’un d’eux en allemand (cinquième langue maniée, après le kirundi, le français, le swahili et l’anglais, tout de même). Quelques jours après, je retrouve un commentaire de la Miss East-Africa 2009, Claudia Niyonzima, sur cette soirée : « Je suis néanmoins triste que le show s’est terminé sur une note de confusion et de frustration. Cette compétition n’est absolument pas faite pour nous rappeler notre ethnie, appartenance politique ou autre mais plutôt qu’il n’y a pas plus grand honneur que de représenter son pays. » Le dilemme Les « mauvaises langues » de l’an 2010 s’étaient gaussées du peu de brillance intellectuelle laissées par les candidates de l’époque. Chatte échaudée craint l’eau froide (livraison féminine – Miss Burundi oblige!- du proverbe français qui parle d’un chat, à l’origine). Cette fois-ci, la revanche : ce n’est pas seulement une belle fille qui est élue, mais un espoir pour l’intellectuel féminin burundais qui est consacré ! Sauf que… une miss, c’est avant tout la beauté physique qui compte, par définition. Et objectivement, la Miss de Ruyigi (1ère dauphine) l’a emporté sur ce point, avouera-t-on même au sein du juré. Voilà le vrai dilemme de ces soirées : « Comment d’un coup allier la beauté et l’intelligence ? » Je propose de revoir les tables de cotation pour accorder plus de part lors de la soirée finale à ce qui a trait au physique. L’intelligence étant sévèrement cotée lors des présélections, la veille ou quelques semaines avant le jour J. Sinon, nous risquons de voir dénaturée le concours de beauté Miss Burundi.