Le 29 juillet 2024, les nouveaux membres des Commissions électorales provinciales indépendantes (Cepi) prêtent serment conformément à la loi électorale en vigueur pour les élections de 2025. Ces derniers, à leur tour, vont mettre en place les membres des Commissions électorales communales indépendantes (Ceci). D’aucuns se demandent si elles seront inclusives au regard de la composition des membres des Cepi que beaucoup qualifient de presque monocolore avec la prédominance des membres du parti au pouvoir.
Dans leur serment solennel, les membres des Cepi se sont engagés à se donner corps et âme, sans favoritisme pour garantir le bon déroulement des élections de 2025. Pourtant, certains politiques ont estimé que tous ces membres sont issus du parti au pouvoir ou de sa mouvance.
Du côté de la Commission électorale nationale indépendante, Ceni, par le truchement de François Bizimana, son porte-parole, elle affirme qu’il n’y a jamais eu de saisine contre la composition des Cepi comme le recommande le Code électoral.
A la veille de la mise en place des Ceci, plusieurs gens s’expriment.
Réactions
Eric Nsengimana : « Que les jeunes soient impliqués ! »
Au nom de l’Association pour une jeunesse africaine progressiste, Ajap, Eric Nsengimana dénonce l’exclusion des jeunes lors de la mise en place des Cepi et demande qu’avec les Ceci, la majorité de la population, qui est principalement constituée par des jeunes, soit, elle aussi, impliquée.
Godelieve Manirakiza : « La Ceni n’a pas tenu compte des 30% prévus par la Constitution »
Au niveau de l’Afrabu, Association des femmes rapatriées du Burundi, Godelieve Manirakiza, constate que la Ceni n’a pas pris en considération les 30% que la Constitution réserve à la femme lors de la mise en place des Cepi. Elle demande à la Ceni que lors de la mise en place des Ceci, la place de la femme soit prise en compte conformément à ce que prévoit la Constitution.
Olivier Nkurunziza : « Il faut une inclusion totale »
Olivier Nkurunziza, président du parti Uprona, tout en dénonçant la prédominance des membres issus du parti au pouvoir et des membres de la société civile d’obédience du parti au pouvoir dans les Cepi, recommande cette fois une inclusivité totale dans la mise en place des Ceci.
Pour lui, avec sept membres qui composent chaque Ceci, il est difficile que 35 partis politiques reconnus et la société civile soient représentés de manière équitable. « Il faut que les partis politiques qui opèrent dans les différentes communes soient représentés ainsi que la société civile et les confessions religieuses », suggère-t-il.
Il estime que si la prédominance du parti au pouvoir s’observe encore une fois, les Burundais perdront, dès le départ, la confiance aux élections de 2025 mais il leur recommande de ne pas perdre espoir. « Je recommande au Burundais de ne pas perdre espoir et de croire que les élections sont déjà finies à l’avance, que les voix sont déjà comptées, mais d’accorder le bénéfice du doute aux membres des Cepi et des Ceci », propose-t-il en effet.
Il précise qu’il y a d’autres organes sur lesquels il faut compter comme les bureaux de vote, les mandataires et les observateurs. Et de penser que les Burundais seront présents pour contrer les organes de la Ceni qui ne feront pas leur travail de manière professionnelle.
« Que les Burundais ne se découragent pas parce cela peut être une guerre psychologique. Il ne faut que les gens se disent que les élections sont finies parce les membres des démembrements de la Ceni sont du parti au pouvoir », propose-t-il.
Quel que soit la provenance des membres de la Ceni, il appelle plutôt au professionnalisme et à l’indépendance qui feront que les élections soient libres, transparentes et inclusives. Que la Ceni, fasse plutôt tout pour que la confiance soit totale ! recommande-t-il.
Agathon Rwasa : « Les élections sont préparées en faveur du parti au pouvoir »
Pour Agathon Rwasa, tout illustre les propos du président de la République du 16 août 2020, lors de son investiture. « Il a clairement dit qu’il ne travaillera pas avec les gens de l’opposition. Alors, quand on parle de la Ceni, des Cepi ou des Ceci, tout se fait dans ce sens. Ce sont des élections organisées pour plusieurs, mais en faveur du parti au pouvoir », fait-il savoir.
Il indique que les élections sont organisées pour l’intérêt du parti au pouvoir. « Je ne peux pas cautionner cela dans la mesure où tu ne peux pas accepter d’écouter ce que tu ne veux pas entendre. Il s’agit d’une démocratie qui est mise de côté mais chantée par la bouche », indique-t-il. Il fait alors savoir qu’il n’y a rien à changer là où on en est.
Interview avec Denis Banshimiyubusa : « La part du lion reviendra au parti au pouvoir »
Pourquoi la prédominance des politiques dans cet organe électoral supposé être indépendant ?
Au Burundi, depuis principalement 2010, il ne faudrait pas parler de la prédominance des partis, mais de celle d’un parti, je veux dire le CNDD-FDD qui se taille toujours la part du lion et qui, au fur des ans, s’est érigé en Parti-Etat. Alors, le CNDD-FDD prédomine en chef dans la Ceni pour au moins deux raisons.
Lesquelles ?
La première, c’est que la Ceni (et ses démembrements provinciaux et communaux) est un organe légal clé dans l’administration électorale. Conformément à l’article 92 de la Constitution de 2018, son rôle est déterminant dans la conduite et l’aboutissement de tout processus électoral car c’est elle qui organise le processus électoral du début à la fin et en proclame les résultats provisoires.
Ici au Burundi comme ailleurs, dans la plupart des pays africains, il devient l’objet de toutes formes de manipulation et de pression pour l’obtention des résultats souhaités par le plus fort, c’est-à-dire celui qui est au pouvoir.
La deuxième raison est liée à la situation socio-économique du pays.
Pouvez-vous expliquer ?
A tous les niveaux, la Ceni offre du travail bien rémunérant dans un pays où trouver du travail est un casse-tête pour pas mal de Burundais, jeunes comme adultes. Indépendamment donc de ce que devraient être les missions de la Ceni et celles de ses démembrements territoriaux, les partis politiques se bousculent ou font les yeux doux au parti au pouvoir pour pouvoir caser ne fut ce qu’un de leurs membres. Il en va de leur survie politique mais aussi sociale !
Auriez-vous des recommandations quant à l’inclusivité dans la mise en place des Ceci ?
A l’heure actuelle, il est presqu’impossible de penser à une possible inclusivité au niveau des commissions électorales communales indépendantes (Ceci) étant donné que la démarche a été faussée dès le départ au niveau de la mise en place de la Ceni et des Cepi.
Que suggérez-vous alors ?
S’il fallait parler de l’inclusivité, elle ne concernerait pas part les membres des partis politiques mais bien des personnalités indépendantes selon le prescrit de l’article 91 de la Constitution burundaise de 2018. Autant dire que la place des partis politiques se trouve sur le terrain de la compétition électorale et non dans les organes de gestion des élections à quelque niveau que ce soit. Une compétition où quelqu’un est en même temps compétiteur et arbitre/juge de soi-même n’aurait pas de sens et perdrait d’avance sa crédibilité.