Vendredi 22 novembre 2024

Santé

Mise en cause de la responsabilité médicale : une première au Burundi

Les avocats de la partie civile agissant au nom de Roger Muhizi (actuellement sous les verrous à Mpimba) ont déposé le 27 juin une plainte contre deux médecins de la Clinique Prince Louis Rwagasore (CPLR). Une action judiciaire serait potentiellement risquée pour l’Etat.

Me Amédée Nzobarinda : « La plainte est déjà déposée. Il n’y aura pas de prescription » ©Iwacu
Me Amédée Nzobarinda : « La plainte est déjà déposée. Il n’y aura pas de prescription » ©Iwacu

« Nous espérons que le procureur général de la République donnera suite à notre correspondance. Nous attendons avec impatience qu’il mande les deux médecins, ne serait ce que pour les interroger. » Ce sont les propos de Me Amédée Nzobarinda, le chef de file des avocats de la partie plaignante. Il répondait à la question de savoir s’il espérait que sa plainte aura une certaine suite au moment où celle déposée en mars contre six hauts gradés de la police gît toujours dans les tiroirs du ministère public.
Me Nzobarinda pressent un non-lieu : « Si par impossible le parquet aboutissait à un non-lieu, il nous le fera savoir par une correspondance, selon le principe du parallélisme des formes. »  Il n’exclut pas même la possibilité qu’il ne soit rien fait de la plainte. Aussi mise-t-il également sur le long terme. « La plainte est déjà déposée. Il n’y aura pas de prescription», martèle-t-il.

Pessimisme des avocats

Des avocats interrogés semblent eux aussi pessimistes sur le sort qui sera réservé à la plainte. La plupart avancent la raison comme quoi la plainte met en cause de hauts responsables étatiques. Ils ressassent alors ce célèbre leitmotiv : « la magistrature burundaise est inféodée à l’exécutif. »
D’autres prédisent que l’Etat pourrait perdre le procès et serait, dans ce cas, acculé à verser des indemnités. « Il va de l’intérêt du ministère public de n’entreprendre aucune action judiciaire », concluent-ils.
Interrogé ce samedi, un des deux médecins dit ignorer l’existence d’une quelconque plainte contre un médecin de la CPLR. A maintes reprises, nous avons tenté, sans succès, de joindre M. Valentin Bagorikunda, procureur général de la République.

Un détenu peut-il se faire soigner à l’étranger ? « Aucune circonstance ne peut expliquer la privation du droit à la vie, un droit reconnu par la loi burundaise et les traités internationaux. L’Etat doit user de tous les moyens pour que le droit à la vie soit sauvegardé, même pour les détenus », dira Me Nzobarinda. Mais, l’avocat reconnaît lui-même que le droit national est muet sur la question de transfert d’un détenu malade à l’étranger.

Rappel des faits

Roger Muhizi est un membre du MSD qui a été grièvement blessé par balles par des agents de la police suite aux événements du 8 mars 2014 à la permanence de ce parti. Le lendemain, il a été hospitalisé à la CPLR.
Le 27 mai 2014, un billet de sortie est signé par un médecin de cet hôpital. Manu militari, le malade est extirpé de son lit d’hôpital, « arguant que le malade est en parfait état de santé », bien qu’il soit sorti sur une chaise roulante. Après avoir passé sa première nuit en prison, le lendemain, Roger Muhizi est admis cette fois-ci à l’Hôpital Prince Régent Charles (HPRC). Une controverse est née autour de l’opportunité de le transférer ou non à l’étranger pour y poursuivre le traitement médical. Roger Muhizi dit qu’il a les moyens financiers de se faire soigner à l’étranger.

C’est contre ce médecin traitant de la CPLR et contre celui qui a signé sur le billet de sortie que la plainte est dirigée. Les avocats Fleury Muhimpundu, Jean-Paul Niyongabo et Amédéé Nzobarinda souhaiteraient que les deux médecins soient poursuivis pour infractions de torture, traitements cruels, inhumains et dégradants, non assistance à personne en danger, et atteinte aux droits garantis aux particuliers.

Forum des lecteurs d'Iwacu

18 réactions
  1. Karahinda Joseph

    Attention mes chers amis: souvent vous usez des termes dont vous ne connaissez pas les contours exacts, en particulier ceux qui regardent le droit. C’est vrai que tout le monde, en principe, a droit à la vie. C’est un droit naturel. Mais ce droit universel doit etre confirmé par la loi positive (la législation) de chaque pays. C’est ainsi que certains pays usent de la peine de mort d’autres non. Beaucoup de pays permettent l’avortement, d’autres non. Certains pays permettent à leurs prisonniers de manger à satiété aux frais du contribuable, d’autres non. Certains pays permettent au prisonniers de se soigner correctement, d’autres non. En Occident, si un médecin opère un malade et qu’il meurt, il encourt dans un procès et l’hopital doit payer des dommages aux parents. A mon avis, avant de s’aventurer dans un procès contre qui que ce soit, il faut d’abord aller lire ce que dit la loi du Burundi en cette matière. Autrement, on fait la figure de l’ignorant, Et nul n’est censé ignorer la loi.

    • Junior Ndkgy

      C’est quoi votre contribution alors…? Je parle ici en termes du prescrit du droit burundais que vous semblez vouloir invoquer pour clarifier l’éventuelle imprécision des arguments ci-hauts présentés. Ensuite, je dois vous avouer que vous êtes difficile à lire; du droit à la vie, l’IVG ( qui ne signifie pas par ailleurs chez ceux qui la décriminalisent, une négation du droit à la vie) au plat bien garni à la prison, on perd le sens de votre raisonnement. Je ne suis pas juriste, si ce n’est que mon commentaire, mais votre argumentation peine à peser M. Karahinda. Pensez vous pouvoir trouver dans un quelconque texte, des dispositions stipulant une possible remise en cause du droit à la vie? Que viennent apporter les législations étrangères dans cette situation? Elles ne peuvent servir ni en termes de primauté, ni en ceux de jurisprudence pour pouvoir être évoquées, qu’elles soient chinoises ou américaines pour citer les 2 géants qui peuvent vous avoir servi de référence.

      • Karahinda Joseph

        Justement, que dit le droit burundais en la matière ? Je voulais dire ceci: il ne suffit pas d’invoquer le droit à la vie, pour avoir toujours raison, si la loi du pays a pris d’autres dispositions. L’exemple des exécutions capitales qui sont une négation du droit à la vie, et pourtant qui se font en toute justice (!), les avortements sont des négations du droit à la vie, et pourtant certains pays les autorisent ou les provoquent le plus légalement du monde. Ne pas nourrir un prisonnier est une négation du droit à la vie, parce que ceux qui n’ont pas de parents ou amis peuvent mourir de faim. Ce n’est donc pas parce qu’un prisonnier hospitalisé est repris par la Justice pour etre emprisonné que nécessairement les médecins qui le soignaient en portent la responsabilité, et qu’ils ont bafoué son droit à la vie: le prisonnier, meme sur le lit d’hopital reste entre les mains de la justice, qui peut prendre les mesures qui s’imposent à n’importe quel moment: au moins c’est la pratique que je vois dans les pays occidentaux. Il est fréquent de voir les policiers faire subir de longs interrogatoires aux malades sur les lits d’hopital, ou de les porter pour témoigner dans les tribunaux sur des chaises roulantes. Que dit la loi burundaise ? A mon humble avis, la plainte devrait etre portée contre le Ministère de la Justice, et non contre ces médecins qui n’ont aucune force d’agir.

        • Junior Ndkgy

          Peut-être que vous êtes à l’Est de la Corée du Nord, dans ce cas on comprendrait de quel Occident (votre Ouest) vous parlez. Si non, nulle part au monde, la justice n’est pas compétente à constater le rétablissement d’un malade. Et je crois pour le cas que vous défendez avoir entendu dire que des médecins auraient signé un rapport médical faisant état de la guérison du détenu.

    • Fabrice

      Je voudrais répondre à Karahinda Joseph que son argumentation est fragile et ne saurait résister à la rigueur du droit. En effet le droit à la vie est un droit naturel mais qui dit droit naturel dit aussi un droit inhérent à la nature humaine pas besoin d’un texte pour le consacrer puisqu’il existe déjà. Je suis d’accord pour que celui-ci soit effectif il doit être retranscrit dans le droit positif. Cependant sans apporter des considérations politiques je souhaite qu’on reste sur le terrain du droit. A ce titre qu’il me soit permis d’éclairer votre lanterne Monsieur. L’État Burundais a ratifié le pacte des droits civils et politiques de 1966. Celui-ci est un instrument juridique contraignant suffisant à lui seule pour faire respecter le droit à la vie. Inutile de vous rappeler la hiérarchie des normes en droit que vous êtes sans ignorer. Et surtout le pacte ci haut cité est doté d’un instrument de contrôle pour en assurer la bonne application par les Etats. Il s’agit du Conseil des droits de l’homme à Genève par le biais de son examen périodique universel. ( à mon sens le débat se situerait sur la question de la mise en application des recommandations du Conseil des droits de l’homme par les États mais là n’est pas la question) Par ailleurs la panoplie des instruments protegeant ce droit reste légion à la fois en droit national, régional et international 😉

  2. Racso69

    De quoi donc Roger Muhizi souffre-t’il pour qu’il doive être évacué pour être soigné à l’étranger? Et étant donné son statut de détenu, qui en assurerait la surveillance dans ce cas-la? Et par ailleurs plusieurs articles précédents font état d’une blessure par balle au bras droit; une telle blessure ne peut-elle pas être traitée au Burundi??? Ce serait véritablement affligeant…

    • Nzobandora

      Je ne sais pas si tu fais semblant de ne pas savoir mais les médecins ont bien dit qu’il s’agit bien d’une grave blessure au bras et qu’il y a risque d’amputation du bras s’il n’est rapidement et correctement soigné. Quant à ce qui peut être traité ou pas Burundi je te suggère de faire le tour des hôpitaux jadis de haute standing de la capital tu verras dans quel état ils se trouvent actuellement et ainsi tu auras la réponse à ta question et ainsi tu verras que les Burundi vont bientôt courir en Inde pour une circoncision.

      • Racso69

        En dehors des 2 médecins de la Clinique Prince Louis Rwagasore et de l’Hôpital Prince Régent Charles, quels sont les confères qui ont examiné Roger Muhizi et qui ont diagnostiqué une grave blessure au bras pouvant mener à un amputation? Et qui les a mandatés? Sous d’autres cieux, quand des médecins se contredisent dan une affaire, le magistrat qui enquête fait appel à des experts indépendants. Par aillkeurs, Monsieur Muhizi ayant été blessé il y a plus de 4 mois, quel est son état actuel de son bras?
        Et je me répète, si une blessure par balles au bras ne peut pas être soignée au Burundi, c’est dramatique. Et cela concerne tous les Barundi, hormis bien sûr les nantis qui ont les moyens de se faire soigner à l’étranger. Si un jour on doit aller en Inde pour une circoncision, qu’en sera-t’il alors
        pour une appendice?

  3. Traitre

    @Iwacu: Nimba réellement mwatanze iyo nkuru pour protéger les Burundais, duhe amazina y’abo baganga tuzoze turabaca kure kuko nti turi imbonerakure.

    @Ordre des médecins: Ndasavye nukuri muhane ces faux médecins kuko bamenje! Kubahuka gukorana n’iperereza wariyigiye médecine yawe, ni ukwikengereza bidasanzwe!

  4. Hubwo bazobatera urushinge rwamazi nimwabandanya muza kubivuzako.

  5. KAMASHU

    Duhe amazina yabo baganga bakorana n’Imbonerakure. Ko baza barataye ibanga ninde azoja kubivuzako?

  6. Les noms de ces deux médecins

    En période de crise, les médecins d’un pays occidental (je le nomme pas) qui opéraient à Gitega se pressaient à couper la jambe du soldat blessé sur le champs de bataille. Le motif de cet empressement reste toujours inavoué. Quand les familles ont appris le cas, ils ont refusé que leurs malades soient traités par ces médecins de mauvaise fois. N’ubu rero, ni muduhe amazina yabo baganga banka kuvura umurwayi ngo yakize!

    • NZOBANDORA

      @Les noms de ces deux médecins,

      Ibi uriko urandika vyitwa ibihuha….insaku canke urunwarunwa mu kirundi ciza…! Vous colportez des ragots car vous n’avez aucune preuve pour démontrer ce que vous affirmez … ..gratuitement. A moins que vous ne soyiez medecin (j’en doute tres fort…), vous ne savez pas du tout pourqoui un medecin decide ou pas d’emputer son patinet…!!! Be rero muvuga ivyo muzi ivyo mutazi mubirekere ababizi kubarusha…C’est une honte…

      • Junior Ndkgy

        Honte à vous M. Nzobandora, vous n’infirmez rien et vous voilà à la défense des sieurs-dames dont le professionnalisme est remis en cause par toutes les âmes moins fanatisées. Ayons plutôt honte, que 3000 ans de progrès après l’antiquité grecque, nous nous rendions incapable de faire ce que, à la suite d’Hipocrate, les médecins de cette imminente civilisation antique ont jugé essentiel. Quand, il y a 3000 ans un médecin spartiate traitait avec dévouement un blessé de guerre athénien et vice versa en pleine guerre du Péloponnèse, un bougre de médecin du HPRC laisse honteusement mourir un autre murundi qui ne menace même pas sa survie ou celle de son État.

        • NZOBANDORA

          @Junior Ndkgy
          Je comprends votre reaction mais je crois qu’on ne s’est pas entendu. Je n’ai pas reagi par rapport a ce qui s’est passe a l’HPRC (qui est vraisemblable compte tenu du contexte politique du moment) mais par rapport a ce que le Monsieur/Dame a qui j’ai repondu affirmait gratuitemetn ci-dessous…et je n’y crois pa purement et simplement…

           »En période de crise, les médecins d’un pays occidental (je le nomme pas) qui opéraient à Gitega se pressaient à couper la jambe du soldat blessé sur le champs de bataille. Le motif de cet empressement reste toujours inavoué. Quand les familles ont appris le cas, ils ont refusé que leurs malades soient traités par ces médecins de mauvaise fois »

          • Junior Ndkgy

            Merci de l’éclaircissement

  7. Gihuro Magnus

    Sous le règne Nkurunziza on aura tout vu! Vivement 2015 pour en finir avec…

  8. Nzobandora

    Ca fait un moment que le ridicule ne tue plus dans ce pays mais maintenant on atteint le summum avec des médecins qui entrent dans la danse et j’espère seulement qu’ils en sont fiers après autant d’années d’études et leur serment d’Hippocrate pour obtenir le titre de docteur en médecine.

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